La “Méthode” selon Descartes

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La rose de ma Mère – Photo @dsirmtcom mai 2017

Notes philosophiques n° 10

Retrouvez le portrait de Descartes et l’analyse détaillée du Discours de la méthode dans l’ouvrage
« De Socrate à Descartes – Philosophie – Fiches de lecture, tome I »

Introduction

Une méthode, pourquoi ?

Dans la première partie du Discours de la méthode (nous utiliserons par la suite le terme abrégé de Discours pour désigner cette œuvre en particulier), Descartes fait le constat suivant :

Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée.

Par le terme “bon sens”, il évoque la capacité à penser que possède naturellement tous les hommes. Mais il complète plus loin ce constat, en précisant qu’être doué de raison ne suffit pas à en faire le meilleur usage :

Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien.

Cette notion d’application de la raison, d’utilisation efficiente de la pensée, est une référence à la méthode qu’il a conçue pour pouvoir au mieux développer ses connaissances dans le domaine des sciences et accéder plus sûrement à la vérité. Ces deux objectifs poursuivis par Descartes sont présents dans le titre de l’ouvrage : “bien conduire sa raison” ; “chercher la vérité dans les sciences”. Notons par ailleurs que l’étymologie du mot “méthode” est issu du grec methodos, poursuite, recherche, mot formé de meta, vers, et hodos, chemin. Il s’agit donc, pour ce qui est de la méthode cartésienne, d’un cheminement de la raison en direction de la vérité.

Quelle méthode ?

Dans les Règles pour la direction de l’esprit, ouvrage antérieur au Discours, Descartes fait une première présentation générale de sa méthode, dans la règle IV, intitulée “La méthode est nécessaire pour la recherche de la vérité”.

Quant à la méthode, j’entends par là des règles certaines et faciles dont l’exacte observation fera que n’importe qui ne prendra jamais rien de faux pour vrai, et que, sans dépenser inutilement aucun effort d’intelligence, il parviendra, par un accroissement graduel et continu de science, à la véritable connaissance de tout ce qu’il sera capable de connaître.

La méthode se présente donc sous la forme de règles – appelés “préceptes” dans le Discours -, que nous analyserons plus loin. Descartes les qualifie de faciles, et souligne que l’utilisation de la méthode n’engendrera pas d’effort intellectuel inutile : l’accès à la vérité, et à la connaissance, est donc, selon lui, aisé et simple.

Précautions d’usage

Lorsqu’il présente sa méthode, Descartes tient à indiquer qu’il ne se pose pas en docte professeur disposant d’une infaillible et unique méthode à utiliser impérativement :

Ainsi mon dessein n’est pas d’enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison ; mais seulement de faire voir en quelle sorte j’ai tâché de conduire la mienne.

La méthode cartésienne n’est donc pas “le” mode d’emploi pour accéder à la vérité en tout lieu et en tout temps (Descartes pousse même jusqu’à ce qui pourrait sembler un trait d’humour en qualifiant le Discours de fable). Denis Moreau, maître de conférences en philosophie, commente ce texte pour donner le cadre véritable de la méthode, loin d’une méthode “magique” ou d’un “couteau suisse” de la science :

(…) la méthode du Discours ne consiste pas en un ensemble de règles formelles applicables dans toutes les situations et tous les domaines et qui permettraient de “fabriquer” de la science à partir de rien (…) ; la méthode est plutôt une prise de conscience de la façon dont a été constitué le savoir. Descartes, Discours de la méthode, par D. Moreau, Paris, Librairie Générale Française.

La méthode cartésienne, plus qu’une solution unique pour la résolution de problèmes quels qu’ils soient, est une description du – ou d’un –  mode d’acquisition de la connaissance. Descartes observe comment il a appris, comment il apprend, comment il peut déterminer le vrai (comme il le fera dans les Méditations métaphysiques). De cette observation, de ce cheminement vers la vérité, il parvient à tirer des règles qui constitueront sa méthode, et nous verrons que cette observation est bien antérieure au Discours.

Soulignons enfin que la méthode cartésienne se fonde sur les mathématiques et plus précisément la Mathesis universalis, la mathématique universelle. Les mathématiques, et plus précisément l’arithmétique et la géométrie, fournissent le modèle à partir duquel la méthode peut se déployer pour observer les objets et développer la connaissance.

(…) il me parut enfin clair de rapporter à la Mathématique tout ce en quoi seulement on examine l’ordre et la mesure (…). Il en résulte qu’il doit y avoir une science générale qui explique tout ce qu’on peut chercher concernant l’ordre et la mesure (…) : cette science se désigne (…) par le nom (…) de Mathématique universelle. (Règle IV).

Retenons dès à présent la notion d’ordre que nous retrouverons comme prégnante dans le développement de la “méthode”.

Les quatre préceptes de la Méthode

Dans la seconde partie du Discours, Descartes fait une présentation synthétique de sa méthode. Il la décline en quatre “préceptes”, qui ont ensuite été désignés en terme de règles. Louis-Marie Morfaux les indique dans son ouvrage Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines à l’entrée “méthode” :

Les quatre règles de la méthode sont la règle de l’évidence, la règle de l’analyse, la règle de l’ordre et celle du dénombrement complet.

La règle de l’ordre est aussi dénommée règle de la synthèse, et celle du dénombrement règle de l’énumération (Morfaux, op. cit.). Nous allons maintenant les examiner dans le détail.

Premier précepte : la règle de l’évidence

(…) ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. Descartes, op. cit.

Clairement et distinctement

Le critère utilisé par Descartes pour établir la vérité repose sur deux éléments : la clarté et la distinction. Il en donne la définition dans un autre ouvrage, les Principes de la philosophie. La clarté, c’est quand la perception est “présente et manifeste à un esprit attentif” (Principes de la philosophie, I, art. 45). Descartes donne l’exemple de la vision claire que présente un objet lorsque nous l’observons. La distinction, c’est lorsque la perception

(…) est tellement précise et différente de toutes les autres, qu’elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère comme il faut. (Ibid.).

Ce dernier élément se présente sous trois formes : la distinction réelle, la distinction modale et celle par la pensée (Principes de la philosophie, I, art. 60-62).

La distinction réelle est celle qui s’opère “entre deux ou plusieurs substances”. Deux choses seront réellement distinctes si nous pouvons concevoir l’idée de l’une sans penser à l’autre. Dans les Principes de la philosophie (I, art. 60), Descartes prend l’exemple de la distinction de l’âme et du corps, qu’il évoque également dans la sixième Méditation intitulée De l’existence des choses matérielles, et de la réelle distinction entre l’âme et le corps de l’homme. Malgré l’union étroite entre l’âme et le corps, il est possible de distinguer réellement l’un de l’autre. Le corps est une “chose étendue”, ayant la faculté de mouvement, mais ne possédant pas celle de penser, faculté qui ne relève que de l’âme, “chose qui pense et non étendue” (Méditations métaphysiques, VI). Précisons que pour Descartes, le terme “étendue” désigne l’essence de la matière (Morfaux, op. cit.) : le corps, comme la matière, “est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur (…) qui a de l’extension” (Principes de la philosophie, II, art. 4). L’âme n’étant pas par essence extensible, et ayant seule la propriété de penser, se distingue donc réellement du corps.

La distinction modale intervient entre un mode et une substance, ou entre les différents modes d’une substance. Descartes donne l’exemple d’une pierre de forme carrée, mise en mouvement. S’il nous est possible d’avoir connaissance de sa forme sans connaître son mouvement, ou de connaître son mouvement sans avoir connaissance de sa forme, il nous est impossible de distinguer forme et mouvement si nous ne savons pas qu’ils sont les modes d’une seule substance, la pierre (Principes de la philosophie, I, art. 61).

La distinction par la pensée concerne une substance et un de ses attributs. La durée de l’existence d’une chose ne se distingue de celle-ci que par la pensée. L’étendue – autrement dit les dimensions – d’un corps ne se distingue de sa propriété d’être divisible que par la pensée (Principes de la philosophie, I, art. 62).

Nous avons pu examiner le critère de vérité cartésien, fondé sur la clarté et la distinction, qui permet de lever tout doute sur une chose. Descartes nous donne également dans cette règle de l’évidence un conseil de prudence à suivre, que nous allons maintenant détailler.

Précipitation et prévention

Afin de ne pas prononcer trop hâtivement un jugement, Descartes nous invite à ne pas succomber à la précipitation et à la prévention. Ces deux termes méritent d’être approfondis pour mieux les cerner.

Denis Moreau donne l’explication de ces deux “défauts” qui conduisent à l’erreur de jugement :

(…) la précipitation consiste à juger trop vite, avant d’être parvenu à la clarté et à la distinction requises pour assurer la certitude d’une idée ; la prévention consiste à se contenter de faire confiance à ses préjugés, ses idées toutes faites. (Op. cit.).

Pour mieux comprendre le mécanisme de la précipitation, il faut s’aider de la quatrième méditation, qui traite “du vrai et du faux”, autrement dit de l’erreur. Descartes y distingue deux facultés qui nous entraînent soit vers la vérité, soit vers l’erreur : l’entendement et la volonté.

L’entendement, c’est la faculté de comprendre, de connaître, de concevoir, à l’aide de la raison (Morfaux, op. cit.), en un mot, l’intelligence. La volonté, c’est ce qui nous fait affirmer un jugement. L’erreur ne provient pas de l’une ou l’autre de ces facultés, mais d’une mauvaise utilisation que nous en faisons. L’entendement est fini, c’est-à-dire que nous ne pouvons pas tout connaître, tandis que la volonté est infinie : rien ne la contraint à juger de telle ou telle sorte. Mais ce caractère absolu de la volonté la conduit souvent à porter un jugement alors que l’entendement n’a pas eu la possibilité d’examiner le problème rencontré avec suffisamment d’analyse. La volonté nous entraîne donc dans la précipitation d’un jugement, et devient la source de nos erreurs. Pour éviter cela, Descartes nous donne la démarche la plus assurée pour établir un jugement :

(…) la connaissance de l’entendement doit toujours précéder la détermination de la volonté. (Descartes, Méditations métaphysiques, IV).

Quant à la prévention, elle relève de nos préjugés, de nos a priori. Descartes en fait le constat au début de la première méditation : ce qu’il a appris depuis ses jeunes années ne peut qu’être mis en doute.

Il y a déjà quelques temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé pour des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain. (Descartes, Méditations métaphysiques, I).

Ces préjugés ou “fausses opinions” ont déjà été identifiés par lui dans les Principes de la philosophie :

Que la première et principale cause de nos erreurs sont les préjugés de notre enfance. (Principes de la philosophie, I, art. 71).

Nous retrouvons ici le mécanisme de l’erreur liée à la précipitation : la volonté juge trop vite, se basant sur les opinions anciennes, sur les préjugés acquis, et induit un jugement erroné.

Le doute comme outil pour accéder à la vérité

Terminons l’analyse de ce premier précepte sur le terme “doute”, évoqué succinctement dans cette règle de l’évidence, mais que Descartes développe dans les Méditations métaphysiques, notamment dans la première, intitulée Des choses que l’on peut révoquer en doute.

Avant de pouvoir recevoir quelque chose comme vrai, il faut se défaire de toutes les anciennes opinions – Descartes veut les “détruire” terme particulièrement fort -, dont nous venons de voir qu’elles se fondent trop souvent sur des préjugés, ainsi que de celles “apprises des sens ou par les sens” (Descartes, Méditations métaphysiques, I). Le doute est la première étape du cheminement vers la vérité. Il est radical, universel, “hyperbolique” (terme utilisé dans la sixième méditation) : tout doit être considéré comme absolument faux, même ce qui est simplement douteux ou ce qui nous a trompé quelquefois. Seul le Cogito – “je pense, je suis” – résistera à ce doute.

Une fois ce doute mis en œuvre, Descartes va pouvoir nous indiquer les autres préceptes à suivre pour accéder à la vérité.

Deuxième et troisième préceptes : règle de l’analyse ; règle de l’ordre

Deuxième précepte : la règle de l’analyse

(…) diviser chacune des difficultés que j’examinerais en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre. Descartes, op. cit.

Devant un problème à résoudre, il faut le décomposer en éléments moins complexes, jusqu’à parvenir à ses éléments les plus simples. L’étymologie du terme “analyse”éclaire bien ce deuxième précepte : il vient du grec analusis, d’analuein, délier, résoudre un tout en ses parties (Morfaux, op. cit.).

Troisième précepte : la règle de l’ordre/de la synthèse

(…) conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés : et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent pas naturellement les uns les autres. Descartes, op. cit.

Après le travail de décomposition entrepris en suivant la règle de l’analyse, Descartes reconstruit en établissant les liens entre les objets, leur ordre véritable, pas nécessairement naturel. Il procède par déduction, par “longues chaînes de raisons” comme il l’écrit dans le Discours à la suite des préceptes.

Aux origines de la “méthode”

Nous avons vu en introduction la présentation que fait Descartes de sa méthode dans les Règles pour la direction de l’esprit (nous utiliserons le terme abrégé de Règles pour désigner cet ouvrage). Dans cet ouvrage, les deuxième et troisième préceptes du Discours sont synthétisés dans la cinquième règle :

Toute la méthode consiste dans l’ordre et l’arrangement des objets sur lesquels il faut faire porter la pénétration de l’intelligence pour découvrir quelque vérité. Nous y resterons soigneusement fidèles, si nous ramenons graduellement les propositions compliquées et obscures à des propositions plus simples, et ensuite si, partant de l’intuition de celles qui sont les plus simples de toutes, nous tâchons de nous élever par les mêmes degrés à la connaissance de toutes les autres. Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, V.

Nous y retrouvons la règle de l’analyse – décomposition du plus complexe au plus simple – ; et celle de l’ordre – élévation de la connaissance en ordonnant les objets selon la raison.

Le Discours de la méthode a été publié en 1637. Les Règles, texte inachevé écrit autour de 1628, contiennent les éléments fondateurs de la méthode cartésienne décrits dans les quatre préceptes du Discours.

Le plus simple

La division en éléments simples (deuxième précepte) est évoquée dans plusieurs règles (V, VI, XIII, XIV) et Descartes utilise plusieurs vocables pour les désigner : “natures simples” ; “semences de vérité” ; “notions primitives” (Moreau, op. cit.).

Les “natures simples” sont évoquées dans les Règles :

(…) ces natures simples sont toutes connues par elles-mêmes et (…) elles ne contiennent rien de faux. (Règle XII)

Les “semences de vérité” le sont dans la sixième partie du Discours :

(…) certaines semences de vérité qui sont naturellement en nos âmes.

Enfin, les “notions primitives” apparaissent dans la Lettre à Élisabeth de Bohême du 21 mai 1643 :

Je considère qu’il y a en nous certaines notions primitives qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos connaissances.

Ces différentes appellations nous permettent de comprendre que, lorsque Descartes utilise le qualificatif “simple”, il le lie à la notion d’idée “innée” : ces idées qui sont “nées avec moi” (Méditations métaphysiques, III). Dans la typologie des idées établie par Descartes, les idées innées ont cette propriété d’être vraies. Elles sont les bases du savoir, comme l’indique l’extrait de la Lettre à Élisabeth.

L’intuition

Dans la cinquième règle, Descartes indique que nous partons de “l’intuition” de choses les plus simples pour accéder à leur vérité et pour nous élever en connaissance. Cette intuition cartésienne n’est aucunement une aptitude à deviner ce qui n’est pas, ce n’est pas une intuition sensible. Il s’agit d’une intuition intellectuelle :

Par intuition, j’entends, non la confiance flottante que donnent les sens ou le jugement trompeur d’une imagination aux construction mauvaises, mais le concept que l’intelligence pure et attentive forme avec tant de facilité et de distinction qu’il ne reste absolument aucun doute sur ce que nous comprenons. (Règle III).

Cette intelligence intuitive nous permet par exemple de savoir qu’un triangle (nous avons en nous l’idée innée du triangle) est limité par trois lignes ou une sphère par une seule surface. Elle nous fait donc voir clairement et distinctement le triangle, ainsi que la règle de l’évidence le dispose pour savoir si une chose est vraie

L’ordre des raisons

A la fin du troisième précepte, Descartes mentionne que les objets, examinés par la connaissance, ont un ordre entre eux qui ne relève pas forcément d’un ordre naturel. Il s’agit là de l’ordre des raisons, celles-là même que nous avons citées précédemment avec le terme “longues chaînes de raisons” utilisé dans le Discours.

L’ordre consiste en cela seulement, que les choses qui sont proposées les premières doivent être connues sans l’aide des suivantes, et que les suivantes doivent être disposées de telle façon, qu’elles soient démontrées par les seules choses qui les précèdent. Descartes, Méditations métaphysiques – Réponses aux secondes objections.

La recomposition des objets, des propositions, conduira par déduction à établir des liens entre eux. Le chemin est celui de la démonstration, passant d’une première proposition établie comme vraie, à celles qui en découlent. C’est la “raison” pour laquelle, dans ses Méditations, Descartes évoque l’esprit et le corps dans la seconde méditation, en indiquant que le premier est plus facile à connaître que le second ; mais qu’il faut attendre la sixième méditation pour que la distinction entre l’esprit et le corps soit examinée. Là où un ordre des matières aurait fait se succéder “naturellement” les deux thèmes – la connaissance de l’esprit ; la distinction de l’esprit et du corps -, Descartes doit établir des démonstrations préalables avant de passer d’un sujet à l’autre.

Après avoir analysé les parties du tout et réordonné ce tout selon l’ordre des raisons, il reste à Descartes à s’assurer qu’il a bien tout examiné. C’est le thème du quatrième et dernier précepte.

Quatrième précepte : la règle du dénombrement complet

(…) faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre. Descartes, op. cit.

Il s’agit de vérifier que les objets ou choses examinés l’ont été de manière complète, exhaustive, que ce soit dans l’application du second précepte (diviser les difficultés) comme de celle du troisième (parcourir les propositions par ordre).

Ce précepte est aussi dit de l’énumération, terme issu des Règles pour la direction de l’esprit. Là encore, ce texte permet de compléter la présentation de la méthode. Dans la septième règle, Descartes précise comment doit s’opérer cette énumération. La revue doit se faire dans “un mouvement de pensée continu et sans nulle interruption”. Elle doit être suffisante pour ne pas risquer d’être incomplète : ne pas omettre de “conclusions intermédiaires” entre les déductions faites. Elle doit enfin être conduite avec ordre, ce qui permettra de réaliser ces opérations  facilement et rapidement.

(…) l’énumération doit être méthodique (…). Cette manière de faire est si utile que souvent, par suite d’un ordre bien établi, on vient à bout en peu de temps et grâce à un travail aisé de nombreuses tâches qui de prime abord paraissaient immenses. (Règle VII).

Nous retrouvons ici l’idée que l’accès à la vérité est aisé et simple, comme l’indique Descartes dans la quatrième règle que nous avons examinée au début de cet écrit.

Conclusion

Nous avons pu constater, au travers de cet examen de la méthode cartésienne, que la réflexion de Descartes s’est constituée sur plusieurs années et se retrouve dans plusieurs ouvrages.

Les Règles pour la direction de l’esprit posent les fondements de la méthode, dont les préceptes seront exposés dans le Discours. Ces quatre règles semblent succinctes, mais elles sont en réalité l’aboutissement d’un long travail de Descartes pour aboutir à une méthode qui permette avec succès d’accéder à la vérité et au développement de connaissances établies avec certitude. Nous conclurons en citant une dernière fois Denis Moreau, dans son introduction au Discours de la méthode :

(…) ces quatre règles sont bien trop rapides, allusives, laconiques. C’est vrai, mais il n’y a pas lieu de s’en étonner : ces pages du Discours présentent avant tout un résumé de la réflexion beaucoup plus fine et développée entreprise quelques années plus tôt avec les Règles pour la direction des l’esprit. D. Moreau, op. Cit.

L’auto-observation qu’a réalisée Descartes dans son cheminement vers la vérité s’est donc étalée sur plusieurs années. Cela lui a permis ainsi d’élaborer de d’affiner au mieux sa “méthode”.

Bibliographie

Descartes, Discours de la méthode, Paris, Librairie Générale Française.

Texte en accès libre

Descartes, Méditations métaphysiques, Paris, Garnier-Flammarion.

Texte en accès libre

Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, Paris, Vrin.

Descartes, Principes de la philosophie.

Texte en accès libre

Descartes, Lettre à Elisabeth de Bohême du 21 mai 1643.

Texte en accès libre

Morfaux, Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaine, Paris, Armand Colin.

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