Philosophie – Carnet de Vocabulaire Philosophique

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Nihilisme [Nietzsche]

Auteurs – Ouvrages :

Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens

Gorgias de Léontium appartient à cette catégorie de philosophes qui ont supprimé le critère de vérité. Mais ce n’est pas de la même manière que les tenants de Protagoras. Dans son livre intitulé Du non-être, ou de la nature il met en place, dans l’ordre, trois propositions fondamentales : premièrement, et pour commencer, que rien n’existe ; deuxièmement que, même s’il existe quelque chose, l’homme ne peut l’appréhender ; troisièmement, que même si on peut l’appréhender, on ne peut ni le formuler ni l’expliquer aux autres. J.-P. Dumont, Les Présocratiques, p. 1022. 

Nietzsche, Volonté de puissance

Nihilisme : manque de but, manque de réponse au pourquoi ? Il atteint son maximum de force (relative) en tant que force violente de destruction, nihilisme actif. Son opposé serait le nihilisme fatigué, qui n’attaque plus rien. Livre I, chapitre 1.

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

Voici, je vais montrer le Dernier Homme :
“Qu’est-ce qu’aimer ? Qu’est-ce que créer ? Qu’est-ce que désirer ? Qu’est-ce qu’une étoile ?” Ainsi parlera le Dernier Homme, en clignant de l’œil.
La terre alors sera devenue exiguë, on y verra sautiller le Dernier Homme qui rapetisse toute chose. Son engeance est aussi indestructible que celle du puceron ; le Dernier Homme est celui qui vivra le plus longtemps.
“Nous avons inventé le bonheur”, diront les Derniers Hommes, en clignant de l’œil.
Ils auront abandonné les contrées où la vie est dure ; car on a besoin de chaleur. On aimera encore son prochain et l’on se frottera contre lui, car il faut de la chaleur.
La maladie, la méfiance leur paraîtront autant de péchés ; on n’a qu’à prendre garde où l’on marche ! Insensé qui trébuche encore sur les pierres ou sur les hommes !
Un peu de poison de temps à autre ; cela donne des rêves agréables. Et beaucoup de poison pour finir, afin d’avoir une mort agréable.
On travaillera encore, car le travail distrait. Mais on aura soin que cette distraction ne devienne jamais fatigante.
On ne deviendra plus ni riche ni pauvre ; c’est trop pénible. Qui donc voudra encore gouverner ? Qui donc voudra encore obéir ? L’un et l’autre sont trop pénibles.
Pas de berger et un seul troupeau ! Tous voudront la même chose, tous seront égaux ; quiconque sera d’un sentiment différent entrera volontairement à l’asile des fous.
“Jadis, tout le monde était fou”, diront les plus malins, en clignant de l’œil.
On sera malin, on saura tout ce qui s’est passé jadis ; ainsi l’on aura de quoi se gausser sans fin. On se chamaillera encore, mais on se réconciliera bien vite, de peur de se gâter la digestion.
On aura son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit ; mais on révérera la santé.
“Nous avons inventé le bonheur”, diront les Derniers Hommes, en clignant de l’œil. Prologue, 5.

Définition

Selon Nietzsche, forme destructrice et négative de la volonté de puissance ; volonté du néant. Perte des valeurs anciennes et incapacité à en forger de nouvelles. État d’impuissance absolue.

Etymologie

Larousse étymologique :

[Nihiliste :] 1761, Hérétique qui ne croit pas à l’existence humaine de Jésus-Christ. Latin nihil, rien. 

Gaffiot : 

[Nihil :] Substantif, rien. Adverbe, rien = néant, nullité, zéro.

[Nihilum :] De rien, sans valeur ; pour rien, sans raison, sans fondement.

Références

Lalande :

Doctrine d’après laquelle rien n’existe (d’absolu) [Cf. Gorgias].

Doctrine d’après laquelle il n’y a point de vérité morale, pas de hiérarchie des valeurs. – État de l’esprit auquel manque la représentation de cette hiérarchie, qui se pose la question : “À quoi bon ?” et n’y peut répondre.

Doctrines d’un parti politique et philosophique russe, appelé pour la première fois de ce nom dans le roman de Tourguenef [nom tel qu’orthographié par A. Lalande], Pères et enfants (1862). Le parti, dans sa première période, a été surtout une critique pessimiste, individualiste et naturaliste de l’organisation sociale : nihilisme s’appliquant alors au refus de reconnaître pour légitime aucune contrainte exercée sur l’individu. Une partie de ce groupe, après 1875, est devenu le groupe terroriste qu’on a continué à nommer (à tort) nihiliste.

Morfaux :

Incapacité à accéder au réel, considéré comme conséquence de la critique kantienne par ses adversaires (Jacobi).

Mouvement révolutionnaire russe qui s’est fait connaître par la révolte violente et les attentats meurtriers à la fin du XIXe siècle. […] Le nihilisme est d’inspiration anarchiste (Bakounine).

Paul Bourget, dans les Essais de psychologie contemporaine, généralise le sens du mot à “esprit de négation” au-delà du mal du siècle romantique, au-delà du pessimisme qui finit par “tarir les sources de la vie morale que ni la Science ni la Démocratie n’ont pu alimenter à nouveau”.

Nietzsche découvre le terme chez Paul Bourget : “Les valeurs séparées, idéalisées, au lieu de conduire à l’action, au lieu de dominer l’action, se tournent contre l’action et la condamnent” (fragment 1887). Le nihilisme est toujours lui-même évaluation, toujours une forme de volonté de puissance. Il ne doit donc pas être interprété dialectiquement. Il est dépréciation et non négation, la dialectique étant elle-même un aspect du nihilisme. Le nihilisme européen est le sens même de l’histoire dominée par la révolte des esclaves et le christianisme. Nietzsche décrit le nihilisme sous de multiples aspects, complet ou incomplet, actif (pessimisme de la force) ou passif (bouddhisme), volonté de néant ou néant de volonté (les “petits bonheurs” des “derniers hommes” dans le prologue de Zarathoustra.

Godin :

Au départ, le terme a été utilisé pour désigner en Russie un mouvement anarchiste particulièrement radical pratiquant des actions terroristes. 

Nietzsche donne à ce terme un sens particulier dans le cadre de sa conception de la volonté de puissance, un symptôme de la décadence. Il est le plus grand risque de la modernité : le “dernier homme” est celui qui ne croit plus qu’à ses petits bonheurs et ses petits avantages. À l’opposé du surhomme, il est incapable de créer des valeurs après l’effondrement des valeurs anciennes (condensé dans l’expresion de la “mort de Dieu”).

Voir aussi

Carnet de vocabulaire philosophique : Éternel Retour, Morale, Ressentiment, Surhomme, Volonté de puissance.

Doctrines et vies des philosophes illustres : Nietzsche.

Fiches de lecture : Nietzsche : Généalogie de la morale ; Ecce Homo.

Notes contemplatives de lecture : Nietzsche, Le Gai Savoir.

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Dsirmtcom, novembre 2021.

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