José Martí, La Edad de Oro – I.4.2. Meñique [Poucinet] – IV à VII

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Philosophie – Fiches de lecture

Fiches de lecture n° 36-1-4-2 José Martí, La Edad de Oro – Meñique [Poucinet] – IV à VII


Sommaire

Présentation générale
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Meñique [Poucinet] – IV à VII

(Du français, de Laboulaye)

[Le conte original d’Edouard Laboulaye (1811-1883) est disponible sur le site Gallica]

Conte magique où est relatée l’histoire du Poucinet, et où on voit que le savoir vaut mieux que la force.


I à IIIIV à VII


– IV –

Le roi ne put pas dormir cette nuit-là. Ce n’était pas la gratitude qui le tenait éveillé, mais plutôt le dégoût de marier sa fille avec ce lilliputien qui pouvait tenir dans la botte de son père. En bon roi qu’il était, il ne voulait plus accomplir ce qu’il avait promis; et les paroles du marquis Poucinet bourdonnaient dans ses oreilles : “Majesté, votre parole est sacrée. La parole d’un homme est loi, Majesté.”

Le roi ordonna qu’on aille chercher Pedro et Pablo, parce qu’eux seuls pouvaient lui dire qui étaient les parents de Poucinet, et si Poucinet était une personne de bon caractère et de bonnes manières, comme les beaux-parents veulent que leurs gendres soient, parce qu’une vie sans courtoisie est plus amère que l’acacia et le genêt. Pedro dit beaucoup de bonnes choses à propos de Poucinet, ce qui mis le roi de mauvaise humeur ; Mais Pablo rendit le roi très content, car il lui dit que le marquis était un aventurier pédant, une fripouille avec des moustaches, un dard venimeux, un pois chiche plein d’ambition, indigne d’épouser une dame aussi importante que la fille d’un grand roi qui lui avait fait l’honneur de lui couper les oreilles : “Ce petit macaque est si vain, dit Pablo – qu’il se croit capable de se battre avec un géant. Près d’ici, il y en a un qui terrifie les gens du pays, parce qu’il emporte pour ses festins toutes leurs brebis et toutes leurs vaches. Et Poucinet ne se lasse pas de dire qu’il peut faire du géant son serviteur. »

– C’est ce que nous allons voir, dit le roi satisfait. Puis il dormit très tranquillement pour le reste de la nuit. Et il est dit qu’il souriait dans ses rêves, comme s’il était en train de penser à quelque chose d’agréable.

Dès que le soleil se leva, le roi convoqua Poucinet devant toute sa cour. Et Poucinet vint frais comme la rosée du matin, souriant comme le ciel, élégant comme une fleur.

– Cher gendre, dit le roi, un homme honorable comme vous ne peut épouser une femme aussi riche que la princesse, sans lui offrir une grande maison, avec des serviteurs qui la servent comme elle doit être servie dans le palais royal. Dans cette forêt, il y a un géant de vingt pieds de haut, qui déjeune d’un bœuf entier, et quand il a soif à midi, boit un champ de melons. Imaginez quel beau serviteur ce géant ferait avec un tricorne, une casaque à galons, avec des épaulettes en or et une hallebarde de quinze pieds. C’est le cadeau que ma fille vous demande avant de se décider à vous épouser.

– Ce n’est pas une chose facile, répondit Poucinet, mais je vais essayer de lui offrir ce géant, pour lui servir de domestique, avec sa hallebarde de quinze pieds, son tricorne, et sa casaque à galons, avec des épaulettes en or.

Il alla à la cuisine, mit dans le grand sac de cuir la hache enchantée, un pain frais, un morceau de fromage et un couteau ; Il jeta le sac sur le dos et sortit en marchant vers la forêt, pendant que Pedro pleurait et que Pablo riait, en pensant que son frère ne reviendrait jamais de la forêt du géant.

Dans la forêt, l’herbe était si haute que Poucinet n’arrivait pas à voir, et il se mit à crier à haute voix : “Hé, géant, géant ! Où est le géant ? Voici Poucinet, qui vient prendre le géant mort ou vivant”.

– Et me voici, dit le géant, avec un hurlement qui fit se courber les arbres de peur, – me voilà, qui vient t’avaler d’une bouchée.

– Ne sois pas si pressé, mon ami, dit Poucinet, avec une petite voix de piccolo, ne sois pas si pressé, j’ai une heure pour parler avec toi. Et le géant tourna la tête de tous côtés, sans savoir qui lui parlait, jusqu’au moment où il baissa les yeux, et là-bas, minuscule comme un passereau [un “pitirre”, tyran gris], il vit Poucinet assis sur un tronc, avec le grande sac de cuir entre les genoux. genoux. – C’est toi, grandissime vaurien, toi qui m’a fait quitter mon rêve ? – dit le géant en le dévorant avec des yeux qui ressemblaient à des flammes.

– C’est moi, mon ami, c’est moi qui viens pour que tu sois mon serviteur. – Avec le bout de mon doigt je vais te jeter là-haut dans le nid du corbeau, pour qu’il t’arrache les yeux, en guise de châtiment pour être entré sans autorisation dans ma forêt. – Ne sois pas si pressé, mon ami, cette forêt est autant à moi qu’à toi ; et si tu dis un mot de plus, je vais te jeter à bas en un quart d’heure. – J’aimerais voir ça, dit le géant.

 Poucinet sortit sa hache et dit : « Coupe, hache, coupe ! » Et la hache coupa, tailla, éclata, abattit les branches, rogna le tronc, arracha les racines, nettoya la terre autour, à droite et à gauche, et les arbres tombèrent sur le géant comme la grêle tombe sur les vitres pendant la tempête.

– Arrête, arrête, dit le géant effrayé, qui es-tu, pour que tu puisses démolir ma forêt ?

– Je suis le grand magicien Poucinet, et je n’ai qu’un mot à dire à ma hache pour qu’elle te coupe la tête. Tu ne sais pas à qui tu parles. Reste où tu es ! Et le géant resta immobile, les mains sur les côtés, tandis que Poucinet ouvrait son grand sac de cuir et se mit à manger son fromage et son pain. – Qu’est-ce que cette chose blanche que tu manges ?, demanda le géant, qui n’avait jamais vu de fromage.

– Je ne mange plus les pierres, et c’est pourquoi je suis plus fort que toi, qui mange de la viande qui fait grossir. Je suis plus fort que toi. Montre-moi ta maison.

Et le géant, doux comme un chien, se mit à marcher devant, jusqu’à ce qu’il arrive à une immense maison, avec une porte qui aurait pu contenir un bateau à trois mâts, et un balcon comme un théâtre vide.

– Écoute, dit Poucinet au géant: l’un des deux doit être le maître de l’autre. Faisons un marché. Si je ne peux pas faire ce que tu fais, je serai ton serviteur; Si tu ne peux pas faire ce que je fais, tu seras mon serviteur. – Affaire conclue, dit le géant, j’aimerais avoir un homme comme toi comme serviteur, car cela me fatigue de réfléchir, et tu as une tête pour deux. Eh bien, il y a ici mes deux seaux : va me chercher de l’eau pour le déjeuner.

Poucinet leva la tête et vit les deux seaux, qui étaient comme deux chars de dix pieds de haut et six pieds d’un bord à l’autre. Il était plus facile pour Poucinet de se noyer dans ces seaux que de les porter.

– Ça alors !, dit le géant en ouvrant sa terrible bouche ; – dès le début tu es déjà vaincu. Fais ce que je fais, mon ami, et apporte-moi de l’eau.

 – Et pourquoi devrais-je la porter ?, dit Poucinet. Porte-la, tu es une bête de somme. J’irai là où est le ruisseau, je la porterai dans mes bras, et je remplirai tes seaux, et tu auras ton eau.

– Non, non, dit le géant, tu m’as déjà laissé la forêt sans arbres, et maintenant tu vas me laisser sans eau à boire. Allume le feu, et j’apporterai l’eau.

Poucinet alluma le feu, et dans le chaudron qui pendait du plafond, le géant jeta un bœuf entier, coupé en morceaux, une cargaison de navets, quatre paniers de carottes et cinquante choux. Et de temps en temps, il faisait mousser le ragoût avec une poêle, le goûtait et y ajoutait du sel et du thym, jusqu’à ce qu’il le trouve bon.

– A table, la nourriture est prête, dit le géant, et voyons si tu fais ce que je fais, je vais manger tout ce bœuf, et je vais te manger pour le dessert. – C’est bien, mon ami, déclara Poucinet. Mais avant de s’asseoir, il mit sous sa veste l’ouverture de son grand sac en cuir, qui allait de son cou à ses pieds.

Et le géant mangea et mangea, et Poucinet n’était pas loin derrière, seulement il ne mit pas les choux, les carottes, les navets et les morceaux de bœuf dans sa bouche, mais dans le grand sac de cuir.

– Ouf ! Je ne peux pas manger plus !, dit le géant, je dois retirer un bouton de ma veste.

 – Eh bien, regarde-moi, malheureux géant, dit Poucinet, et il mit un chou entier dans son sac.

– Houla !, dit le géant, – Je dois retirer un autre bouton. Quel estomac d’autruche a ce petit homme ! On voit bien que tu es fait pour manger des pierres. – Allez, paresseux, dit Poucinet, mange comme moi, et il jeta dans le sac un gros morceau de bœuf.

– Paf !, dit le géant, j’ai fait sauter le troisième bouton : je ne peux même plus avaler un pois : comment vas-tu, sorcier ?

– Moi ?, dit Poucinet, il n’y a rien de plus facile que de faire un peu de place. Et avec le couteau, il ouvrit de haut en bas la veste et le grand sac de cuir. – Maintenant c’est à toi, dit-il au géant, fais ce que je fais.

– Merci beaucoup, dit le géant.- Je préfère être ton serviteur. Je ne peux pas digérer les pierres.

Le géant baisa la main de Poucinet en signe de respect, le fit asseoir sur son épaule droite, lança à sa gauche un sac plein de pièces d’or, et sortit en marchant sur le chemin menant au palais.

– V –

Dans le palais ils avaient organisé une grande fête, sans se préoccuper de Poucinet, ni qu’ils lui devaient l’eau et la lumière ; quand tout à coup ils entendirent un grand bruit qui fit valser les murs, comme si une main prodigieuse secouait le monde. C’était le géant, qui n’avait pas pu passer par la porte, et l’avait démontée d’un coup de pied. Tous allèrent aux fenêtres pour découvrir la cause de ce bruit, et ils virent Poucinet assis très tranquillement sur l’épaule du géant, dont la tête touchait le balcon où se trouvait le roi lui-même. Poucinet sauta sur le balcon, mit un genou à terre devant la princesse et lui parla ainsi : « Ma princesse et maîtresse, vous vouliez un serviteur et en voici deux à vos pieds. »

Ce galant discours, qui fut publié le lendemain dans le journal de la cour, laissa étourdi le roi, qui ne trouva pas d’excuse pour ne pas marier Poucinet à sa fille.

– Ma fille, dit-il à voix basse, sacrifie-toi pour la parole de ton père le roi.

– Fille d’un roi ou fille d’un paysan, répondit-elle, la femme doit épouser qui elle veut. Père, laissez-moi de me défendre dans ce qui m’intéresse. Poucinet, continua la princesse à haute voix, tu es courageux et chanceux, mais cela ne suffit pas pour plaire aux femmes.

– Je sais, ma princesse et maîtresse ; il est nécessaire de faire leurs quatre volontés et d’obéir à leurs caprices.

– Je vois que tu es un homme de talent, dit la princesse. – Puisque tu sais si bien deviner, je vais te faire passer une ultime épreuve, avant de t’épouser. Voyons qui est le plus intelligent, si c’est toi ou moi. Si tu perds, je serai libre d’avoir un autre mari.

Poucinet la salua avec une grande révérence. Toute la cour alla assister à l’épreuve dans la salle du trône, où se trouvait le géant, assis par terre avec la hallebarde devant lui et le chapeau sur ses genoux, car il ne pouvait pas rentrer dans une salle à sa hauteur. Poucinet lui fit signe, et il se courba, touchant le plafond avec son dos et traînant sa hallebarde, jusqu’à ce qu’il arrive là où était Poucinet, et il se coucha à ses pieds, fier que chacun voit qu’il avait un homme de tant d’esprit pour maître.

– Commençons par une bouffonnerie, dit la princesse. – On raconte que les femmes disent beaucoup de mensonges. Voyons qui de nous deux dira le plus gros mensonge. Le premier qui dit : « C’est trop ! » perd.

– Pour te servir, ma princesse et maîtresse, je mentirai pour le jeu et dirai la vérité de toute mon âme.

– Je suis sûre, dit la princesse, que ton père n’a pas autant de terres que le mien. Quand deux bergers sonnent du cor sur les terres de mon père au crépuscule, aucun des deux n’entend la corne de l’autre berger.

– C’est une broutille, déclara Poucinet. – Mon père a tellement de terres qu’un veau de deux mois qui entrerait d’un côté serait déjà une vache laitière quand il sortirait de l’autre.

– Cela ne m’étonne pas, dit la princesse. – Dans ta ferme, il n’y a pas de taureau aussi gros que celui de mon exploitation. Deux hommes assis sur ses cornes ne pourraient pas se toucher avec une lance de vingt pieds chacun.

– C’est une sornette, dit Poucinet. – La tête du taureau de ma maison est si grosse qu’un homme monté sur une corne ne pourrait pas voir celui qui monterait sur l’autre.

– Cela ne m’étonne pas, dit la princesse. – Chez vous, les vaches ne donnent pas autant de lait que chez moi, car nous remplissons chaque matin vingt tonneaux, et nous sortons de chaque traite une pile de fromage aussi haute que la pyramide d’Egypte.

– C’est une sottise, déclara Poucinet. – Dans la laiterie de ma maison, on fait des fromages si gros qu’un jour la jument est tombée dans l’auge, et nous ne l’avons retrouvée qu’après une semaine. Le pauvre animal avait la colonne vertébrale cassée, et je lui ai mis un pin de la nuque à la queue, pour lui servir de nouveau dos. Mais au petit matin, une branche est sortie de la colonne vertébrale par-dessus la peau, et la branche a tellement grandi que je suis monté sur elle et j’ai touché le ciel. Et dans le ciel, j’ai vu une dame vêtue de blanc, tressant une corde avec l’écume de la mer. Je me suis emparé de la corde, mais le fil s’est cassé, et je suis tombé dans une grotte de souris. Et dans la grotte de souris, il y avait ton père et ma mère, filant chacun sur leur rouet, comme deux vieillards. Et ton père filait tellement mal que ma mère lui a tiré les oreilles jusqu’à ce que les moustaches de ton père tombent.

– C’est trop !, dit la princesse. – Personne n’a jamais tiré les oreilles de mon roi de père !

– Maître, maître !, avertit le géant. – Elle a dit « C’est trop ! » La princesse est à nous.

– VI –

Pas encore, dit la princesse en rougissant. – J’ai à te donner trois énigmes, pour que tu les devines, et si tu devines bien, nous nous marierons dans l’instant. Dis-moi d’abord : qu’est-ce qui est toujours en train de tomber et qui ne se brise jamais?

– Oh !, dit Poucinet, ma mère m’a bercé avec cette histoire : c’est la cascade !

– Dis-moi maintenant, demanda la princesse, déjà très apeurée : – qui est celui qui marche tous les jours sur le même chemin et qui ne revient jamais en arrière ?

– Oh !, dit Poucinet, ma mère m’a bercé avec cette histoire : c’est le soleil !

– C’est le soleil, dit la princesse, blanche de rage. – Il ne reste plus qu’une énigme. A quoi penses-tu auquel je ne pense pas ? Qu’est-ce que je pense et que tu ne penses pas ? Qu’est-ce que ni toi ni moi ne pensons ?

Poucinet baissa la tête comme celui qui doute, et on vit sur son visage la peur.

 – Maître, dit le géant, si vous ne devinez pas l’énigme, ne vous échauffez pas l’esprit. Faites-moi signe et j’emmènerai la princesse.

 – Tais-toi, serviteur, dit Poucinet, tu sais bien que la force n’est pas bonne pour tout. Laisse-moi réfléchir.

– Princesse et ma maîtresse, dit Poucinet, après quelques instants où on aurait pu entendre voler une mouche, – J’ose à peine déchiffrer votre énigme, bien que j’y vois mon bonheur. Je pense que je comprends ce que vous voulez me dire, et vous pensez que je ne le comprends pas. Vous pensez, en noble princesse que vous êtes, que votre serviteur n’est pas indigne d’être votre mari, et je ne pense pas avoir réussi à vous mériter. Et ce que ni vous ni moi ne pensons, c’est que le roi, votre père et ce malheureux géant soient si pauvres …

– Tais-toi, dit la princesse, voici ma main d’épouse, marquis Poucinet.

– Que pensez-vous de moi, je veux le savoir ?, demanda le roi.

– Père et seigneur, dit la princesse en se jetant dans ses bras, – que vous êtes le plus sage des rois et le meilleur des hommes.

– Je le sais, je le sais, dit le roi, – et maintenant, laissez-moi faire quelque chose pour le bien de mon peuple. Poucinet, je fais de toi un duc !

– Vive mon maître et seigneur, le duc Poucinet !, cria le géant, d’une voix qui rendit bleus de peur les courtisans, qui brisa le stuc du plafond et fit sauter les vitres des six fenêtres.

– VII –

Lors du mariage de la princesse avec Poucinet, il ne se passa pas grand-chose de particulier, car ce n’est pas au début d’un mariage qu’il y a quelque chose à dire, mais plus tard, quand les peines de la vie commencent, et qu’on peut voir si les mariés s’entraident et s’aiment bien, ou s’ils sont égoïstes et pusillanimes. Mais celui qui raconte l’histoire tient à dire que le géant était si heureux du mariage de son maître qu’il suspendait son tricorne à tous les arbres qu’il rencontrait, et quand sortait la voiture des mariés, faite de nacre pure, avec quatre chevaux doux comme des colombes, il poussait la voiture de la tête, avec les chevaux et tout le reste, sortait en courant en lançant des vivas, jusqu’à ce qu’il les laisse à la porte du palais, comme une mère laisse son enfant dans un berceau. Cela doit être dit, car ce n’est pas une chose qui se voit tous les jours.

Le soir, il y avait des discours et des poètes déclamaient des vers nuptiaux aux mariés, de petites lumières colorées dans le jardin et des feux d’artifice pour les serviteurs du roi, de nombreuses guirlandes et des bouquets de fleurs. Tous chantaient et conversaient, mangeaient des douceurs, buvaient des rafraîchissements aromatisés, dansaient avec beaucoup d’élégance et de délicatesse, au rythme de la musique d’un orchestre de chambre, avec des violonistes vêtus de soie bleue, et un petit rameau de violette dans la boutonnière de la veste. Mais dans un coin, il y en avait un qui ne parlait ni ne chantait, et c’était Pablo, l’envieux, le pâlichon, le sans oreilles, qui ne supportait pas de voir son frère heureux, et qui alla dans la forêt pour ne pas entendre ni voir, et qui mourut dans la forêt mangé par des ours dans la nuit noire.

Poucinet était si minuscule que les courtisans ne savaient pas d’abord s’ils devaient le traiter avec respect ou le voir comme une chose risible ; mais par sa bonté et sa courtoisie, il gagna l’affection de sa femme et de toute la cour, et lorsque le roi mourut, il fut intronisé roi, et il régna pendant cinquante-deux ans. Et on dit qu’il a si bien gouverné que ses vassaux n’auraient jamais voulu d’autre roi que Poucinet, qui n’aimait rien tant que de voir son peuple heureux, et ne prenait pas l’argent du travail des pauvres pour se l’octroyer, comme d’autres rois à leurs courtisans fainéants, ou aux matamores qui défendent des rois voisins. On raconte qu’il n’y eut véritablement pas de roi aussi bon que Poucinet.

Mais il va sans dire que Poucinet était bon. Bon comme l’est un homme d’une aussi grande ingéniosité ; parce que celui qui est stupide n’est pas bon, et celui qui est bon n’est pas stupide. Avoir du talent, c’est avoir un bon cœur ; celui qui a bon cœur est celui qui a du talent. Toutes les fripouilles sont des imbéciles. Les bons sont ceux qui gagnent à long terme. Et quiconque tirera de cette histoire une meilleure leçon, qu’il aille la raconter à Rome.


I à IIIIV à VII


Traduit de l’espagnol par Patrick Moulin @dsirmtcom.

Patrick Moulin, alias @dsirmtcom, avril 2021.

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