Bac Philo – III.6. La Vérité – Fiche n° 2. Des Vérités et des hommes

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Source : « Que sais-je ? », devise de Montaigne –  Wikimedia Commons

Les leçons de Philosophie – Bac Philo – Partie III. La Raison et le Réel – Chapitre 6. La Vérité – Fiche n° 2. Des Vérités et des hommes

Fiche n° 2 – Des Vérités et des hommes

Introduction

Toute vérité est-elle bonne à dire ? La vérité peut-elle être universelle et absolue ? Pour explorer cette notion, nous débuterons en doutant de tout, avec Pyrrhon et les Sceptiques. Après cette suspension de notre jugement sur le bien et le mal, nous passerons les montagnes avec Montaigne, équipée de sa célèbre interrogation. Kant nous fera enfin distinguer entre les phénomènes, que nous sommes en capacité de percevoir en tant qu’humains, et les noumènes, les choses en soi qui nous échappent à tout jamais. Nous terminerons sur le droit au mensonge, au-delà du devoir de vérité.

Des Vérités et des hommes

Pyrrhon (365-275 av. J.-C.) et les Sceptiques

Pyrrhon d’Élis, comme Socrate, n’a rien écrit. Il est pourtant considéré comme le fondateur du scepticisme : Montaigne et Pascal parlent de lui. Deux éléments caractérisent le scepticisme : l’inconnaissabilité de toutes choses et la suspension du jugement ou de l’assentiment. Nous ne pouvons rien connaître avec certitude, nous devons donc suspendre tout jugement sur les choses et douter de tout.

[…] il introduisit en effet la forme (de philosophie caractérisée par les mots d’ordre) de l’insaisissabilité et de la suspension du jugement […]. Il disait, en effet, que rien n’est beau ni laid, juste ni injuste ; et que de même pour tous (les attributs de ce type), aucun n’existe en vérité, mais que c’est par coutume et par habitude que les hommes font tout ce qu’ils font ; en effet, selon lui, chaque chose n’est pas davantage ceci que cela. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, IX, 61.

Nous ne pouvons rien affirmer de quelque chose ou lui attribuer une qualité comme la beauté, ni un défaut comme la laideur. Tout est affaire d’habitude, de coutume. Nous pourrions facilement en convenir pour ce qui relève de l’esthétique. Comme le dit l’adage populaire, des goûts et des couleurs, ça ne se discute pas. Les uns adoreront un prélude de Bach, les autres lui préfèreront le dernier opus du D.J. en vogue. Les uns s’extasieront devant la créativité de la Fontaine de Marcel Duchamp, d’autres crieront au scandale devant cet urinoir, juste renversé, et qualifié d’oeuvre d’art moderne. Ce qui est compréhensible pour la notion d’esthétique l’est plus difficilement pour la notion de justice. Il s’agit pourtant ici aussi de coutumes.

Le cinquième [trope dits d’Énésidème]  est celui qui prend appui sur les modes de vie, les coutumes, les croyances mythologiques, les conventions propres à chaque peuple, les présupposés dogmatiques. On y voit incluses les considérations sur ce qui est beau et laid, vrai et faux, bon et mauvais, sur les dieux, sur la naissance et sur la disparition de tout ce qui apparaît. En tout cas, la même chose est juste chez les uns et injuste chez les autres, bonnes pour les uns et mauvaises pour les autres. […] Les uns croient en tels dieux, les autres en tels autres ; certains pensent que les dieux exercent une providence, d’autres non. Les Égyptiens embaument leurs morts, les Romains les brûlent, les Péoniens les jettent dans les lacs. De là la suspension du jugement quant à ce qui est vrai. Ibid., IX, 83-84.

Le “trope” est un schéma d’argumentation qui a pour but d’aider à conduire la suspension du jugement. Énésidème est un philosophe “néo-pyrrhonien” auquel sont attribués dix tropes, couvrant différents sujets sur lesquels le philosophe sceptique doit suspendre son jugement : les différences des animaux, les natures des hommes, etc. Le cinquième trope concerne le sujet de ce qui relève de l’opinion, fondée sur la culture, les habitudes, les préjugés. L’exemple du traitement accordé aux défunts est très parlant. Selon la culture, le corps du défunt sera traité de façon très différente : conservation par embaumement, crémation, etc. Cet exemple est toujours valable de nos jours. Selon la culture et les croyances, qu’elles soient religieuses ou non, les rites funéraires sont très différents. L’architecture funéraire qui peut être observée dans les cimetières en est un témoignage marquant. Selon ces “coutumes”, il sera juste ou non, bon ou mauvais, de pratiquer tel ou tel mode de traitement du corps. Il n’y a donc pas une seule et unique vérité, en matière d’esthétique et de justice. Mais y a-t-il une vérité par ailleurs ?

Le dixième est celui qui repose sur la comparaison des choses avec d’autres choses, comme le léger avec le lourd, le fort avec le faible, le plus grand avec le plus petit, le haut avec le bas. En tout cas ce qui est à droite n’est pas à droite par nature, il se conçoit selon la relation qu’il entretient avec quelque chose d’autre ; et en tout cas, si ce dernier est déplacé, le premier ne sera plus à droite. De même, “père” et “frère” sont relatifs ; le jour est relatif au soleil ; et toutes choses sont relatives à la pensée. Les relatifs sont donc inconnaissables en eux-mêmes. Ibid., IX, 87-88.

Énésidème n’a pas attendu Einstein pour considérer que tout est relatif. Le simple fait de qualifier une chose s’établit relativement à une autre : la plume est légère que le plomb, sauf dans le cas d’un kilo de plumes comparé à un kilo de plomb, mais ici aussi cette comparaison est relative à un poids donné. Selon l’hémisphère où nous vivons, nous fêterons Noël toujours le 25 décembre, mais avec des conditions météorologiques très différentes du Sud au Nord. Une chose ou être relatif à une autre chose ou un autre être ne peut pas être connue en tant que telle : un homme n’ayant aucun enfant ne peut pas être qualifié de “père”, et ne peut donc être connu comme tel. Quelques siècles avant Énésidème – et avant Socrate -, Protagoras le Sophiste prône déjà le relativisme en affirmant que “l’homme est la mesure de toutes choses”. Il y aurait donc autant de vérités que d’êtres humains prétendant connaître la – ou plutôt leur – vérité. S’il n’y a pas qu’une seule beauté, qu’une seule justice, qu’une seule vérité, qu’en est-il du bien et du mal ?

Par nature, il n’y a ni bien ni mal. En effet, s’il y a quelque chose de bon et de mauvais par nature, il faut qu’il soit bon ou mauvais pour tout le monde, comme la neige qui est froide pour tout le monde ; mais il n’y a rien qui soit universellement bon ou mauvais pour tout le monde ; donc, par nature, il n’y a ni bien ni mal. Ibid. IX, 101.

Tout est relatif, même la notion de bien ou de mal. Il n’y aurait donc pas de Bien en soi : l’Idée souveraine selon Platon, l’essence immuable et éternelle du Bien en soi n’existerait pas. Le plaisir comme “le principe et la fin de la vie bienheureuse” de la Lettre à Ménécée d’Épicure, sera jugé mauvais par Antisthène le Cynique qui préfère “être fou qu’éprouver du plaisir” (D. Laërce, Op. cit., VI, 3). Soulignons que s’il est impossible de savoir ce qui est bon par nature, il reste les lois, coutumes et cultures pour orienter nos opinions et nos actes. Le commandement “Tu ne tueras point” est certes relatif à une certaine culture, mais gagne à être respecté absolument. Il n’y a donc pas de vérité unique sur le bien ou le mal en soi, mais il subsiste, fort heureusement, une définition du bien et du mal selon les lois et coutumes.

Michel de Montaigne (1533-1592)

Lorsque le Crétois Épiménide déclare que tous les Crétois sont des menteurs, dit-il la vérité ? Si oui, les Crétois sont tous des menteurs, y compris Épiménide, qui est Crétois. Mais si Épiménide ment, alors tous les Crétois ne sont pas des menteurs, autrement dit, tous les Crétois disent la vérité, y compris Épiménide, qui est Crétois. C’est le paradoxe insoluble du menteur. Voici la même démonstration, faite par l’auteur des Essais.  

Si vous dites : “Il fait beau temps” et que vous disiez la vérité, il fait donc beau temps. Ne voilà-t-il pas une manière de parler sûre ? Cependant elle nous trompera. Pour preuve qu’il en est ainsi, poursuivons l’exemple. Si vous dites : “Je mens” et que vous disiez la vérité, vous mentez donc. La technique, le raisonnement, la force de cette proposition-ci sont semblables à [ceux de] l’autre ; toutefois nous voilà embourbés. Montaigne, Essais, XII, “Apologie de Raymond Sebon”.

En matière de logique, ce que nous énonçons ne peut être que vrai ou faux. Il n’y a pas ici d’énoncé à moitié vrai ou à moitié faux. Si j’écris une lettre au Père Noël, il est vrai que j’écris cette lettre, mais il est faux de dire que le père Noël en sera le destinataire (je n’en dis pas plus pour ne pas déflorer une vérité insupportable aux yeux de certains qui croient encore au vieil homme à la barbe blanche qui vit en Laponie parmi ses rennes et ses lutins). Le simple fait d’énoncer quelque chose ne garantit donc absolument pas que ce quelque chose soit vrai, simplement parce qu’il est énoncé. Montaigne répartit la philosophie en trois genres : le philosophe qui pense avoir trouvé la vérité, comme Épicure et son plaisir comme commencement et fin de la vie heureuse ; le philosophe qui pense que la vérité ne peut pas être trouvée, comme Carnéade, le néo-platonicien, qui considère qu’il n’y a “pas de critère de la vérité, car il n’y a pas de représentation vraie” ; enfin, le philosophe qui “en encore en quête”. Montaigne classe les Sceptiques, comme Pyrrhon, dans cette dernière catégorie. Les Sceptiques doutent de tout, et suspendent leur jugement devant l’impossibilité de connaître la vérité, même si elle existe.  

Je vois les philosophes pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur conception générale par aucune façon de parler, car il leur faudrait un nouveau langage ; le notre est entièrement formé de propositions affirmatives qui ne s’accordent pas du tout à leur pensée, en sorte que lorsqu’ils disent : “Je doute”, on les prend immédiatement à la gorge pour leur faire avouer qu’ils savent au moins et sont sûrs qu’ils doutent. Ainsi on les a contraints de se réfugier dans cette comparaison tirée de la médecine sans laquelle leur attitude [philosophique] serait inexplicable, [à savoir] que quand ils proclament : “J’ignore” ou “Je doute”, ils disent que cette proposition s’évacue en même temps elle-même. Ibid.

Montaigne reprend le mécanisme du paradoxe du menteur d’Épiménide : si le Sceptique affirme : “Je doute”, il devrait douter de ce qu’il affirme, mais alors douterait-il encore ? Si nous le formulons autrement, le Sceptique qui affirme : “Rien n’est vrai”, affirme aussi que ce qu’il dit ne peut pas être vrai. Nous devrions donc en conclure que, s’il dit la vérité, il n’est pas vrai qu’il dise la vérité. Il faudrait donc effectivement un “nouveau langage”, pour pouvoir dire la vérité, en énonçant que rien n’est vrai. Montaigne va lui aussi reformuler le doute sceptique, avec cette question devenue célèbre, devenue sa devise gravée sur une médaille.

Cette idée se conçoit plus sûrement par une interrogation : “Que sais-je ?” comme je la porte avec l’emblème d’une balance. Ibid.

Au-delà de la question sur le caractère vrai ou faux d’un énoncé, il faut aller vers le relativisme : la vérité n’est sans doute (sceptique) par unique ou uniforme. Il n’y a peut-être pas une vérité universelle, mais des vérités particulières, relatives à un contexte, une culture, une époque. 

Qu’est-ce que cette chose vertueuse que je voyais hier en faveur, qui ne le sera plus demain et qui devient crime au-delà d’une rivière ? Qu’est-ce qu’une vérité que ces montagnes bornent [et] qui est mensonge dans le monde qui est situé au-delà ? […] Les lois tirent leur autorité de la possession et de l’usage ; il est dangereux de les ramener à leur naissance ; elles grossissent et s’ennoblissent en roulant, comme nos rivières ; suivez-les en remontant jusqu’à leur source : ce n’est qu’un petit filet d’eau qui sourd, à peine visible, qui s’enorgueillit ainsi et se fortifie en vieillissant. Ibid.

Les lois qui régissent une société, qui définissent ce qui est vertueux ou juste, et ce qui relève d’un crime ou de l’injuste, dépendent de la société qui les a établies. Avant l’abolition de la peine de mort en France en 1981, certains crimes se concluaient à la guillotine. Celui qui a tué périra à son tour, telle l’antique loi du Talion, dont l’usage est à l’origine de cette justice létale. Dans son discours sur l’abolition de la peine de mort, prononcé à l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981, Robert Badinter, ministre de la justice, marque le passage d’un pays de liberté ayant aboli l’esclavage, ayant commencé la décolonisation, et pratiquant encore le supplice de la peine de mort, à un pays faisant un choix politique et moral :

Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. R. Badinter, Discours sur l’abolition de la peine de mort.

La vérité d’hier était la peine de mort pour les criminels, la vérité devient, avec l’abolition de la peine de mort, l’avènement d’une justice obéissant à un nouveau choix moral. La vérité est donc bien relative à un contexte, une culture, une époque. Notons qu’il y a sans doute matière à toujours s’interroger – le questionnement est l’essence de la philosophie – sur ces vérités de coutumes, et sur le principe d’une vérité universelle fondée sur la justice et sur la morale, comme la formulera Kant dans son impératif catégorique : agir en traitant l’humanité toujours comme une fin et non comme un moyen (voir la fiche de lecture Kant : Fondements de la métaphysique des mœurs). “Vérité au‑deçà des Pyrénées, erreur au‑delà” a écrit Pascal à la suite de Montaigne (Pensées, Brunschvicg 294). La vérité est ailleurs, et certainement dans ce qui est moral.

Emmanuel Kant (1724-1804)

A l’une de ses questions fondamentales “Que puis-je savoir ?”, Kant va apporter ce qui sera classiquement dénommé sa “révolution copernicienne”. La connaissance est fondée sur le rapport entre un objet et un sujet. Avant Kant, la recherche des philosophes se base sur la nature de l’objet : quelle est son essence ? La réalité est-elle, comme le pense Platon, dans un monde intelligible où les Idées sont les essences pures, éternelles, immuables, dont participent les objets que nous percevons par nos sens ? Kant renverse cette approche en cherchant la réalité du côté du sujet. Et si l’objectivité n’était qu’une affaire de subjectivité ?

La vérité est [une] propriété objective de la connaissance ; le jugement par lequel quelque chose est représenté comme vrai (le rapport à un entendement et par conséquent à un sujet particulier) est subjectif, c’est l’assentiment. Kant, Logique.

L’objectivité, c’est l’objet en soi, indépendamment d’un sujet qui cherche à le connaître ou à s’en faire une idée. Mais s’il n’y a pas de sujet pour connaître un objet, y a-t-il une vérité sans sujet ? Kant définit la vérité “objective” comme un jugement : il est indispensable alors qu’un sujet soit présent pour exprimer ce jugement. Et, pour que ce jugement soit considéré comme vrai, il faut que tous les sujets soient d’accord avec ce jugement. Mais comment aboutir à cet “assentiment” de tous ?

La vieille et célèbre question par laquelle on croyait pousser les logiciens dans leurs retranchements et cherchait à les amener, soit à ne pouvoir que se laisser prendre au piège d’un misérable diallèle, soit à être obligés de reconnaître leur ignorance, et par conséquent la vanité de tout leur art, est la suivante : Qu’est-ce que la vérité ? La définition nominale de la vérité, selon laquelle elle consiste dans la conformité de la connaissance avec son objet, est ici accordée et présupposée ; on désire toutefois savoir quel est le critère universel et sûr de la vérité d’une quelconque connaissance. Kant, Critique de la raison pure, p. 148.

Kant reprend un des principes classiques qui permet de dire si un énoncé est vrai : la vérité c’est quand il y a adéquation entre un énoncé et la réalité qu’il décrit. Autrement dit par Kant, la vérité c’est quand une connaissance est conforme à l’objet réel qu’elle connaît. Il subsiste un problème : comment parvenir à une connaissance considérée comme “objective”, c’est-à-dire universellement reconnue par tous ? Kant va montrer que nous ne pouvons connaître les objets que tels qu’ils nous apparaissent, sous la forme de phénomènes. Il est impossible de connaître un objet en soi : Platon affirmait que les Idées pouvaient être atteintes par la “vision de l’esprit” ; Kant affirme qu’elles en sont pas du tout accessibles à notre entendement, à notre connaissance. Il n’y a pas de “critère universel et sûr de la vérité”, en tout cas pas pour n’importe quelle connaissance. C’est là qu’il faut faire la “révolution copernicienne” et quitter l’objet pour aller vers le sujet qui perçoit. Kant va ainsi distinguer les phénomènes, que nous percevons et dont nous pouvons exprimer des énoncés vrais ou faux, et les noumènes, les choses en soi, ces essences qui nous sont à jamais inatteignables. La vérité est possible, universellement, sur la forme de l’énoncé, mais impossible sur le contenu, sur l’objet ou noumène.

Abordons à présent une autre approche la vérité selon Kant, avec l’aspect moral. Dans une version de l’impératif catégorique, que nous avons déjà évoqué plus haut, le promeneur de Königsberg nous préconise de toujours agir uniquement selon une maxime qui fait que nous puissions vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. Autrement dit, toutes nos actions doivent être accomplies selon un loi morale que nous pourrions tous vouloir appliquer. La question se pose par exemple ainsi : avons- nous le droit de mentir ? Utilisons le principe de l’impératif catégorique : mentir peut-il devenir une loi universelle ? Il semble impossible de bâtir une société sur le mensonge comme loi pour agir. A l’inverse, une société où le principe de dire la vérité serait un devoir absolu est-il envisageable ? Ces questionnements sont à l’origine de la controverse entre Kant et Benjamin Constant, philosophe français du XVIIIe siècle.

Prenons l’exemple d’une personne qui cache son ami dans sa maison. Il est poursuivi par des assassins, qui viennent demander s’il est réfugié chez cette personne. La personne qui cache son ami, si elle obéit moralement au devoir de toujours dire la vérité, doit révéler la présence de son ami dans sa maison, même si cela a pour conséquence qu’il va être assassiné. Le devoir de dire la vérité s’impose ici absolument. Nous pressentons pourtant qu’il y a, malgré ce devoir moral absolu, un dilemme.

Le principe moral, par exemple, que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. […] Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. B. Constant, Des réactions politiques.

Si nous plaçons le devoir de dire la vérité comme un principe suprême, nous devrons révéler la présence de notre ami, sachant qu’il va alors mourir certainement, et que nous en serons en partie responsable moralement. Toutefois, nous aurons, malgré tout, accompli notre devoir. Pourtant, il y a un principe supérieur au devoir moral de mentir, c’est le respect du droit fondamental d’un être humain à vivre. Ce principe supérieur s’impose alors au devoir de dire la vérité, afin de ne pas nuire à autrui. Nous pourrions aussi arguer, en nous fondant sur une autre formulation de l’impératif catégorique kantien, que nous ne devons jamais utiliser l’humanité comme un moyen mais toujours comme une fin : dénoncer notre ami serait le transformer en un moyen de respecter le devoir absolu de dire la vérité, mais c’est en considérant cet ami comme une fin, pour donc ne pas lui nuire dans son humanité, que nous transigerons sur le devoir de dire la vérité. Dans l’absolu, toute vérité n’est donc pas bonne à dire.

En bref/L’essentiel

Pyrrhon et les Sceptiques :

  • Nous ne pouvons rien connaître avec certitude, nous devons donc suspendre tout jugement sur les choses et douter de tout ;
  • La vérité est toujours relative : aux lois, aux conventions, aux coutumes, il n’y a donc pas nature ni bien ni mal.

Montaigne :

  • Ce que nous énonçons ne peut être que vrai ou faux, mais dit-on la vérité quand on affirme : “Je mens” ;
  • Plutôt que d’affirmer le doute comme les Sceptiques, il est plus juste de se poser la question : “Que sais-je ?”, toute vérité est relative à des lois, des coutumes, des époques.

Kant :

  • La vérité est possible uniquement sur la forme d’un énoncé, mais elle est impossible sur le contenu : nous pouvons percevoir les choses sous la forme de phénomènes, mais il nous est impossible de percevoir les choses en soi (le contenu), que Kant désigne par le terme de “noumènes” ;
  • Dire la vérité est un devoir moral, mais il ne peut pas être un devoir absolu, s’il nuit à autrui.

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2. Des Vérités et des hommes

3. La Vérité – Platon, Ménon – L’opinion droite

4. La Vérité – Bibliographie

Voir aussi

Les différents articles du site.

Les Fiches de lecture.

Le Carnet de Vocabulaire Philosophique.

Les Citations.

La Grande Bibliothèque Virtuelle de la Philosophie.

Dsirmtcom, mars 2020.

3 commentaires sur “Bac Philo – III.6. La Vérité – Fiche n° 2. Des Vérités et des hommes

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