FL – Jorge Manrique, Stances pour la mort de son père

Jorge Manrique, Cancionero

Nos vies sont les rivières Qui vont se jeter dans la mer, Qu’est le mourir ; Là vont les seigneuries Tout droit s’achever Et se consumer ; Là les fleuves majeurs Là les moyens Et les plus petits ; Et tous unis sont égaux, Ceux qui vivent de leurs mains Et les riches.

Poésie – Giacomo Leopardi, Il pensiero dominante [La Pensée dominante]

Giacomo Leopardi, Canti

Cet âge vaniteux Qui se repaît de vides espérances, Aime les contes et hait la vertu ; Cet âge sot qui adore l’utile Et ne voit point la vie Se faire chaque jour plus inutile.

NC – Pedro Calderón, La vie est un songe

Calderón, La vie est un songe

Qu’est-ce que la vie ? Un délire. Qu’est-ce que la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction ; et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes sont des songes.

NC – Juan Domínguez Berrueta, La Chanson de l’Ombre

Berrueta, La Chanson de l'Ombre

Donne-moi, lecteur, de la simplicité, donne-moi de la poésie. Et quand tu m’auras ainsi renouvelé… reçois alors ma confession et écoute ma voix qui exhale la chanson de l’ombre.

NC – Nietzsche, Humain, trop humain I

Nietzsche, Humain, trop humain

L’avantage de la mauvaise mémoire est qu'on jouit plusieurs fois des mêmes choses pour la première fois.

NC – María Zambrano, Les Clairières du bois

Maria Zambrano, Les Clairières du bois

De tout temps l’être a été caché ; c’est pourquoi l’homme s’est interrogé et a interrogé à son propos. En aurait-il été ainsi, si l’être humain n'avait senti, au fond de lui-même, son être caché ?

NC – Nietzsche, Seconde Considération intempestive

Nietzsche Seconde Considération intempestive

Contemple le troupeau qui passe devant toi en broutant. Il ne sait pas ce qu’était hier ni ce qu’est aujourd’hui : il court de-ci de-là, mange, se repose et se remet à courir, jour pour jour, quel que soit son plaisir ou son déplaisir. Attaché au piquet du moment il n’en témoigne ni mélancolie ni ennui. L’homme s’attriste de voir pareille chose, parce qu’il se rengorge devant la bête et qu’il est pourtant jaloux du bonheur de celle-ci.

NC – Nietzsche, Le Livre du philosophe

Nietzsche, Le Livre du philosophe

Le dernier philosophe, c’est ainsi que je me nomme, car je suis le dernier homme. Personne ne me parle que moi seul et ma voix me parvient comme celle d’un mourant !

NC – Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne

Bernanos, Journal d'un curé de campagne

C’est une des plus incompréhensibles disgrâces de l’homme, qu’il doive confier ce qu’il a de plus précieux à quelque chose d’aussi instable, d’aussi plastique, hélas ! que le mot. Il faudrait beaucoup de courage pour vérifier chaque fois l’instrument, l’adapter à sa propre serrure. On aime mieux prendre le premier qui tombe sous la main, forcer un peu, et, si le pêne joue, on n’en demande pas plus.

NC – Miguel de Unamuno, La vie de Don Quichotte et de Sancho Pança

Unamuno, Don Quichotte

Le héros est toujours au fond un enfant, son cœur est toujours puéril : le héros n’est qu’un enfant qui a grandi. Ton Don Quichotte ne fut jamais qu’un enfant, un enfant tout au long des douze longues années où il n’osa vaincre la timidité qui l’emprisonnait, un enfant en se plongeant dans les livres de chevalerie, un enfant en se lançant dans les aventures. Et que Dieu nous garde toujours enfants, ami Sancho !

NC – Miguel de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

Il y a quelque chose que, à défaut d’autre nom, nous appellerons le sentiment tragique de la vie, qui entraîne derrière soi toute une conception de la vie même et de l’univers, toute une philosophie plus ou moins formulée, plus ou moins consciente. Ce sentiment, non seulement peuvent l’avoir et l’ont en fait des hommes individuels, mais des peuples entiers.

NC – Miguel de Unamuno, Traité de cocotologie

Unamuno, Traité de cocotologie

D’aucuns furent élevés à la campagne, la parcourant, respirant dans l’air les arômes de jardin et écoutant chanter les oiseaux en chair et en os ; moi je fus élevé dans les rues et y usais mes bottes, incarnant mes idées dans des cocottes en papier et leur prêtant vie.

NC – Berkeley, Principes de la connaissance humaine

Berkeley, Principes de la connaissance humaine

Il nous suffit de tirer le rideau des mots pour contempler le plus bel arbre de la connaissance, dont le fruit est excellent et à la portée de notre main.

NC – Pascal Quignard, Les désarçonnés

Quignard, Les désarçonnés

Toute sa vie on cherche le lieu d’origine, le lieu d’avant le monde, c’est-à-dire le lieu où le moi peut être absent et où le corps s’oublie.

NC – Pascal Quignard, Sur le jadis

Quignard, Sur le jadis

Dans la vie aussi les visages aimés s’usent comme les coudes des chandails.

NC – Pascal Quignard, Les Ombres errantes

Quignard, Les Ombres errantes

Les arbres qui ne peuvent pas être utilisés par les porteurs de lance, par les fabricants de palissade, par les fabricants de chariots, par les luthiers, par les fabricants de barques, connaissent l’utilité exubérante des choses inutiles.

NC – Hume, Enquête sur l’entendement humain

Hume, Enquête sur l'entendement humain

L’obscurité est certes pénible à l’esprit aussi bien qu’aux yeux ; mais tirer la lumière de l’obscurité, au prix de quelque effort que ce soit, ce doit être nécessairement un ravissement et une joie.

NC – Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes – Apparences, Isosthénie, Indifférence, Épochè, Ataraxie, Vérité

Le scepticisme est la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu’il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arrivons d’abord à la suspension de l’assentiment, et après cela à la tranquillité.

NC – Ernesto De Martino, Morts et pleurs rituels

Ernesto de Martino, Mort et pleurs rituels

En substance, la lamentation passe du planctus incontrôlé au planctus ritualisé. Cette ritualisation rend possible la mise en œuvre d’un discours protégé.

NC – Heinrich von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes

Kleist, Sur le théâtre de marionnettes

Ce n’est pas nous qui savons, c’est avant tout un certain état de nous qui sait.

NC – Giorgio Agamben, Pinocchio

Agamben, Pinocchio

Si “dans la vie des pantins, il y a toujours un “mais””, c’est parce que [...] l’obéissance et la sagesse de Pinocchio sont incompatibles avec son histoire et ses aventures. Quand il fait le bien, Pinocchio ne vit pas, il n’a pas d’histoire, il ne lui arrive rien. Concevoir un “mais” et y adhérer sans réserve est pour lui une question de vie ou de mort.

NC – Lewis Carroll, Alice au Pays des merveilles

Lewis Carroll, Alice au Pays des merveilles

“À quoi bon un livre sans images ni dialogues ?” pensait Alice.

NC – Pierre Hadot, Plotin ou la simplicité du regard

Hadot, Plotin

Reviens à toi-même et regarde : si tu ne te vois pas encore toi-même beau, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle : il enlève, il gratte, il polit, il nettoie, jusqu’à ce qu’il fasse apparaître un beau visage dans la statue. Toi aussi, enlève tout ce qui est superflu, redresse tout ce qui est tortueux, nettoyant tout ce qui est sombre, rends-le brillant, et ne cesse de “sculpter” ta propre “statue” jusqu’à ce que resplendisse pour toi la divine splendeur de la vertu, jusqu’à ce que tu voies “la Sagesse, debout sur son socle sacré”.

NC – Lie-Tseu, Les Fables de Maître Lie – Le Vrai Classique du Vide Parfait

Les Fables de Maître Lie

Le regardant on ne le voit pas : on le nomme l’invisible ; l’écoutant, on ne l’entend pas : on le nomme l’inaudible ; l’étreignant, on ne le saisit pas : on le nomme le labile.

NC – Boèce, La Consolation de Philosophie

Boèce, La Consolation de Philosophie

Considérez l’étendue du ciel, sa permanence, sa vitesse, et cessez une bonne fois d’admirer des choses viles. Or ce qui est admirable dans le ciel n’est pas tant ses qualités que la raison qui le régit. Quant à l’éclat de la beauté, comme il est rapide, comme il est passager et plus fugace que les fleurs éphémères du printemps !

NC – Sénèque, Consolations

Sénèque, Consolations

Souvent, ma très bonne mère, j’ai éprouvé une vive envie de te consoler mais souvent, je l’ai contenue. [...] C’est ainsi que je faisais de mon mieux, en refermant de ma main ma propre plaie, pour parvenir jusqu’à vous afin de panser vos blessures.

NC – Parménide, Le Poème

Parménide, Le Poème

Viens donc, je vais dire - et toi, l’ayant entendue, Garde bien en toi ma parole - quelles sont les seules voies de recherche à penser : l’une qu’il y a et que non-être il n’y a pas...

NC – Jean Grenier, L’esprit du Tao

Grenier, L'esprit du Tao

Si le mot “sagesse” qu’il est “convenu” d'employer convient peu, c'est bien au taoïsme qui est plutôt une folie et se présente comme telle.

NC – Tchouang-Tseu, Les Œuvres de Maître Tchouang

Tchouang-tseu

Une petite intelligence est incapable de saisir les desseins d’un grand esprit ; qui a une vie brève ne peut se faire une idée d’une vie longue. Le champignon du matin ignore l’alternance du jour et de la nuit ; comment la cigale qui ne chante qu’un été connaîtrait-elle le cycle de l’année ?

NC – Les Cyniques grecs

Platon avait défini l’homme “un animal bipède, et sans plumes”, et on l’applaudissait ; Diogène pluma alors un coq et l’apporta à la salle de cours en s’écriant : “Voici l’homme de Platon !” On ajouta donc à la définition, “muni de larges ergots”.