Bac Philo – V.1. La Liberté – Fiche n° 3. Bergson – L’acte libre

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Source : Station de métro Liberté, Paris –  Wikimédia

Les leçons de Philosophie – Bac Philo – Partie V. La Morale – Chapitre 1. La Liberté – Fiche n° 3. Bergson – L’acte libre

Fiche n° 3. Bergson – L’acte libre

Bergson, Essais sur les données immédiates de la conscience

Bref, nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’oeuvre et l’artiste. En vain on alléguera que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais, dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre, que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité. La thèse de la liberté se trouverait ainsi vérifiée si l’on consentait à ne chercher cette liberté que dans un certain caractère de la décision prise, dans l’acte libre en un mot.

Bergson, Essais sur les données immédiates de la conscience, chapitre III “De l’organisation des états de conscience”, “La liberté”.

Introduction

Dès l’avant-propos des Essais sur les données immédiates de la conscience, Bergson nous avertir sur notre tendance culturelle à “penser le plus souvent dans l’espace”. L’ouvrage traite du problème de la liberté, et l’extrait étudié ici est la démonstration de ce qu’est la liberté. Bergson va étudier successivement plusieurs aspects autour de la question de la liberté. Tout d’abord, quelles conditions doivent être réunies pour que nous puissions nous considérer comme libres de nos actes ? Cette liberté est-elle totale, ou bien soumise à l’influence d’une nécessité ou d’une puissance quelconque ? Lorsque nous évoluons dans le temps, et que nous changeons imperceptiblement, qu’advient-il de notre liberté ? Enfin, y a-t-il une façon de penser, un lieu où orienter nos recherches, pour que nous soyons ainsi assurés de peut-être y trouver la liberté qui guide nos actes ?

“Bref”

Dans ce qui apparaît comme une synthèse du texte qui précède cet extrait – attestée par l’utilisation du mot “bref” comme une interjection – Bergson énumère les conditions, les circonstances dans lesquelles notre liberté s’affirme. La liberté, c’est lorsque notre action prend son origine dans l’intégralité de notre propre personne. Cette notion de “personnalité entière” induit qu’elle est susceptible d’être composée de plusieurs éléments qui, une fois rassemblés, la constitue comme étant complète. Autrement dit, notre personnalité serait susceptible d’être divisible, morcelable, et ceci sera évoqué plus loin dans le texte. La liberté, c’est aussi lorsque notre action est l’expression de cette “personnalité entière”. En agissant, ce qui est immatériel en nous – notre pensée, nos choix, nos décisions – se concrétise. C’est ici que nous trouvons la troisième condition ou circonstance, lorsque la personnalité de l’artiste se retrouve dans ce qu’il produit concrètement – ce qu’il exprime – par ses actes. Nous pouvons percevoir, en partie, qui est Picasso lorsque nous contemplons Guernica. Nous pouvons accéder à Platon et à son maître en lisant le Banquet ou l’Apologie de Socrate. Il est cependant impossible de dire, de définir cette similitude “entre l’oeuvre et l’artiste”. Pourtant, si nous découvrons un tableau de Picasso que nous ne connaissions pas auparavant, il est fort probable que nous en identifions l’auteur, par le style utilisé, par la gamme de couleur, etc. De même, si nous entendons un prélude de Bach, nous ferons sans doute le lien avec d’autres oeuvres du même compositeur, à la structuration si caractéristique. Voici donc, dans cette synthèse introductive, les trois moments où nous pouvons nous considérer comme libres : nos actes en tant qu’ils nous sont propres, l’expression qu’ils réalisent de nous-mêmes, la similitude qui s’établit implicitement entre le produit de l’acte et son auteur.

Les deux Moi

Donner les conditions ou les circonstances dans lesquelles s’affirme notre liberté présuppose que nous soyons ou que nous puissions être libres dans nos actions. Bergson évoque l’objection, vaine selon lui, du déterminisme, et plus précisément ici du déterminisme psychologique. C’est sous la domination de notre “caractère” que nous agirions. La question de la liberté pose celle de la volonté. Sommes-nous libres de ce que nous voulons, ou quelque chose détermine-t-elle nos actes, qui serait ici notre “caractère” ?  C’est ainsi que Bergson introduit le chapitre dont est issu cet extrait :

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la question de la liberté met aux prises ces deux systèmes opposés de la nature, mécanisme et dynamisme. Le dynamisme part de l’idée d’activité volontaire, fournie par la conscience, et arrive à la représentation de l’inertie en vidant peu à peu cette idée ; il conçoit donc sans peine une force libre d’un côté, et de l’autre une matière gouvernée par la loi. Mais le mécanisme suit la marche inverse. Les matériaux dont il opère la synthèse, il les suppose régis par des lois nécessaires, et bien qu’il aboutisse à des combinaisons de plus en plus riches, de plus en plus malaisées prévoir, de plus en plus contingentes en apparence, il ne sort pas du cercle étroit de la nécessité, où il s’était enfermé d’abord. Bergson, Op. cit.

Deux systèmes s’opposent : celui du mécanisme où des lois naturelles rendent nécessaire l’acte tel qu’il doit être réalisé ; le dynamisme où c’est la conscience qui agit au moyen de sa propre volonté. Dans le cas du caractère “mécanisé”, nous serions alors déterminés par la nécessité : notre caractère se conformerait à notre nature, il se confondrait avec notre essence d’être vivant déterminé par une cause supérieure, mécanique, puissante et nécessaire. Cette conception est celle de Spinoza, pour qui il n’existe “aucune volonté absolue et libre” chez l’homme, mais où “l’esprit est déterminé à vouloir ceci ou cela par une cause” (Éthique, II, 48). Cette cause est elle-même déterminée par une autre, “et ainsi à l’infini”. Pour Spinoza, la cause suprême de toute chose est Dieu, c’est-à-dire la Nature. L’homme n’est qu’une expression de cet substance unique qu’est Dieu : notre caractère influe sur nous par le même principe de puissance qu’il subit lui-même.

Bergson ne souscrit pas à un mécanisme tel qu’il agirait jusqu’à déterminer notre propre caractère, nous dépossédant ainsi en quelque sorte de nous-mêmes. “Notre caractère, c’est encore nous” : nous ne sommes pas assujettis à notre caractère, mais nous sommes sujet en tant qu’auteur de nos actes. Il n’y a pas de dissociation entre ce qui serait “notre caractère” et “nous”. Notre “personnalité entière” se compose de notre caractère, mais elle ne s’y réduit pas et ne s’y soumet encore moins. L’ambiguïté peut venir du terme lui-même. Le caractère peut signifier un “jugement de réalité” (Morfaux) : c’est la personnalité dans sa psychologie et ses comportements. Il peut aussi être un “jugement de valeur” : un bon ou un mauvais caractère, un enfant qualifié de “caractériel” autrement dit inadapté, difficile. Il peut enfin, utilisé alors au pluriel, catégoriser un individu ou une espèce. Notons que cette dernière définition se rapproche de la notion de détermination : les caractères d’une espèce vont se retrouver chez chaque individu, et ne seront donc plus singulier à un sujet distinct. Il faut donc cerner en quoi “Notre caractère, c’est encore nous”.

Afin de mieux comprendre de quoi il s’agit, Bergson présente une approche qu’il qualifie de puérile dans ses conclusions. Cette approche, portée par un “on” très indéfini quant à ces auteurs véritables, consiste à séparer la personnalité en deux entités, toutes deux dénommées “moi”. Nous comprenons déjà que ces “moi”, c’est “nous”, notre personne, a priori complète lorsque les deux “moi” sont réunis. L’approche est dualiste : il y a deux principes distincts, comme par exemple dans le manichéisme où les deux principes sont le bien et le mal. C’est aussi l’exemple du dualisme cartésien, où le corps et l’esprit sont deux substances distinctes, mais non séparées. Quels sont ces deux principes ? quel type de dualisme recouvrent-ils ? La doctrine des auteurs indéfinis distingue, après un “effort d’abstraction”, “le moi qui sent ou pense” du “moi qui agit”. De cette distinction, les “on” en concluent que l’un des deux domine l’autre. Si nous reprenons cette querelle des “on” contre les “nous” bergsoniens, le “moi qui sent ou pense”  serait le caractère, et le “moi qui agit” cette partie de “nous” qui est influencée par la première. Tentons de “caractériser” ce caractère et son alter ego, en nous aidant de la notion de dualisme. Voyons d’abord de quoi il ne s’agit pas. Ce n’est pas le dualisme de Platon ou de Descartes : pourtant, le corps agit et l’esprit pense. Mais alors où serait alors la partie qui sent ? Dans le corps doté des cinq sens ? Dans un mode sensible de l’esprit ? Ce n’est pas non plus la conscience et l’inconscient tels que la psychanalyse les a théorisés. La première topique de Freud, séparant l’appareil psychique en conscient, préconscient et inconscient est formalisée en 1900 dans l’ouvrage L’interprétation des rêves. Les Essais sur les données immédiates de la conscience sont publiés en 1889. Cette conception d’une séparation du moi provient de l’associationnisme, dont voici la définition :

Théorie d’après laquelle les formes supérieures de l’activité psychique résultent de l’association de faits plus simples et en définitive de sensations. D’après ce principe même, les diverses formes d’association (en particulier l’association par ressemblance) se réduisent à l’association par contiguïté conçue comme purement mécanique et n’exigeant aucune activité intellectuelle. Cnrtl.fr.

L’associationnisme – dont Bergson cite un des penseurs, John Stuart Mill, dans le chapitre qui nous concerne – conçoit le moi “comme un assemblage d’états psychiques, dont le plus fort exerce une influence prépondérante et entraîne les autres avec lui.” Il se fonde sur la nécessité mécanique, termes que nous avons déjà croisés plus haut. Les associationnistes vont disséquer le moi en plusieurs états de conscience, où il sera possible de retrouver un “moi qui sent ou pense” et un “moi qui agit”. Ils vont en conclure avec “puérilité”, autrement dit avec un manque de sérieux et de profondeur, qu’un des moi est forcément supérieur à l’autre, et le considérer comme le “caractère” qui va exercer son “influence toute-puissante” sur l’autre partie du moi.  

Greffe ou fusion ?

Après cette première objection arguant d’un caractère prédominant dans un moi disséqué, Bergson rapporte une seconde approche, toujours relative à la notion de caractère : notre liberté d’agir s’applique-t-elle aussi en tant que liberté de modifier notre caractère ? Nous venons d’examiner deux conceptions de la notion de caractère : celle des associationnistes, qui en font une partie d’un moi composé d’assemblages d’états psychiques ; et celle de Bergson où le caractère est indissociable de notre personnalité entière. Si nous reprenons cette dernière conception selon laquelle “Notre caractère, c’est […] nous”, nous pouvons appliquer une équivalence entre notre caractère et la personne que nous sommes, notre “personnalité entière”. Sommes-nous alors libres de nous changer nous-mêmes ? Bergson reprochait à la première approche son découpage abstrait du moi et la puérilité de sa conclusion d’un moi dominant les autres moi. Il précise d’emblée que “le même reproche”, fait à ceux qui fondent la conscience sur un système de nécessité mécanique, peut être fait à ceux qui questionnent la liberté de modifier notre caractère. Il va maintenant exposer ce reproche.

Le constat peut être fait que nous changeons dans le temps. Notre personnalité – que nous avons choisi de considérer comme l’équivalent de notre caractère – évolue. Les changement peuvent être majeurs à l’échelle d’une ou plusieurs années : notre personnalité n’est plus parfaitement identique à celle que nous avions à notre naissance. A une échelle de temps plus courte, les changements sont encore présents, même s’ils ne sont pas perceptibles instantanément : d’un jour à l’autre, notre personnalité évolue sur des degrés infimes, “notre caractère se modifie insensiblement”. Bergson envisage deux modes possibles d’évolution : la greffe et la fusion. Greffer, c’est “ajouter, introduire, insérer un élément nouveau ou complémentaire” (cnrtl.fr). Prenons l’exemple simple de l’apprentissage d’une langue. Si je débute dans cet apprentissage, j’acquiers un élément nouveau : cette langue que je ne parlais pas auparavant. Si je possède déjà quelque connaissance dans cette nouvelle langue, chaque mot ou expression que je vais acquérir complètera ce que j’ai appris. Chaque jour, je peux apprendre un mot nouveau, dans cette langue nouvelle. Imperceptiblement, mon caractère, ma personnalité, vont évaluer, se modifier. La simple mise en situation de la pratique de la langue nouvelle dans un pays dont c’est l’idiome me permettra de mesurer mes progrès et les changements induits en moi, dans mon “moi” entier. Mais la greffe conserve la différence entre le greffon et celui sur lequel il est transplanté. Il y a au pire un risque de rejet, et au mieux une juxtaposition des deux parties. Pour continuer dans la métaphore de l’apprentissage d’une langue, la greffe pourrait se réduire à disposer du dictionnaire bilingue le plus complet, mais de ne pas disposer du moindre mode d’emploi. Nous ne serions pas libres d’utiliser au mieux ces acquisitions, parce qu’elles resteraient distinctes de notre propre personne. La greffe de nouvelles acquisitions n’aboutirait qu’à déposer un mille-feuilles sur notre moi, sans l’accompagner de la liberté d’en user. Cela équivaudrait à la tête bien pleine, et non bien faite recommandée par Montaigne. Si nous voulons trouver – ou retrouver – cette liberté, il faut procéder à une fusion, et non à une simple greffe.

Là où la greffe conservait la différence entre greffon et greffé, la fusion va rendre indistinct l’acquisition nouvelle et l’acquéreur. La fusion, c’est le mélange intime de plusieurs éléments. Reprenons la métaphore idiomatique. La greffe, c’est lorsque je traduis un texte depuis la langue nouvelle vers ma langue usuelle, en comprenant globalement le sens, mais qu’il m’est nécessaire de consulter le dictionnaire devant un mot récalcitrant, déjà appris, mais pas encore acquis. La fusion, c’est lorsque je me promène à Rome, et qu’il m’est possible de tenir une conversation en Italien avec un interlocuteur transalpin. Mon caractère, ma personnalité se sont modifiés au point que je suis devenu inconsciemment compétent : je parle une langue sans avoir besoin de me rappeler sans cesse qu’elle nouvelle pour mon “moi”. Je suis cet “automate conscient” décrit par Bergson, dont le moi est déterminé par l’extérieur – la langue nouvelle -, mais qui est conscient de cet état particulier où j’agis sans avoir à user en permanence de ma raison. La fusion correspond à un processus d’appropriation : j’acquiers une connaissance nouvelle, j’en deviens propriétaire ; puis je me l’approprie, elle devient ma propriété acquise et une propriété de mon “moi”, autrement dit, un caractère – au sens d’une caractéristique – de mon caractère. La liberté est de retour : “le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre”. Ce n’est plus seulement à moi, c’est devenu mon “moi”, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, pour paraphraser le Rêve familier de Verlaine. 

“En un mot”

La dernière partie du texte étudié se présente également comme la volonté d’être une synthèse de ce qui vient d’être énoncé : “en un mot”, Bergson va résumer sa thèse. Dans les faits, les mots seront plus nombreux que prévu. La thèse va se regrouper en deux mots : “acte” et “libre”. La première partie pose le “nous” comme cause libre des effets que sont ses actes. La dernière pose l’effet – l’acte – comme libre si c’est le “moi” seul qui en est la cause. Entre ces deux moments, Bergson réfute d’abord l’idée d’un moi dissocié – ou dissociable – où règne une relation de domination qui rend mécaniquement nécessaire l’acte. Il décrit ensuite le processus d’appropriation lors des changements qui surviennent dans la personnalité – ou son équivalent,  le caractère – sans pour autant porter atteinte à son intégrité. L’acte est un effet libre si et seulement si sa cause unique est le moi, lui-même devenant libre par l’expression de cet acte. L’acte ne peut être dénommé comme libre que si la paternité n’en revient qu’à un seul et unique géniteur : le moi, délivré de toute influence, qu’elle soit intérieure sous la forme d’un deuxième moi, ou qu’elle soit extérieure sous la forme des acquisitions quotidiennes. La liberté de l’acte ne se conçoit alors qu’avec le moi, rien que le moi, tout le moi.

La démonstration de la liberté du “nous” qui conclut l’exposé des différentes conditions d’apparition et d’existence de cette liberté, se réalise dans un cadre bien précis. Il faut revenir ici à l’opposition, évoquée au commencement de cette analyse, entre deux systèmes : le mécanisme et le dynamisme. Le cadre de vérification de la thèse de la liberté ne peut pas s’inscrire dans le mécanisme, qui découpe en diverses pièces le moi, et en fait un simple enregistreur passif d’acquisitions. C’est le dynamisme qui doit être le guide de la recherche. C’est dans le processus de la décision que se trouve la “solution” du problème. Le terme “dynamisme” vient du grec dunamis, qui signifie force. C’est dans la force vitale à l’oeuvre dans le processus de décision qu’il faut chercher. La véritable explication réside sans doute dans cette phrase qui précède l’extrait étudié :

C’est de l’âme entière, en effet, que la décision libre émane ; et l’acte sera d’autant plus libre que la série dynamique à laquelle il se rattache tendra davantage à s’identifier avec le moi fondamental. Bergson, Op. cit.

La personnalité entière, le moi seul, l’âme entière : chaque expression se résume dans la notion d’un moi fondamental, d’un “moi concret”. Le processus de décision est un système dynamique. Un système composé certes d’éléments, comme aime à en retrouver la doctrine du mécanisme, mais qui n’ont d’importance que par les relations qui se produisent entre eux, c’est-à-dire par leur dynamique. Comme dans d’autres écrits de Bergson, la difficulté de compréhension vient de l’obstination à vouloir décrire un phénomène de manière spatiale et non temporelle. Le mécanisme va poser d’un côté le moi, qu’il va diviser, de l’autre le caractère, qui empile les acquisitions, qui range ces greffes en belles arborescences logiques et nécessaires. Il intègre le processus de décision, mais en fait un déroulé procédural, composé d’étapes, d’associations biens définies, elles aussis logiques et nécessaires. Une telle structuration rend impossible de percevoir jusqu’à la simple existence d’une quelconque liberté.

On analyse, en effet, une chose, mais non pas un progrès ; on décompose de l’étendue, mais non pas de la durée. Bergson, Op. cit.

L’approche par la durée, qui correspond à celle du dynamisme. La liberté est dans ce temps qui s’écoule, dans ce “rapport du moi concret à l’acte qu’il accomplit” (Ibid.). Rien ne sert de décomposer, il faut partir de la durée. Il faut chercher la liberté dans le caractère dynamique du processus de décision. Ce processus est l’acte libre lui-même, qui se décrit dans sa durée, mais ne s’inscrit pas dans une décomposition spatiale du temps. Laissons alors Descartes à sa méthode, Spinoza à son déterminisme absolu, et soyons enfin réellement libres par nous-mêmes.

Conclusion

Penser avec l’espace, c’est se limiter à une pensée mécanique. Nous pouvons faire l’énumération des conditions et circonstances dans lesquelles nous sommes libres en action : lorsque c’est notre personnalité qui cause ces actes ; lorsque ces actes en sont l’expression ; et lorsque les actes peuvent s’identifier à leur auteur. Nous pourrions être sous influence lorsque nous agissons. La doctrine associationniste décrit des moi morcelés, régis par la domination et la nécessité. Le temps qui nous change et nous fait évoluer pourrait se limiter à l’accumulation de strates d’acquisitions, recouvrant peu à peu notre moi originel. La pensée par l’espace est une pensée mécaniste. Mais, en tant qu’êtres vivants, en tant que totalité pensante et agissante, nous sommes bien libres. L’erreur est de ne pas chercher au bon endroit, ou plutôt dans le bon temps. Penser dans la dynamique de la durée permet d’appréhender la véritable liberté, qui s’accomplit dans le déroulé de la réalisation de l’acte libre. L’espace de la liberté se révèle alors être le temps, comme force dynamique, comme élan vital, terme si cher à Bergson.

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Dsirmtcom, juin 2020.

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