Luz y Caballero, Ética 1.1. Valores positivos [Éthique 1.1. Valeurs positives]

Essais Philosophiques CubainsJosé de la Luz y Caballero, Aforismos

Ética 1.1. Valores positivos – Éthique 1.1. Valeurs positives

Il y a des choses qui ne doivent pas se dire, s’écrire ou se penser (même avec une bonne fin).
La lampe de la moralité risque de s’éteindre si on la souffle fort ; ou d’être corrompue si elle s’alimente de gaz méphitiques
1.
Jamais je ne pardonnerai à J.-J. Rousseau certains passages de ses
Confessions.
Ah ! Si les hommes influents avaient en permanence l’image de la moralité devant les yeux, et à l’intérieur, qui les poursuivait comme moi, combien l’humanité y gagnerait !

De quoi dépendra la répugnance matérielle, organique, que cause en moi, comme si elle m’aiguillonnait, la vision de la matérialisation de la partie morale de l’homme, même dans sa plus légère expression ?
Je veux examiner et d’abord régler cette question.

Nous devons nous efforcer par tous les moyens de nous rendre meilleurs.

Le mouvement du monde moral, comme celui des graves, est uniformément accéléré. Il reprend des forces en cheminant.

Je veux aussi spiritualiser l’homme, mais pour cela il ne faut pas le tromper, ni nous tromper. Il faut convaincre l’homme des grands avantages de le spiritualiser.

Le monde n’est pas gouverné par la logique mais par l’inconséquence.
C’est pour cela qu’on qualifie d’excessifs tous les hommes conséquents.

Y a-t-il une idéalité ? Ainsi nous avons les horizons, l’approximation, la perfectibilité, la transmutation de la forme en fond et du fond en forme, le ciel infini… Bénissons le Créateur de tant de merveilles !

La terre promise : l’idéal : pendant que l’homme s’efforce d’arriver, il recueille un nombre incalculable de connaissances tout au long du chemin, et en chemin il s’est exercé ; il ne peut pas se perfectionner d’une autre manière.

L’idéal, l’atmosphère que respirent les âmes. Les besoins moraux sont aussi impérieux que les besoins corporels.
Le législateur moraliste ne doit pas se contenter de les satisfaire, il faut les créer.
Ceci est le baptême des peuples nés récemment et la confirmation ou la pénitence de ceux adultes.

Même si les hommes opèrent très souvent en suivant la voix de leurs intérêts, bien ou mal comprise, ceci n’est pas l’unique motif de leurs actions, ni la norme de leur moralité.
Les hommes ne mesurent jamais le mérite ou le démérite des actions selon l’utilité qu’elles produisent. Il y aurait alors une morale pour chaque cas, et les moyens, quels qu’ils fussent, resteraient justifiés selon que la fin serait atteinte. Ceci est la moralité de la tyrannie.

Le cœur humain est une mine où l’on découvre tous les jours de nouvelles veines. Espérons que le minéral soit toujours de bon aloi !
Cependant, lorsque Dieu permet qu’on le découvre ainsi, cela doit apporter quelque avantage.
Natura nihil frustra molitur2 — Je ne parle seulement d’utilité morale.

La nécessité de ne vivre que pour les obtenir ne serait-elle pas l’indice de la véritable excellence du savoir et de la vertu ?

Seul le talent connaît le talent. Motif de cette réflexion – digne de rire.
L’idée selon laquelle des intelligences vulgaires se forment à partir d’intelligences supérieures est une immense plaisanterie. Les fous et les imbéciles donnent l’onction à celui qui ne leur donne pas un cri ou un coup de massue.

Quelle si grande chose que ce témoignage de conscience qui, au milieu de la tourmente, élève la voix en disant : tu as bien fait !
Ecce, Ecce Deus
3.

Science et conscience sont nécessaires pour tout.

Il serait toujours plus exact que l’homme dise “il y a en moi”, que je ne possède pas telle ou telle faculté.

Là où est ton trésor, là sera ton cœur.

Il existe des créatures qui présentent en elles-mêmes des problèmes moraux impossibles à résoudre. Pour elles, j’aimerais voir les Leibniz et les Newton moraux, qui avec toute l’infinité de leurs calculs infinitésimaux en viennent au zéro ou à l’infini.

Connaissance du bien et du mal : donc responsabilité.
Deuxième raison : Lutte : donc responsabilité.
Troisièmement : Expérience du mal : donc responsabilité.
Quatrièmement : Expansion des connaissances : donc responsabilité. Ainsi Jésus-Christ a très bien dit : “chacun sera jugé selon ce qui lui sera donné
4”.
Cinquièmement : De même, plus ou moins de mérite dans la même action, selon les circonstances des personnes et des choses.

La méditation tue : l’âme s’ensanglante en trébuchant sur les poignards de la réalité. (Les points de comparaison.)

Comment la pensée peut-elle s’élever davantage : sous l’impulsion des affaires, ou en la laissant courir où bon lui semble ? (J’ai résolu le problème, et non comme cela peut paraître à première vue.)

L’habitude de penser nous fait nous élever jusqu’au ciel à partir du sol le plus misérable et le plus humble.
Il n’y a rien de frivole pour le penseur.

Pense pour agir, et pour ne pas agir, pense.

La ligne droite n’est pas toujours le chemin le plus court pour aller d’un point à un autre. (Censément, hors de la géométrie).

L’exercice de la pensée, le culte le plus acceptable de la Divinité.

Le sentiment, principe très versatile – girouette – : la raison, unique boussole. Bonne ou mauvaise, il n’y en a pas d’autre.

Sans sentiment, il n’y a pas de motif pour la pensée ou pour l’action.
L’esclave fut celui qui disait : “
homo sum, humani nihil a me alienum puto5”.

Parfois ni le talent ni la discrétion ne suffisent pour se conduire bien : il faut de la charité, un cœur bon, guidés par le bon jugement.

Il existe une certaine valeur acquise aussi courageuse que naturelle : celle de l’expérience. Plus tenace que celle de la jeunesse, comme plus enracinée.

L’homme mûrit comme un fruit, à force de temps, de soleil et de… coups.

Éviter plutôt que guérir.

Courtoisie de l’époque. Règle unique. Faire.

Celui qui fait tout ce qu’il veut est esclave, et non propriétaire, de sa volonté. Celui qui fait ce qu’il veut fait ce qu’il ne voudra pas.

Le ton donne le ton (en bien et en mal).

Seuls les hautains donnent le ton. Ainsi va le monde !

Nous devons toujours essayer et entreprendre jusqu’où nous le permet la Nature. Et de quelle façon connaissons-nous cette limite ? En étudiant et en luttant.

Il est nécessaire de combattre, de détruire, même en tentant de construire.

Embrasser pour embrasser.
Si vis pacem, etc. Il y en a qui pourraient dire : Faciunt bellum quia volunt pacem6 ; ou : Si vis pacem, fac BELLUM. Para PACEM, si vis, etc.

Seul celui qui persévère se sauve.

À José María Zayas7.
Dans la mer nous sommes ; foi et en avant !…

Celui qui n’aspire pas ne respire pas.

Lorsqu’on espère avec justice, on se sent fort.
Quelle ne sera pas la situation d’une âme sensible, mais vulgaire, qui mérite et attend sans rien obtenir d’autre que de l’ingratitude !
Toute la philosophie est nécessaire pour lutter et endurer.
Mais ensuite l’homme en sort plus restauré et fortifié.
Saint Paul fut un grand maître en la matière, en tant que disciple du Christ – le premier.

Bibliographie

LUZ Y CABALLERO J. (de la), Obras – Aforismos, La Habana, Ediciones Imagen Contemporánea, 2001.


Traduction et annotations : Patrick Moulin, MardiPhilo.fr, avril 2024.

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Notes

  1. Méphitique : littéralement, dont l’exhalaison est malfaisante, toxique, parfois puante, désagréable. Ici plutôt au sens figuré, qui corrompt l’âme, l’esprit. ↩︎
  2. Natura nihil frustra molitur : “La Nature ne fait rien en vain”, Aristote, La Locomotion des animaux, 704 b. ↩︎
  3. Ecce Deus : Voici Dieu. ↩︎
  4. “[Le juste jugement de Dieu] rendra à chacun selon ses œuvres”, Romains 2.6. ↩︎
  5. Homo sum, humani nihil a me alienum puto : “Je suis homme, et rien de ce qui touche l’homme ne me paraît indifférent” Térence, Héautontimorouménos, I, 1, v. 77. ↩︎
  6. Si vis pacem para bellum : Si tu veux la paix, prépare la guerre. Faciunt bellum quia volunt pacem : Ils font la guerre parce qu’ils veulent la paix. ↩︎
  7. José María Zayas (1824-1887) fut directeur de l’École royale cubaine et l’un des fondateurs de l’École du Salvador, dont il occupa la vice-direction puis la direction, en remplacement de José de la Luz y Caballero, jusqu’en 1869 (source : Ecured). ↩︎

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