Bac Philo – II.4. La Religion – Fiche n° 2.b. Des Religions et des hommes – Du meilleur des mondes de Leibniz au réel rationnel de Hegel

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Source : Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, couverture Livre de Poche – FranceTV.fr

Les leçons de Philosophie – Bac Philo – Partie II. La Culture – Chapitre 4. La Religion – Fiche n° 2.b. Des Religions et des hommes – Du meilleur des mondes de Leibniz au réel rationnel de Hegel

Fiche n° 2.b. – Des Religions et des hommes – Du meilleur des mondes de Leibniz au réel rationnel de Hegel

Introduction

La deuxième partie de cette étude des doctrines philosophiques liées à la religion nous conduira au meilleur des mondes de Leibniz qui, bien avant le roman du même nom écrit par Georges Orwell, avait défendu cette thèse que Dieu ne pouvait pas mieux choisir parmi les monde que celui où nous vivions. Le mal est en fait un bien. Kant paraphrasera Sartre et son existence qui précède l’essence, avec quelques siècles d’avance : la morale précède la religion, et la morale est le chemin qui mène à la religion. Hegel nous fera partager ses moments culturels que sont l’art, la religion et l’histoire. Nous prendrons le savoir absolu en marche graduelle avec lui.

Des Religions et des hommes – Du meilleur des mondes de Leibniz au réel rationnel de Hegel  

Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716)

Leibniz conçoit l’univers comme constitué d’une infinité d’éléments du plus simple au plus complexe : les monades (voir ce terme dans le Carnet de Vocabulaire). Pour mieux saisir ce concept métaphysique (au-delà de la physique), nous pouvons faire une analogie physico-chimique avec la constitution de la matière telle que nous la connaissons aujourd’hui. La matière est composée d’atomes, eux-mêmes composés de particules comme les protons, les neutrons et les électrons. Si nous prenons la table de Mendeleïev ou tableau périodique des éléments, l’atome le plus simple est l’hydrogène, de numéro atomique 1, et l’atome le plus complexe est l’oganesson, de numéro atomique 118. Le numéro atomique représente le nombre de protons que contient l’atome. Tout dans notre univers est composé d’atomes, qui sont regroupés en molécules : l’exemple le plus connu est l’eau, composé de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène, H2O en symbole chimique. Dans le système des monades de Leibniz, nous retrouvons une échelle similaire d’éléments simples ou composés. Mais, comme nous sommes en méta-physique, soit au-delà de la physique, quelque chose s’ajoute à la matière.

Leibniz distingue :

– les monades nues (la matière inanimée) dont les perceptions sont inconscientes

– les monades sensitives, âmes des plantes et animaux doués de perceptions conscientes et d’appétitions spontanées et les monades raisonnables, qui ont la conscience réfléchie de leurs perceptions et la liberté de leurs appétitions

– la monade suprême ou Dieu. 

L’établissement de l’existence de la monade supérieure n’est pas affaire de croyance mais de logique : les monades étant aussi incommensurables entre elles que le corps l’est pour Leibniz à l’esprit (…) il faut qu’une harmonie préétablie ait été introduite entre les monades et à l’intérieur de chacune d’entre elles par une intelligence supérieure. Questions philo, 30 concepts incontournables – Les 30 plus grands philosophes.

Nous sommes ici dans une “théologie rationnelle”, qui se définit comme l’“entreprise théorique qui prétend à la connaissance de Dieu et de ses attributs au moyen de la raison et indépendamment de toute révélation historique” (Foessel). Il s’agit ici de concilier la philosophie avec la religion, et donc de traiter la religion avec des arguments issus de la raison. Ainsi Leibniz décrit le réel, le monde qui nous entoure et où nous vivons, comme ce système de monades, effet dont Dieu est la cause. Comme chez Spinoza, Dieu est la cause de toutes choses. Et, comme les monades vont de la plus infime à la plus suprême en passant par des degrés de complexité différents,notre entendement fini et imparfait – notre raison de “monades raisonnables” – est un degré vers l’entendement infini et parfait de Dieu. Et la “lumière de la raison” prend sa source dans cet entendement infini et parfait qui en est sa cause : la “lumière de la raison” est un don de Dieu.

Mais, si ce monde est si parfait, puisque l’être suprême qui en est la cause possède un entendement infini et parfait, comment expliquer la présence du mal dans ce monde ? C’est avec la raison, puisque nous sommes dans une théologie rationnelle, que Leibniz va argumenter dans sa Théodicée, pour justifier la bonté divine malgré l’existence du mal dans ce monde. Il va ainsi expliquer que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles :

Entre une infinité de mondes possibles, il y a le meilleur de tous, autrement Dieu ne se serait pas déterminer à en créer aucun. Leibniz, Essais de Théodicée.

Parmi l’infinité de mondes que Dieu aurait pu créer, nous sommes donc dans le plus parfait, le plus abouti, bref, il ne pouvait pas faire mieux, sinon nous ne serions pas là pour en parler. Leibniz va aussi relativiser le mal avec un argumentaire (nous sommes dans la théologie rationnelle). La perception d’un mal dépend de son point de vue : nous pouvons penser que nous payons trop de taxes ou d’impôts, mais ces derniers permettent de faire fonctionner des services publics (les hôpitaux, les services sociaux, les centres des impôts…). Ce mal perçu à un niveau particulier peut donc apporter un bien à un niveau général. Il en est de même des effets secondaires d’un traitement qui permettra malgré cela d’obtenir une guérison : combien d’enfants ont pu ainsi être sauvés du rachitisme en ingurgitant une atroce cuillerée d’huile de foie de morue (oui, combien ?) ? Nous percevons plus immédiatement le mal que le bien : c’est “la vie dans le silence des organes” qu’est la santé, selon le chirurgien René Leriche, dont nous ne prenons conscience, dans le meilleur des cas et des mondes, que lorsque notre petit orteil heurte malencontreusement le pied du lit. C’est enfin l’idée du mal nécessaire pour qu’advienne un bien, pour répondre à une harmonie supérieure.

(…) il arrive parfois que ce qui est désordre dans la partie est ordre dans le tout. Leibniz, Op. cit.

Nous sommes dans le meilleur des mondes, et le mal ou ce que nous percevons comme étant un mal n’est que l’élément d’un système si parfait que son harmonie infinie ne peut être intégralement compréhensible par notre petit entendement fini. Il n’empêche que notre petit orteil, même s’il est si peu de chose face au grand tout, fait bougrement mal lorsqu’il heurte malencontreusement le pied du lit.

Emmanuel Kant (1724-1804)

Chez Sartre, l’existence précède l’essence, chez Kant, la morale précède la religion. Le promeneur de Königsberg fonde sa doctrine sur trois questions : 

  • Que puis-je savoir ? C’est le domaine de la métaphysique, c’est-à-dire l’ensemble des connaissances issues de la raison seule (voir le terme “Métaphysique” dans le Carnet de Vocabulaire) ;
  • Que dois-je faire ? C’est le domaine de la morale, qui a la caractéristique d’être celle d’un individu autonome et libre, autrement qui établit lui-même les lois auxquelles il obéit par sa volonté (sous réserves qu’elles puissent être universelles ou universalisables, c’est-à-dire applicables à tous, d’où l’aspect moral, déontologique) ;
  • Que m’est-il permis d’espérer ? C’est le domaine de la religion, de l’espérance en un être transcendant.

La morale étant autonome, dépendant de l’individu, et non hétéronome, dépendant de quelque chose extérieur à l’individu (le Cosmos pour Aristote, Dieu ou les dieux, etc.), elle n’a pas besoin d’autre chose que d’elle-même.

La morale qui est fondée sur le concept de l’homme, en tant qu’être libre s’obligeant pour cela-même, par sa raison, à des lois inconditionnées, n’a besoin ni de l’Idée d’un Être différent, supérieur à lui pour qu’il connaisse son devoir, ni d’un autre mobile même pour qu’il l’observe. (…) Donc en ce qui la concerne (aussi objectivement quant au vouloir que subjectivement, quant au pouvoir), la morale n’a aucunement besoin de la religion, mais se suffit à elle-même, grâce à la raison pure pratique. Kant, La Religion dans les limites de la simple raison.

Ite missa est, la messe est dite, ou plutôt elle n’a besoin d’être dite pour que la morale soit fondée et mise en pratique. La morale ne s’exerce pas parce qu’elle est soumise à une fin : la vie éternelle, la richesse, la jeunesse, etc. La seule fin est le respect de la loi morale pour elle-même. C’est la forme du devoir moral – une loi universelle valable pour tous – qui prime sur le fond – pourquoi nous agissons de manière morale. Kant envisage ainsi plutôt les conséquences d’une conduite morale comme étant une fin envisageable. Mais en aucun cas cette fin ne précède le devoir moral : la religion ou la croyance en un être supérieur n’est pas à l’origine de la conduite morale, mais elle peut en émaner. Notre raison nous porte naturellement à recherche un pourquoi à nos actions, il en est de même pour la conduite morale.

De la morale cependant une fin se dégage ; car il est impossible que la raison soit indifférente à la réponse faite à cette question : que peut-il donc résulter de ce bien agir qui est le nôtre, et vers quoi pourrions-nous, même si cela ne dépendait pas entièrement de notre puissance, diriger notre activité, comme vers une fin, afin qu’il y ait tout au moins accord avec elle. Il ne s’agira certes que de l’Idée d’un objet qui comprend, réunis en lui, la condition formelle de toutes les fins telles que nous devons les avoir (le devoir) et en même temps tout le conditionné correspondant à toutes ces fins (le bonheur conforme à l’observation du devoir), c’est -à-dire l’Idée d’un Souverain Bien dans le monde, dont la possibilité nous oblige à admettre un Être suprême, moral, très saint, et tout puissant, pouvant seul unir les deux éléments qu’il comporte. (…) or, ce qui est l’essentiel, c’est que cette Idée se dégage de la morale et n’en est pas le fondement ; se proposer cette fin suppose déjà des principes moraux. Ibid.

La morale précède donc la religion. Si nous agissons moralement, c’est parce que nous sommes libres de le faire, de suivre librement notre volonté qui nous dicte des devoirs. Parce que nous sommes autonomes, notre conduite n’est pas soumise a priori par quelque chose d’extérieur. Mais nous ne sommes pas pour autant des êtres parfaits et moraux par nature, par essence.

Ni la religion ni l’État ne sont habilités à dicter leur conduite aux individus. Mais cela ne veut pas dire pour autant que la liberté morale fonde une indépendance radicale. L’autonomie n’est pas l’autocratie et Kant prend bien soin de distinguer la “vertu”, qui est humaine, et la “sainteté”, qui est l’apanage de Dieu. L’homme n’est pas un être spontanément moral puisque l’exigence d’universalité de la loi ne coïncide que rarement avec son intérêt égoïste. C’est pourquoi le devoir prend la figure d’une commandement auquel l’individu est tenté de se dérober. M. Foessel, Kant ou les vertus de l’autonomie.

L’individu ne dispose donc pas d’un pouvoir absolu sur tout, ce n’est pas un “autocrate”. La loi morale qu’il s’impose lui-même par sa propre volonté le dépasse, le transcende, lui qui n’est pas “spontanément moral”. Il obéit donc librement à quelque chose qui le dépasse et qui peut lui apporter le bonheur par l’observation du devoir moral, le respect du commandement qui s’impose à lui, comme à tous. Il abandonne ainsi la satisfaction de ses désirs personnels, égoïstes, au profit du “Souverain Bien” pour tous. Si nous reprenons la définition de la religion donnée par André Lalande dans son Vocabulaire technique et critique de la philosophie, nous retrouvons des caractéristiques communes avec ce que nous venons de décrire au sujet de la loi morale (voir la fiche n° 1 La Religion – De quoi parlons-nous ?). La religion est une “institution sociale” qui se caractérise par “l’existence d’une communautés d’individus” : l’individu obéit comme chacun à la loi morale qui est universelle, valable pour tous, unis devant cette loi morale. Des rites et des “formules” sont pratiqués par tous : les actions morales sont accomplies par tous, dans le sens du devoir moral. La communauté a pour objet de maintenir la croyance en une valeur absolue : c’est ici la législation universelle, qui prend la forme – la formule – de “l’impératif catégorique” (voir la fiche de lecture sur les Fondements de la métaphysique des moeurs). La dernière caractéristique est le “rapport de l’individu avec une puissance spirituelle supérieure à l’homme” : l’homme, cet être qui n’est pas “spontanément moral”, obéit librement au commandement de la loi morale. Nous retrouvons donc ici tous les caractères de la religion, communs avec ceux liés au devoir moral.

La morale conduit donc immanquablement à la religion. Kant, Ibid.

Nous pourrions ainsi conclure ce chapitre par un mix entre Jean-Paul et Emmanuel : l’existence de la morale précède l’essence de la religion. Retenons surtout que la religion est pour Kant un “besoin de la raison”, qui cherche toujours un sens à l’action. Mais, comme l’existence de Dieu est indémontrable pour Kant, nous devons émettre deux postulats liés à “l’espérance” kantienne :

Pour rendre le souverain bien possible, il faut en effet postuler l’existence de Dieu (comme créateur moral de l’univers) et l’immortalité de l’âme (garantissant la possibilité d’un progrès à l’infini vers le bien). M. Foessel, La Religion.

La morale précède la religion, mais, contrairement à la raison qui veut un “pourquoi”, elle n’a pas d’elle. La morale n’a pas besoin d’un mobile d’action, elle n’est que l’accomplissement de la volonté de l’individu libre et autonome. Mais bon, comme disait Pascal, autant parier sur le fait que Dieu existe, nous n’avons rien à y perdre, et la morale non plus. 

Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831)

Il y a pour Hegel trois moments de la culture, qui visent à atteindre la vérité absolue ou l’Esprit absolu, où nos consciences atteindraient la compréhension de la totalité de la réalité. Ces trois moments sont l’art, la religion et la philosophie. L’approche hégélienne est une approche historique, qui pense l’évolution de la conscience vers l’Esprit absolu comme une “marche graduelle”.

L’Esprit n’est pas un être naturel, comme l’animal qui est ce qu’il est immédiatement. L’Esprit se produit lui-même, il se fait lui-même ce qu’il est. Son être n’est pas existence en repos, mais activité pure : son être est d’avoir été produit par lui-même, d’être devenu pour lui-même, de s’être fait par soi-même. Pour exister vraiment il faut qu’il ait été produit par lui-même : son être est le processus absolu (…). Ce processus est aussi, essentiellement, un processus graduel, et l’histoire universelle est la manifestation du processus divin, de la marche graduelle par laquelle l’Esprit connaît et réalise sa vérité. Tout ce qui est historique est une étape de cette connaissance de soi. Le devoir suprême, l’essence de l’Esprit, est de se connaître soi-même et de se réaliser. Hegel, La Raison dans l’Histoire.

Notons ici la présence de deux notions déjà développées par d’autres philosophes; le “Connais-toi toi-même” de Socrate voit ici une application dans cette évolution de la conscience humaine, qui irait  jusqu’à atteindre sa propre essence dans cette “marche graduelle depuis l’art vers la philosophie, en passant par la religion. Nous retrouvons ici la notion de “persévérer dans son être” : la conscience, l’Esprit, “se fait lui même ce qu’il est”. C’est le Conatus de Spinoza, qui reviendra sous la forme du “Deviens ce que tu es”, de la “Volonté de puissance” de Nietzsche (voir les termes de “Conatus” et de “Volonté de puissance” dans le Carnet de Vocabulaire).

Cette “marche graduelle” vers l’Esprit absolu commence par l’art (voir cette notion dans la leçon de philosophie sur l‘Art). La vérité – que Hegel appelle aussi “l’Idée”, rejoignant ainsi Platon – se manifeste dans la création artistique, sous une forme particulière.

(…) par la façon dont elle se trouve agencée selon une mystérieuse harmonie, l’oeuvre constitue une “structuration sensible et imagée” de l’Idée. Reste que la vérité s’exprime encore ici dans une matière sensible, celle de la pierre, de la peinture ou même encore du son. A. Renaut, Leçons de la philosophie.

L’art donne un premier accès à la vérité. Mais si nous contemplons le Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci, ou si nous écoutons la Messe en Si mineur de Bach, nous n’aurons qu’une représentation partielle de cette vérité, puisqu’elle demeure encore dans le domaine du sensible. Avec l’art, nous ne percevons la vérité que par nos sens : c’est la perception de quelque chose qui est extérieur à nous. Avec la religion, nous avons accès au domaine de l’intelligible (merci encore à Platon), et à notre intériorité.

(…) l’art est tenu par Hegel pour une forme de représentation de la vérité inférieure à celle de la religion, où l’Idée ne s’exprimera plus dans un élément extérieur à la spiritualité, mais dans le sentiment du divin : avec la religion, la vérité qu’il s’agit de présenter (l’idée que le réel est entièrement intelligible) trouve, dans l’intériorité du sujet, une forme qui coïncide avec son contenu. A. Renaut, Op. cit.

Si nous faisons l’analogie avec l’allégorie de la Caverne de Platon (voir notamment l’article Philosophie et concept, selon Gilles Deleuze), le prisonnier qui croyait contempler la réalité avec les ombres projetées sur la paroi de sa geôle, découvre une première réalité en regardant la lumière – le feu – qui servait à projeter les ombres. Mais ce n’est qu’une fois extrait de la caverne et amené à la lumière naturelle du soleil, qu’il va découvrir en quoi consiste la véritable réalité. L’art serait ici la lumière du feu de la caverne qui donne un premier accès à la vérité, mais qui fait surtout quitter l’ignorance qui faisait croire que les ombres étaient le monde réel. La religion va apporter cette lumière naturelle, intérieure, qui “relie” la conscience “éclairée” à la vérité intelligible. Mais, comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, nous n’en sommes qu’au deuxième des trois moments de la culture selon Hegel. La religion ne suffit donc pas à atteindre l’Esprit absolu, l’Idée. En effet, la vérité religieuse reste dans un domaine abstrait et dans celui du sentiment : il faut “croire que le réel est rationnel” (Renaut). Il faudra la philosophie pour que la vérité absolue puisse se concrétiser sous sa forme la plus élaborée, celle de la raison.

Plutôt qu’à travers le sentiment religieux, l’Idée doit en fait être saisie dans ce que Hegel appelle “l’élément pur de la pensée”, pour que l’itinéraire de l’esprit achève son parcours et atteigne à la vérité la plus haute aussi bien dans son contenu que dans sa forme. En ce sens, c’est la philosophie spéculative qui accomplit ce que la religion avait atteint mieux que l’art, mais encore de façon imparfaite : s’accomplissant elle-même comme système du savoir, la philosophie parvient à manifester que “le réel est rationnel et le rationnel est réel” sans exprimer cette identité dans aucune autre forme que celle de la pensée pure. A. Renaut, Op. cit.

L’art a donné sa forme sensible à la vérité, la religion lui a fait prendre la forme du sentiment du “réel rationnel”. La philosophie accomplit la concrétisation de la vérité absolue, de l’Idée en tant que compréhension du monde gouverné par la raison. Pour appréhender pleinement la totalité du réel, il faut dépasser l’art et sa forme, la religion et son contenu abstrait, pour parvenir avec la philosophie à cette vérité : “le réel est rationnel et le rationnel est réel”. Le processus est complet, la “marche graduelle” semble être arrivée à son terme. Hegel se questionnera malgré tout sur un aspect qui peut amener un doute sur une progression aussi linéaire.

(…) dans ces travaux [ l’ouvrage L’Esprit du christianisme et son destin], le jeune Hegel (qui a alors à peine plus de vingt-cinq ans) abordait en fait la religion moins sous l’angle de ses rapports avec la raison que d’un point de vue politique : quelle peut être, se demandait-il, la “religion d’un peuple libre” ? Question superbe qui s’imposait tout particulièrement dans un contexte, celui de la Révolution française, qui faisait venir au premier plan, de fait, la façon dont un peuple, à travers l’adoption de ce que nous appelons aujourd’hui les principes démocratiques, s’affirmait comme souverain et prenait en charge l’élaboration de son avenir. A. Renaut, Op. cit.

Nous pourrions alors nous interroger sur plusieurs aspects lié à ce point de vue différent : la religion est-elle un passage obligé dans les moments de la culture, dans l’accès à la vérité par la raison pure ? Que devient la religion une fois accompli l’avènement de la philosophie comme seule à nous permettre de comprendre la totalité du réel au-delà du sentiment religieux ? Religion et démocratie sont-elles compatibles ? Vous avez – au moins – quatre heures…

En bref/L’essentiel

Leibniz

  • Leibniz conçoit l’Univers comme constitué de “monades”, sorte d’atomes métaphysiques, qui vont du plus simple au plus complexe, jusqu’à la monade suprême qui est Dieu ;
  • Dieu a choisi le meilleur des mondes entre une infinité de mondes possibles ;
  • Le mal est nécessaire parce qu’il fait advenir un bien qui lui est supérieur (par ex. un traitement lourd mais qui conduit à une guérison).  

Kant

  • Les trois questions qui concerne l’existence humaine sont : que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ? Elles concernent respectivement les domaines de la connaissance rationnelle, de la morale, de la religion ;
  • Nous agissons moralement parce que nous libres de le faire, par notre volonté, nous sommes autonomes ;
  • La morale, parce qu’elle vise une législation universelle, pour tous et notamment pour la communauté, conduit immanquablement à la religion, parce que la raison a besoin d’un “pourquoi” être moral.

Hegel

  • Les trois moments de la culture sont l’art, la religion et la philosophie ;
  • Ils conduisent dans une marche graduelle à un savoir pur, à la connaissance rationnelle et à la vérité absolue de la totalité qui nous entoure et dont nous faisons partie ;
  • Cette vérité absolue peut se formuler ainsi : “Le réel est rationnel est le rationnel est réel”

Thème et notions connexes

Thème Notions connexes Fiches “La Religion”
La Culture Le Langage

L’Art

Le Travail et la Technique

La Religion

L’Histoire

1. La Religion De quoi parlons-nous ?

2. Des Religions et des hommes

a. De l’étymologie de Cicéron au pari de Pascal

b. Du meilleur des mondes de Leibniz au réel rationnel de Hegel

c. De l’opium de Marx à la névrose obsessionnelle de Freud

3. La Religion – Dieu est-il l’anxiolytique originel ?

4. La Religion – Bibliographie

Voir aussi

Les différents articles du site.

Les Fiches de lecture.

Le Carnet de Vocabulaire Philosophique.

Les Citations.

La Grande Bibliothèque Virtuelle de la Philosophie.

Dsirmtcom, septembre 2019.