NC – Les Cyniques grecs

Notes contemplatives de lecture – Note contemplative n° 53

Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.

Notes de lecture

Antisthène

Quelqu’un lui disait : “Beaucoup de gens font ton éloge” – “Qu’ai-je donc fait de mal ?” reprit-il. p. 46.

Le sage se suffit à lui-même, puisqu’il possède en lui tout ce qui appartient aux autres. L’obscurité du nom est un bien tout autant que l’effort. p. 49.

Antisthène donnait ses leçons dans le gymnase de Cynosarges, à peu de distance des portes de la ville. D’où l’appellation de Cynique que l’on donna à son école. Lui-même était surnommé le Vrai Chien. Au dire de Dioclès, il fut le premier à faire doubler son manteau, le seul vêtement d’ailleurs qu’il portait : il prit en outre le bâton et la besace. p. 50.

Une autre fois encore Diogène vint le voir muni d’un poignard ; Antisthène s’écria : “Qui donc me délivrera de ces tourments ?” – Ceci”, reprit Diogène lui montrant son poignard. Et Antisthène : “J’ai dit de mes tourments, non de ma vie.” p. 51.

[Tu] ne saurais être un homme accompli aussi longtemps que tu n’auras pas appris ce qui dépasse l’homme, et quand tu l’auras appris, tu connaîtras du même coup ce qu’est l’humain. Quand au contraire tu ne t’instruis que du terrestre, tu t’égares comme les bêtes sauvages. p. 53.

Les gens sensés, disait Antisthène, ne devraient pas apprendre à lire, de peur d’être corrompus par les autres. p. 54.

C’est le propre de l’ignorance de beaucoup parler, et, pour celui qui agit ainsi, de ne pas savoir mettre un frein à son bavardage. p. 55.

La richesse sans vertu n’est pas plus agréable qu’un repas sans conversation. p. 55.

Pour les chiens [les Cyniques], disait Antisthène, toutes les souffrances se ressemblent : car elles ne mordent que les gens qui n’en ont pas l’habitude. p. 55.

Il est esclave sans le savoir, celui qui craint les autres. p. 60.

Diogène

Diogène vit un jour une souris qui courait çà et là, sans chercher de lieu de repos, sans prendre de précautions contre l’obscurité, et ne désirant rien de ce qu’on qualifie de jouissances : il y découvrit aussitôt […] la façon de s’adapter aux circonstances. p. 72-73.

Certains lui disaient : “Tu es âgé : dorénavant, prends un peu de repos.” – “Eh quoi ! fit-il, si je courais le long stade, devrais-je me relâcher près de la ligne d’arrivée ? Ne devrais-je pas plutôt accélérer ?” p. 78.

Voyant un petit garçon boire dans ses mains, il jeta son gobelet hors de sa besace en s’écriant : “Un gamin m’a dépassé en frugalité !” Il se débarrassa aussi de son écuelle quand il vit pareillement un enfant qui avait cassé son plat prendre ses lentilles dans le creux d’un morceau de pain. p. 79.

Il faisait encore le raisonnement suivant : Tout appartient aux dieux ; les sages sont les amis des dieux, et les amis partagent tout en commun ; toutes choses, donc, appartiennent aux sages. p. 79.

Il prenait le soleil au Cranéion ; survint Alexandre qui lui dit, se tenant devant lui : “Demande-moi ce que tu veux”. – “Arrête de me faire de l’ombre !” répliqua Diogène. p. 80.

Platon avait défini l’homme “un animal bipède, et sans plumes”, et on l’applaudissait ; Diogène pluma alors un coq et l’apporta à la salle de cours en s’écriant : “Voici l’homme de Platon !” On ajouta donc à la définition, “muni de larges ergots”. p. 81.

Quelqu’un lui demandait à quelle heure il fallait dîner, il répondit : “Si tu es riche, quand tu veux ; si tu es pauvre, quand tu peux !” p. 81.

En plein jour, lampe allumée en main, il se promenait çà et là en disant : “Je cherche un homme.” p. 81.

Les succès et la bonne fortune des gens malhonnêtes, disait Diogène, réduisent à l’absurde toute la puissance et la force des dieux. p. 82.

On s’interrogea sur la portée de son geste quand il en vint à demander l’aumône à une statue : “Je m’habitue au refus !” expliqua-t-il. p. 86.

Quelqu’un fit cette question à Platon : “Quelle sorte d’homme te semble être Diogène ?” – “Socrate devenu fou”, répondit-il. p. 88.

Il demandait une fois l’aumône à un avare, et ce dernier le faisait patienter : “Mon ami, lui dit-il, je quête ma nourriture et non pas mes frais de sépulture !” p. 89.

Contrairement à tout le monde, il entrait au théâtre par le côté d’où l’on sort, ce dont on lui demandait la raison : “C’est, dit-il, ce que je me suis efforcé de faire toute ma vie.” p. 94.

“Qu’est-ce qui vieillit le plus vite chez les humains ?” lui demandait-on encore. – “La bienveillance”, répondit-il. p. 95.

La culture, disait-il, c’est la sagesse des jeunes, la consolation des vieux, la richesse des pauvres, l’ornement des riches. p. 96.

“Quelle est, demandait-on, la plus belle chose au monde ?” – “La liberté de langage” répondit-il. p. 96.

On demandait à Diogène quelle est durant la vie la valeur la plus éminente : “L’espérance”, répondit-il. p. 96.

À quelqu’un qui lui demandait comment on pouvait devenir maître de soi, Diogène répondit : “En se reprochant fortement à soi-même ce que l’on reproche aux autres.” p. 107.

Diogène se moquait des gens qui scellent leurs trésors avec des verrous, des clés et des cachets, mais ouvrent toutes les portes et fenêtres de leur corps, la bouche, le sexe, les oreilles et les yeux. p. 107.

“Qu’est-ce qu’un ami ?” demandait-on à Diogène. – “Une seule âme reposant en deux corps.” p. 108.

“Comment peut-on se venger d’un ennemi ?” demandait-on à Diogène. Il répondit : “En faisant de lui un honnête homme.” p. 108-109.

Un chauve l’injuriait : “Je ne vais pas être insolent avec toi, reprit Diogène, mais je félicite tes cheveux d’avoir abandonné une sale tête !” p. 110.

Diogène affirmait que Socrate lui-même menait une vie de mollesse : il s’enfermait en effet dans une bonne maisonnette, un petit lit et des pantoufles élégantes qu’il portait de temps à autre. p. 110.

On lui demandait ce que la terre portrait de plus lourd : “Les gens sans éducation”, répondit-il. p. 112.

On lui demandait qui est riche parmi les hommes : “Celui qui se suffit à lui-même”, reprit-il. p. 113.

Voyant une vieille femme en train de se faire une beauté, il lui dit : “Tu te trompes, si tu fais cela pour les vivants, et si tu le fais pour les morts, fais vite !” p. 114.

À quelqu’un qui lui demandait comment devenir célèbre, Diogène répondit : “Occupe-toi le moins possible de ta renommée.” p. 114.

Comme un berger, l’orgueil mène les foules à son gré. p. 115.

La deuxième génération

On avait accusé le philosophe Bion d’être de basse naissance. Le roi Antigone lui demanda alors : “Qui es-tu, de quel peuple es-tu ? quelle est ta ville et qui sont tes parents ?” Bion reprit : “Sire, quand vous avez besoin d’archers, vous avez bien raison de ne pas enquêter sur leur origine, mais vous leur assignez une cible et vous choisissez les meilleurs tireurs ; faites-en autant pour vos amis ; n’examinez pas d’où ils viennent, mais qui ils sont.” p. 153.

Deux choses peuvent nous renseigner sur la mort, disait Bion, le temps avant notre naissance et le sommeil. p. 156.

Télès, témoin de l’ancien cynisme

Tout comme un bon acteur doit brillamment défendre le personnage que le dramaturge lui a attribué, ainsi l’homme de bien doit défendre celui que lui a confié le destin. p. 172.

Il ne s’agit donc pas d’essayer de transformer les choses, mais il faut plutôt te disposer toi-même à savoir comment les prendre. Tout comme font les navigateurs : ils ne cherchent pas à changer les vents et la mer, mais ils se mettent en mesure d’en suivre les courants. p. 175.

[Comme] disait Aristippe, de quelque endroit que l’on vienne, le chemin menant aux Enfers n’est-il pas exactement le même ? p. 182.

Le riche demeure toujours lui-même ; il n’est donc jamais satisfait ni content de rien, mais possédé de désirs, il fait main basse sur ceci et encore cela. p. 186.

Si l’on devait définir la vie heureuse, disait Cratès, d’après l’abondance des plaisirs, personne ne serait jamais heureux, car si l’on veut bien examiner chacune des époques de l’ensemble d’une vie, on découvrira que la quantité des souffrances l’emporte de beaucoup. p. 189.

À ce qui semble être malheureux, sache opposer, en la mettant sur le même pied, une bonne manière de voir les choses : “Mon ami est mort – mais oui, en effet, il a existé.” p. 194.

Favorinus

Si telle est la patrie, l’habitat coutumier des ancêtres, pourquoi donc ne faut-il pas chérir, selon le même raisonnement, le sol où nous séjournons maintenant ? Pour chacun, en effet, la terre qu’il habite lui est beaucoup plus proche que le pays habité par ses ancêtres. La même raison jouera pour mes descendants éventuels : il sera même plus juste qu’ils fassent leur le lieu forcé de mon séjour, puisque cette terre a bien accueilli l’exilé que je suis. p. 264.

Étant tombé sur un trésor, un Béotien âgé de 70 ans leva la jambe, lâcha un vent et passa outre comme si la chose n’avait aucun intérêt pour lui ; c’est à ce point en effet que la vieillesse met un frein à l’avarice et à la passion des affaires. p. 267.

Ne te glorifie jamais toi-même, mais ne te méprise pas non plus. p. 268.

[Renonce] à la tyrannie. Car l’homme qui compte sur mille, que dis-je ? sur cinq mille fantassins est forcément dans un besoin extrême : je suis lié en effet à ce que je possède, mais si je me débarrasse de ce que je possède, je me contente de ce que j’ai. p. 269.

[Être] triste, c’est s’affliger de ses propres maux. p. 269.

Démétrius le Cynique

Il est plus profitable de connaître un petit nombre de sages préceptes à sa portée et à son usage, que d’en apprendre beaucoup qu’on n’a pas sous la main. p. 270.

Une vie facile que n’ébranlent pas les coups du destin est une mer morte. p. 272.

Démonax

[Seul] est libre celui qui n’a rien à espérer ni rien à craindre. p. 276.

Quelqu’un d’autre lui demandait un jour s’il croyait à l’immortalité de l’âme : “Elle est immortelle, dit-il, mais comme tout le reste.” p. 277.

À un orateur qui ne déclamait que de bien piètres choses, [Démonax] conseillait de s’exercer et de se rompre à cet art.  « Mais je me parle tous les jours à moi-même », dit l’autre.- “Il est bien naturel alors, reprit Démonax, que tu parles si mal, puisque tu t’en rapportes à un auditeur stupide !” p. 278.

Tu ajouteras autant à ta vertu que tu couperas sur tes plaisirs. p. 281.

Sers-toi plus de tes oreilles que de ta langue. p. 282.

Il faut orner les villes de monuments et les âmes de connaissances. p. 282.

Bibliographie

PAQUET L., Les Cyniques grecs – Fragments et témoignages, Le Livre de Poche, 1992.

Voir aussi

Doctrines et vies des philosophes illustres : Diogène.


Dsirmtcom, avril 2023.

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