NC – Pedro Calderón, La vie est un songe

Calderón, La vie est un songe

Qu’est-ce que la vie ? Un délire. Qu’est-ce que la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction ; et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes sont des songes.

NC – Juan Domínguez Berrueta, La Chanson de l’Ombre

Berrueta, La Chanson de l'Ombre

Donne-moi, lecteur, de la simplicité, donne-moi de la poésie. Et quand tu m’auras ainsi renouvelé… reçois alors ma confession et écoute ma voix qui exhale la chanson de l’ombre.

NC – Nietzsche, Humain, trop humain I

Nietzsche, Humain, trop humain

L’avantage de la mauvaise mémoire est qu'on jouit plusieurs fois des mêmes choses pour la première fois.

NC – María Zambrano, Les Clairières du bois

Maria Zambrano, Les Clairières du bois

De tout temps l’être a été caché ; c’est pourquoi l’homme s’est interrogé et a interrogé à son propos. En aurait-il été ainsi, si l’être humain n'avait senti, au fond de lui-même, son être caché ?

NC – Nietzsche, Seconde Considération intempestive

Nietzsche Seconde Considération intempestive

Contemple le troupeau qui passe devant toi en broutant. Il ne sait pas ce qu’était hier ni ce qu’est aujourd’hui : il court de-ci de-là, mange, se repose et se remet à courir, jour pour jour, quel que soit son plaisir ou son déplaisir. Attaché au piquet du moment il n’en témoigne ni mélancolie ni ennui. L’homme s’attriste de voir pareille chose, parce qu’il se rengorge devant la bête et qu’il est pourtant jaloux du bonheur de celle-ci.

NC – Nietzsche, Le Livre du philosophe

Nietzsche, Le Livre du philosophe

Le dernier philosophe, c’est ainsi que je me nomme, car je suis le dernier homme. Personne ne me parle que moi seul et ma voix me parvient comme celle d’un mourant !

NC – Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne

Bernanos, Journal d'un curé de campagne

C’est une des plus incompréhensibles disgrâces de l’homme, qu’il doive confier ce qu’il a de plus précieux à quelque chose d’aussi instable, d’aussi plastique, hélas ! que le mot. Il faudrait beaucoup de courage pour vérifier chaque fois l’instrument, l’adapter à sa propre serrure. On aime mieux prendre le premier qui tombe sous la main, forcer un peu, et, si le pêne joue, on n’en demande pas plus.

NC – Miguel de Unamuno, La vie de Don Quichotte et de Sancho Pança

Unamuno, Don Quichotte

Le héros est toujours au fond un enfant, son cœur est toujours puéril : le héros n’est qu’un enfant qui a grandi. Ton Don Quichotte ne fut jamais qu’un enfant, un enfant tout au long des douze longues années où il n’osa vaincre la timidité qui l’emprisonnait, un enfant en se plongeant dans les livres de chevalerie, un enfant en se lançant dans les aventures. Et que Dieu nous garde toujours enfants, ami Sancho !

NC – Miguel de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

Il y a quelque chose que, à défaut d’autre nom, nous appellerons le sentiment tragique de la vie, qui entraîne derrière soi toute une conception de la vie même et de l’univers, toute une philosophie plus ou moins formulée, plus ou moins consciente. Ce sentiment, non seulement peuvent l’avoir et l’ont en fait des hommes individuels, mais des peuples entiers.

NC – Miguel de Unamuno, Traité de cocotologie

Unamuno, Traité de cocotologie

D’aucuns furent élevés à la campagne, la parcourant, respirant dans l’air les arômes de jardin et écoutant chanter les oiseaux en chair et en os ; moi je fus élevé dans les rues et y usais mes bottes, incarnant mes idées dans des cocottes en papier et leur prêtant vie.

NC – Berkeley, Principes de la connaissance humaine

Berkeley, Principes de la connaissance humaine

Il nous suffit de tirer le rideau des mots pour contempler le plus bel arbre de la connaissance, dont le fruit est excellent et à la portée de notre main.

José Lezama Lima, Confluencias [Confluences]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

J'ai vu la nuit comme si quelque chose était tombé sur la terre, une descente. Sa lenteur m'empêchait de la comparer à quelque chose qui descendait un escalier, par exemple. Une marée sur une autre marée, et ainsi sans cesse, jusqu'à ce qu'elle se mette à la portée de mes pieds. La tombée de la nuit s’unissait à l’unique étendue de la mer.

NC – Pascal Quignard, Les désarçonnés

Quignard, Les désarçonnés

Toute sa vie on cherche le lieu d’origine, le lieu d’avant le monde, c’est-à-dire le lieu où le moi peut être absent et où le corps s’oublie.

José Lezama Lima, Cortázar y el comienzo de la otra novela [Cortázar et le commencement de l’autre roman]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

Cortázar nous fait percevoir comment deux personnages, sans se connaître, peuvent être le contrepoint d’un roman. Puis ils se rencontrent et refusent de faire partie du roman. Ce qui est antérieur à leur rencontre, ce que nous ignorons toujours, forme la démonstration des vrais romans.

NC – Pascal Quignard, Sur le jadis

Quignard, Sur le jadis

Dans la vie aussi les visages aimés s’usent comme les coudes des chandails.

José Lezama Lima, Saint-John Perse : historiador de las lluvias [Saint-John Perse : historien des pluies]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

La pluie, dans le poème de Saint-John Perse, pour le considérer rapidement dans ses domaines, étoile de mer, méduse dans l’ouïe, accordéon liquide, poème, la pluie est comme la preuve qui accompagne les royaumes. Il semble que chaque type d’aimantation ait non seulement la reconnaissance des pluies, mais aussi qu’elles seraient comme sur le point d'engendrer une descendance titanesque. La pluie est comme une peau, une substance pour provoquer une évaporation, un ambre à la rotation enivrante.

NC – Pascal Quignard, Les Ombres errantes

Quignard, Les Ombres errantes

Les arbres qui ne peuvent pas être utilisés par les porteurs de lance, par les fabricants de palissade, par les fabricants de chariots, par les luthiers, par les fabricants de barques, connaissent l’utilité exubérante des choses inutiles.

José Lezama Lima, Las eras imaginarias : la biblioteca como dragón [Les ères imaginaires : la bibliothèque comme dragon] – Seconde partie

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

Ainsi, chaque bibliothèque est la demeure du dragon invisible, elle s’appuie sur la tortue à la carapace lisible. Avec la fragilité du bambou, père du papier, on trace la ligne étendue et la ligne brisée, conjuguant le masculin et le féminin. L'empereur, au centre de la maison du calendrier, est l'égal du lecteur silencieux du Livre des Mutations, le livre des livres de la culture chinoise, où le changement est figé et soufflé dans l'inerte. Et quand il meurt, le Livre conseille de placer dans sa bouche une coquille, qui le transformera en hirondelle.

NC – Hume, Enquête sur l’entendement humain

Hume, Enquête sur l'entendement humain

L’obscurité est certes pénible à l’esprit aussi bien qu’aux yeux ; mais tirer la lumière de l’obscurité, au prix de quelque effort que ce soit, ce doit être nécessairement un ravissement et une joie.

José Lezama Lima, Las eras imaginarias : la biblioteca como dragón [Les ères imaginaires : la bibliothèque comme dragon] – Première partie

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

De cette manière le taoïsme chinois avait réalisé avec une simple feuille dorée une immense composition. Il avait réalisé un grand exploit dans la coutume, dans le pavillon où il dit au revoir à la nuit et inaugure le jour. Il réussit ainsi à ce que le tronc ne soit pas greffé dans la terre, mais dans l'eau, esprit des mutations.

NC – Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes – Apparences, Isosthénie, Indifférence, Épochè, Ataraxie, Vérité

Le scepticisme est la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu’il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arrivons d’abord à la suspension de l’assentiment, et après cela à la tranquillité.

José Lezama Lima, Las eras imaginarias : los egipcios [Les ères imaginaires : les Égyptiens]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

Il fut donc fatal que l'Égyptien ait eu une idée si proche de la mort, là où la mort dans l'étendue terrestre était à ses côtés, se rendait à lui ou l’assaillait. Pour l’Égyptien préhistorique, la mort n’était pas l’autre vie, mais l’autre terre, qui n'était même pas une zone fixe et invariable, face à laquelle il n'y avait pas de place pour des formes défensives répétées, mais plutôt une zone qui oscillait au gré des caprices des inondations. La vie ne parvenait juste qu'à être une forme de pénétration dans le désert, du triomphe de la terre noire sur la terre rouge, du limon, qui n'est pas encore terre, pénétrant dans le sable, le squelette de la terre aspirée par le soleil.

NC – Ernesto De Martino, Morts et pleurs rituels

Ernesto de Martino, Mort et pleurs rituels

En substance, la lamentation passe du planctus incontrôlé au planctus ritualisé. Cette ritualisation rend possible la mise en œuvre d’un discours protégé.

José Lezama Lima, Introducción a los vasos órficos [Introduction aux vases orphiques]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

De la plage, surgissant des rochers, commencent à jaillir des chevaux volants, comme une épée arrachant aux rochers des toiles magiques. Un air de flûte commence à dérouler une chansonnette recueillie par Orphée, tandis que s'éloignent les porteurs de thyrse. La chanson d'Orphée, la flûte panide et les coqs éleusiniens détruisent le sombre manteau de l'ennemi de Psyché. Le chœur répond : savoir son non-savoir est le nouveau savoir...

NC – Heinrich von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes

Kleist, Sur le théâtre de marionnettes

Ce n’est pas nous qui savons, c’est avant tout un certain état de nous qui sait.

José Lezama Lima, La imagen histórica [L’image historique]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

Ô mon âme, tente juste l'impossible, dirons-nous en agrandissant le revers de la phrase de Pindare, et conduis la Poésie à la résurrection, puisque la connaissance possible s’est convertie en Ouroboros et danse comme le serpent devant la flûte du Malin.

NC – Giorgio Agamben, Pinocchio

Agamben, Pinocchio

Si “dans la vie des pantins, il y a toujours un “mais””, c’est parce que [...] l’obéissance et la sagesse de Pinocchio sont incompatibles avec son histoire et ses aventures. Quand il fait le bien, Pinocchio ne vit pas, il n’a pas d’histoire, il ne lui arrive rien. Concevoir un “mais” et y adhérer sans réserve est pour lui une question de vie ou de mort.

José Lezama Lima, A partir de la poesía [À partir de la poésie]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

Ange de la Jiribilla, prie pour nous. Et souris. Fais que cela arrive. Montre une de tes ailes, lis : Réalise-toi, accomplis-toi, sois antérieur à la mort. Veille sur les cendres qui reviennent. Sois le gardien du potens étrusque, de la possibilité infinie. Répète : L’impossible en agissant sur le possible engendre un possible dans l’infini. Et l’image a créé une causalité, c’est l’aube de l’ère poétique parmi nous. À présent nous pouvons pénétrer, ange de la Jiribilla, dans la sentence des Évangiles : “Nous portons un trésor dans un vase d’argile.”

José Lezama Lima, Preludio a las eras imaginarias [Prélude aux ères imaginaires]

José Lezama Lima, Las Eras Imaginarias

Le poème est le témoignage ou l'image de cet être causal pour la résurrection, vérifiable quand le potens de la poésie, la possibilité de sa création dans l'infini, agit sur le continu des ères imaginaires. La poésie se fait visible, hypostasiée , dans les ères imaginaires, où elle se vit en image, par anticipation dans le miroir, comme la substance de la résurrection.

NC – Lewis Carroll, Alice au Pays des merveilles

Lewis Carroll, Alice au Pays des merveilles

“À quoi bon un livre sans images ni dialogues ?” pensait Alice.