NC – Boèce, La Consolation de Philosophie

Notes contemplatives de lecture – Note contemplative n° 58

Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.

Notes de lecture

Qui tombe n’avait pas une démarche ferme. I, 1, p. 41.

Pourtant il serait sacrilège que Philosophie laisse sans compagnie l’innocent sur son chemin. […] Est-ce que chez les Anciens aussi, avant le temps de notre cher Platon, je n’ai pas souvent mené un grand combat contre la sottise aveugle et, de son vivant, son maître Socrate n’a-t-il pas reporté avec mon aide la victoire sur une mort injuste ? I, 3, p. 51.

Si Dieu existe vraiment, d’où vient le mal ? mais d’où vient le bien s’il n’existe pas ? I, 4, p. 61.

[Ce] n’est pas tant l’aspect de ce lieu que ton apparence qui m’émeut et plutôt que les murs ornés d’ivoire et de verre de ta bibliothèque, je regrette le séjour de ton esprit où j’ai mis non des livres, mais ce qui fait le prix des livres : les pensées de mes livres d’autrefois. I, 5, p. 71.

Un dieu marque les saisons et les adapte chacune à ses devoirs, et l’alternance qu’il a lui-même délimitée, il ne souffre pas qu’on la trouble. Ainsi ce qui, dans la précipitation, manque à l’ordre établi n’a point d’issue favorable. I, 6, p. 73.

Toi aussi, si tu veux, dans sa clarté lumineuse, discerner le vrai, du droit chemin suis la voie ; les joies, chasse-les, chasse la crainte, fais fuir l’espérance et éloigne la douleur. L’esprit est nébuleux et bridé par leur frein quand elles règnent sur lui. I, 7, p. 79.

Si tu livrais tes voiles aux vents, tu serais entraîné non où tes vœux te portent, mais où les souffles te poussent ; si tu confiais tes semences aux champs, tu compenserais entre elles les années fertiles et stériles. Tu t’es donné à la fortune pour qu’elle te dirige : il faut te conformer au caractère de ta maîtresse. Or toi, tu tentes d’arrêter l’élan de la roue qui tourne ? mais, mortels des plus stupides, si elle en vient à s’arrêter, elle cesse d’être la fortune. II, 1 ? p. 85.

Telle est ma puissance, tel est le jeu auquel je joue continuellement : je fais tourner ma roue volage, je m’amuse à faire passer l’infime au sublime et le sublime à l’infime. II, 2, p. 87.

Jamais il ne vit riche celui qui, dans l’agitation et les gémissements, se croit pauvre. II, 2, p. 89.

Si rare est une beauté constante en ce monde, si tant elle varie dans les vicissitudes, fie-toi aux fortunes éphémères des hommes, fie-toi aux biens fugaces ! Il est établi et fixé par une loi éternelle que rien d’engendré n’est stable. II, 3, p. 95.

Qui […] a un bonheur si bien réglé qu’il ne conteste pas en partie sa situation ? En effet, la condition du bonheur des hommes est source d’inquiétude : il ne vient jamais entièrement ou bien ne se maintient jamais continuellement. II, 4, p. 97-99.

[Il] n’y a de malheur que quand on le juge ainsi, et [au] contraire, tout sort est heureux pour qui le supporte avec égalité d’âme. II, 4, p. 99.

Pourquoi donc, mortels, cherchez-vous au-dehors le bonheur qui se trouve au-dedans de vous ? l’égarement et l’ignorance vous confondent. II, 4, p. 99-101.

Fuis le sort périlleux d’un séjour agréable et souviens-toi de fixer ta demeure sur une roche humble et rassurante. p. 103.

[Tes biens] ne sont pas précieux parce qu’ils sont entrés au nombre de tes richesses, mais c’est parce qu’ils semblaient précieux que tu as préféré les ajouter à tes richesses. II, 5, p. 107.

L’ordre des choses est-il à ce point renversé qu’un être animé, divin grâce à sa raison, s’imagine ne pas briller autrement que par la possession d’un mobilier inanimé ? II, 5, p. 107-109.

[S’il] est établi que tout bien est plus précieux que celui qui le possède, quand vous jugez que les choses les plus viles sont vos biens, vous vous placez par votre propre estimation en dessous de ces mêmes choses. II, 5, p. 109.

[Il] est de la nature de tous les autres êtres animés de s’ignorer, mais pour l’homme, cela devient un défaut. II, 5, p. 109.

Ô brillant bonheur des richesses mortelles, comme on cesse d’être en sécurité dès que l’on vous a acquises ! II, 5, p. 109.

Trop heureux, l’âge ancien se contentait de ses fidèles labours, ne se perdait point en un luxe oisif et, d’ordinaire, apaisait sur le tard sa faim d’un gland qui abondait. II, 5, p. 111.

[La] considération va non pas aux mérites qui viennent d’une dignité, mais aux dignités qui viennent du mérite. II, 6, p. 113.

[Quand] on confère une dignité aux malhonnêtes gens, non seulement elle ne les rend pas dignes, mais révèle plutôt et montre clairement leur indignité. II, 6, p. 117.

Et si vous pensez prolonger votre vie par le souffle qu’est un nom mortel, quand un jour tardif vous le ravira aussi, c’est une seconde mort qui vous attend. II, 7, p. 125.

[La] fortune est plus utile aux hommes contraire que favorable, car sous l’apparence du bonheur, quand elle paraît enjôleuse, la fortune favorable est toujours mensongère, alors que la fortune contraire est toujours sincère quand elle se montre instable dans le changement. L’une trompe, l’autre instruit […]. II, 8, p. 127.

Toute chose recherche ses origines et chacune se réjouit d’y revenir, et nul ordre transmis ne se maintient s’il ne joint l’origine à la fin et ne forme un cercle stable. III, 2, p. 141.

Même si le riche, emporté dans un tourbillon d’or, amasse avidement des richesses qui jamais ne le combleront, […] Jamais ne le quitte le souci mordant tant qu’il vit, et, une fois défunt, les richesses, volages, ne l’accompagnent point. III, 3, p. 145.

J’ignore ce qu’a d’agréable leur excitation, mais l’issue des plaisirs [du corps] est triste : quiconque voudra se souvenir de ses passions le comprendra. III, 7, p. 157.

Tel est tout plaisir : il excite de son aiguillon qui en jouit et, égal au vol des abeilles, là où il a répandu son doux miel, il fuit et frappe les cœurs de ses piqûres implacables. III, 7, p. 157.

Considérez l’étendue du ciel, sa permanence, sa vitesse, et cessez une bonne fois d’admirer des choses viles. Or ce qui est admirable dans le ciel n’est pas tant ses qualités que la raison qui le régit. Quant à l’éclat de la beauté, comme il est rapide, comme il est passager et plus fugace que les fleurs éphémères du printemps ! III, 8, p. 159.

Mais où se cache le bien que l’on désire, aveugle, on accepte de l’ignorer, et ce qui est au-delà du ciel stellaire, on le cherche enfoncé dans la terre. III, 8, p. 161.

[Ce] qui est par nature simple et indivisible, l’erreur humaine le sépare et transforme le vrai et le parfait en faux et en imparfait. […] Par conséquent, se suffire à soi-même et le pouvoir sont une seule et même nature. III, 9, p. 163.

[Le] bonheur véritable et parfait est celui qui permet de se suffire à soi-même et qui rend parfaitement puissant, respectable, célèbre et joyeux. III, 9, p. 167.

[Si], en n’importe quel genre, il semble exister quelque chose d’imparfait, il existe nécessairement en lui aussi quelque chose de parfait ; en effet, si on supprime la perfection, on ne peut même pas se représenter d’où ce qui est tenu pour imparfait existe. III, 10, p. 173.

Tout homme heureux est donc un dieu, mais si, par nature, il n’y a bien sûr qu’un seul Dieu, par participation, rien n’empêche qu’il y en ait le plus possible. III, 10, p. 177.

[Chaque] chose subsiste tant qu’elle est une, mais [quand] elle cesse d’être une, elle périt. III, 11, p. 187.

[La] nature donne à chacun ce qui lui convient et s’efforce qu’il ne périsse pas tant qu’il peut se maintenir. III, 11, p. 187.

[La] fin de toutes choses est le bien. III, 11, p. 191.

[Quand] on apprend, c’est d’une chose oubliée qu’on se souvient. III, 11, p. 193.

Il y a deux choses qui permettent d’évidence d’accomplir toute action humaine, la volonté, cela va de soi, et le pouvoir : si l’une ou l’autre manque, il n’y a rien que l’on puisse réaliser. IV, 2, p. 213.

[Être], c’est garder son ordre et conserver sa nature, mais ce qui s’en sépare cesse aussi d’être, ce qui dépend de sa propre nature. IV, 2, p. 219.

[Tout] ce qui se sépare du bien cesse d’être. IV, 3, p. 225.

[Ceux] qui commettent l’injustice sont plus malheureux que ceux qui la subissent. IV, 4, p. 239.

Il n’y a pas de raison qui justifie la sauvagerie. Veux-tu payer en retour à autrui ce qu’il mérite ? Aime les bons et prends en pitié les méchants, tu agiras à bon droit. IV, 4, p. 241.

[Il] ne pourrait y avoir aucune nature rationnelle qui n’ait aussi son libre arbitre. Car tout ce qui peut de par sa nature user de raison possède un jugement qui lui permet de discerner chaque chose et distingue donc par lui-même ce qu’il faut fuir ou souhaiter ; or, ce que l’on juge qu’il faut souhaiter, on le cherche, alors que l’on évite ce que l’on estime qu’il faut fuir. C’est pourquoi ceux-là mêmes qui ont en eux la raison ont aussi en eux la liberté de vouloir et de ne pas vouloir […]. V, 2, p. 279.

[Les] choses qui, pendant qu’elles se produisent, sont dépourvues de la nécessité d’exister, avant qu’elles ne se produisent, sont un futur sans nécessité. V, 4, p. 295.

Détournez-vous donc des vices, cultivez les vertus, élevez votre âme à de droites espérances, étendez jusqu’aux hauteurs du ciel vos humbles prières. Elle est grande, si vous ne voulez pas vous la dissimuler, la nécessité qui vous impose l’honnêteté quand vous agissez sous les yeux d’un juge qui distingue toutes choses. V, 6, p. 317.

Bibliographie

BOÈCE, La Consolation de Philosophie, Paris, Le Livre de Poche, 2008.

Voir aussi

« Nous n’aurons pas le Temps – Consolation de l’Éphémère »

« De Socrate à Descartes », Fiche de lecture n° 4, Arrien, Le “Manuel” d’Épictète.

Carnet de Vocabulaire Philosophique : Éphémère ; Épochè ; Impermanence ; Logos.

Doctrines et Vies des Philosophes Illustres : Aristote ; Bergson ; Descartes ; Épictète ; Kant ; Pyrrhon ; Socrate.

Fiches de lecture : Platon : Cratyle, Phèdre ; Sénèque : De la brièveté de la vie, De la Tranquillité de l’âme, De l’oisiveté, Lettres à Lucilius ; Thich Nhat Hanh, Transformation et guérison.

Notes contemplatives : Agamben, Pinocchio ; Berkeley, Principes de la connaissance humaine ; Boèce, La Consolation de Philosophie ; Carroll, Alice au Pays des merveilles ; Conche, Temps et destin ; Confucius, Entretiens avec ses disciples ; Les Cyniques grecs : Fragments et témoignages ; Dante, La Divine Comédie ; De Martino, Morts et pleurs rituels ; Grenier, L’esprit du Tao ; Hadot, N’oublie pas de vivre ; Héraclite, Fragments ; Hume, Enquête sur l’entendement humain ; Kleist, Sur le théâtre de marionnettes ; Lie-Tseu, Les Fables de Maître Lie ; Marcel, Homo viator ; Nietzsche : Ainsi parlait Zarathoustra, Le Gai-Savoir ; Parménide, Le Poème ; Quignard : Les désarçonnés, les Ombres errantes, Sur le jadis ; Sénèque, Consolations ; Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes ; Tchouang-Tseu, Les Œuvres de Maître Tchouang ; Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus.


Dsirmtcom, mai 2023.

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