Vocabulaire – Logos

Philosophie – Carnet de Vocabulaire Philosophique


Logos

Auteurs – Ouvrages

Héraclite, Fragments

De ce discours, qui est toujours vrai, les hommes restent sans intelligence, avant de l’écouter comme du jour qu’ils l’ont écouté. Car, bien que tout arrive conformément à ce discours, c’est à des inexperts qu’ils ressemblent s’essayant à des paroles et à des actes tels que moi je les expose, divisant chaque chose selon sa nature et expliquant comment elle est. Quant aux autres hommes, ce qu’ils font éveillés leur échappe, tout comme leur échappe ce qu’ils oublient en dormant. Fr. 1.

Alors que le discours vrai est universel, les nombreux vivent en ayant la pensée comme une chose particulière. Fr. 2.

Il est sage que ceux qui ont écouté, non moi, mais le discours, conviennent que tout est un. Fr. 50.

Parménide, Le Poème

Viens donc, je vais dire – et toi, l’ayant entendue,
Garde bien en toi ma parole – quelles sont les seules voies
de recherche à penser : l’une qu’il y a et que non-être il n’y a pas,
est chemin de persuasion (car celle-ci accompagne la vérité) ;
l’autre qu’il n’y a pas et qu’il est nécessaire qu’il n’y ait pas ;
celle-là, je te le montre, est un sentier dont on ne peut
rien apprendre. Car tu ne saurais ni connaître le n’étant pas
(car il n’offre aucune prise), ni en montrer des signes. Fragment 2.

Parménide admet, comme Héraclite, que ce qui est vrai ne peut cesser de l’être. Mais alors que, pour Héraclite, le logos recueille la vérité éternelle au sujet de l’éternel devenir, pour Parménide, le discours de ce qui est en devenir ne peut être dit “vrai” mais seulement “vrai-semblable”, au sens étymologique : ayant la semblance du vrai. Commentaire de Marcel Conche, p. 28.

La vérité que Parménide annonce n’est pas sa vérité. Il la tient de la Déesse-Vérité elle-même ; il n’en est pas le sujet. Écoutez non moi mais le logos : telle est l’invite d’Héraclite. Écoutez non moi mais la Déesse, c’est-à-dire la Vérité, c’est-à-dire le logos : telle est aussi l’invite de Parménide. Mais philosopher, c’est aimer : aimer la vérité, et l’aimer pour elle-même. Cela veut dire que l’on ne philosophe vraiment qu’avec toute son âme. […] Grâce à la poésie, c’est toute l’âme qui est envoûtée. Mais par quoi ? Par ce qui délivre de tout envoûtement. Commentaire de Marcel Conche, p. 70-71.

Sénèque, Consolations

Le discours (logos : c’est le même mot grec qui signifie tout à la fois raison, langage, discours), les sophistes l’ont fortement souligné, peut déchaîner des passions tout autant qu’il peut les calmer. Mais pour qu’il puisse exercer tout son pouvoir psychagogique et parénétique, le raisonnement nu, la dialectique, ne suffit pas ; il faut qu’il soit construit avec toutes les règles d’art de la rhétorique, avec toutes les figures de style, avec des clauses finales rythmées. Préface de Ilsetraut Hadot, p. 15.

Marcel Conche, Temps et destin

Le logos […] entre dans les trois définitions du destin attribuées à Chrysippe […] : le destin est “la raison cosmique”, ou : “la raison des choses administrées dans le monde par la providence”, ou : “la raison selon laquelle les événements passés se sont produits, les événements présents se produisent, les événements à venir se produiront”.

Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique

Un vrai dialogue n’est possible que si l’on veut vraiment dialoguer. Grâce à cet accord entre interlocuteurs, renouvelé à chaque étape de la discussion, ce n’est pas l’un des interlocuteurs qui impose sa vérité à l’autre ; bien au contraire, le dialogue leur apprend à se mettre à la place de l’autre, donc à dépasser leur propre point de vue. Grâce à leur effort sincère, les interlocuteurs découvrent par eux-mêmes, et en eux-mêmes, une vérité indépendante d’eux, dans la mesure où ils se soumettent à une autorité supérieure, le logos. Comme dans toute la philosophie antique, la philosophie consiste ici dans le mouvement par lequel l’individu se transcende dans quelque chose qui le dépasse, pour Platon, dans le logos, dans le discours qui implique une exigence de rationalité et d’universalité. D’ailleurs ce logos ne représente pas une sorte de savoir absolu ; il s’agit en fait de l’accord qui s’établit entre des interlocuteurs qui sont amenés à admettre en commun certaines positions, accord dans lequel ceux-ci dépassent leurs points de vue particuliers. p. 103.

Le dialogue est, en un certain sens, déjà un exercice de la mort. Car, comme l’a dit R. Schaerer, “l’individualité corporelle cesse d’exister au moment où elle s’extériorise dans le logos”. Ce fut là l’un des thèmes favoris de la pensée du regretté B. Parain : “Le langage ne se développe que sur la mort des individus.” Dans la perspective du récit de la mort de Socrate qu’est le Phédon, on voit ainsi que le “je” qui doit mourir se transcende dans un “je”, désormais identifié au logos et à la pensée. C’est ce que laisse entendre Socrate à la fin du dialogue : / Mes amis, je n’arrive pas à convaincre Criton que je suis, moi, ce Socrate qui s’entretient avec vous en cet instant même et qui dispose en ordre tous ses arguments. Il croit que moi, c’est cet autre qu’il verra tout à l’heure, ce cadavre. [Phédon, 115c.] p. 110.

Définition

Le logos signifie le discours, qu’il soit d’origine humaine ou divine. Il signifie aussi ce qui est contenu dans ce discours, le langage, les mots. Enfin il signifie la raison, soit en tant que faculté de raisonner spécifique à l’humain, soit en tant que raison organisatrice de l’univers.

Étymologie

Larousse étymologique

[Logos :] Grec Logos, discours public.

Bailly

Parole : la parole en général ; une parole, un mot ; mention ; bruit qui court, bruit répandu ; entretien ; récit ; composition en prose, discours ; belles-lettres, sciences, études ; sujet d’entretien, d’étude, de discussion.

Raison : faculté de raisonner, raison, intelligence ; bon sens ; raison intime d’une chose, fondement, motif ; exercice de la raison, jugement ; opinion, relation, proportion, analogie ; compte rendu, justification, explication ; opinion au sujet d’une chose à venir, présomption, attente.

Au sens philosophique : le logos divin, la raison divine.

Au sens religieux : le Verbe divin.

Références

Morfaux

Mot difficilement traduisible à cause de sa polysémie. Il signifie parole, parole divine, révélée. D’autre part, il signifie ce à quoi renvoie la parole (par opp. au fait), le discours, la définition, l’explication, le raisonnement, la pensée en tant que discours intérieur.

Logos s’oppose à muthos (récit mythique).

Enfin le logos et la raison comme faculté humaine ou divine, la raison comme principe de raisonnement, comme argument, comme proposition (mathématique).

Aucun mot latin n’y correspond, la traduction par ratio (fr. raison) est réductrice.

Héraclite introduit le mot en philosophie, à la fois comme principe de la pensée et loi unifiante du devenir.

CNRTL

Parole transmettant de façon adéquate la raison interne de celui qui parle aussi bien que la raison externe inscrite dans “l’ordre des choses”.

Philosophie. [Chez Platon, les Stoïciens, Hegel, etc.] Raison divine ; sort, raison organisatrice, explicatrice de l’univers.

Théologie (christianisme). Seconde personne de La Trinité, verbe éternel de Dieu venu s’incarner et qui est nommé dans Jean (1, 1-18) “Parole” ou “Verbe”.

Linguistique. Parole, langage conçu comme la capacité, spécifique de l’espèce humaine, de communiquer au moyen de signes vocaux.

Académie 9e édition

Dans la philosophie grecque, raison d’être des choses, principe intermédiaire entre le monde et Dieu, qui ordonne les phénomènes ; par extension, raison organisant le monde. Chez les Stoïciens, le logos désigne l’ordre nécessaire des lois, de l’histoire, des destins.

Littré

Terme de la philosophie platonicienne. Dieu considéré comme la raison et le verbe du monde, comme contenant en soi les idées éternelles, les archétypes des choses.

Voir aussi

« Nous n’aurons pas le Temps – Consolation de l’Éphémère »

« De Socrate à Descartes », Fiche de lecture n° 4, Arrien, Le “Manuel” d’Épictète.

Carnet de Vocabulaire Philosophique : Éphémère ; Épochè ; Impermanence ; Logos.

Doctrines et Vies des Philosophes Illustres : Aristote ; Bergson ; Descartes ; Épictète ; Kant ; Pyrrhon ; Socrate.

Fiches de lecture : Platon : Cratyle, Phèdre ; Sénèque : De la brièveté de la vie, De la Tranquillité de l’âme, De l’oisiveté, Lettres à Lucilius ; Thich Nhat Hanh, Transformation et guérison.

Notes contemplatives : Agamben, Pinocchio ; Berkeley, Principes de la connaissance humaine ; Boèce, La Consolation de Philosophie ; Carroll, Alice au Pays des merveilles ; Conche, Temps et destin ; Confucius, Entretiens avec ses disciples ; Les Cyniques grecs : Fragments et témoignages ; Dante, La Divine Comédie ; De Martino, Morts et pleurs rituels ; Grenier, L’esprit du Tao ; Hadot, N’oublie pas de vivre ; Héraclite, Fragments ; Hume, Enquête sur l’entendement humain ; Kleist, Sur le théâtre de marionnettes ; Lie-Tseu, Les Fables de Maître Lie ; Marcel, Homo viator ; Nietzsche : Ainsi parlait Zarathoustra, Le Gai-Savoir ; Parménide, Le Poème ; Quignard : Les désarçonnés, les Ombres errantes, Sur le jadis ; Sénèque, Consolations ; Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes ; Tchouang-Tseu, Les Œuvres de Maître Tchouang ; Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus.


Dsirmtcom, mai 2023.

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