Luz y Caballero, Universo, Mundo [Univers, Monde]

Essais Philosophiques CubainsJosé de la Luz y Caballero, Aforismos

Universo, Mundo – Univers, Monde

Job a dit : « quid est homo, quia magnificas1 ? » Grande vérité ; mais pas moins : « quid est mundus, quia magnificas eum2 ? »

Oh, harmonie de l’Univers ! Ô profondeur, pour mieux dire, de l’harmoniseur suprême ! Et qu’on ne croit pas que je vais à présent chercher la correspondance dans le monde matériel, ce qui saute aux yeux. Je parle de l’harmonie et de la diversité parmi les facultés des hommes.
Comme les premiers objets inspirent des pensées et des affections différentes chez divers individus, chez un même individu, selon l’âge, le sexe, la santé, la fortune, la fortune, le malheur, l’éducation, la société, la solitude – et jusqu’à l’heure du jour, que dis-je de l’heure ! jusqu’à un instant indivisible !
Un homme qui voit dans chaque objet aperçu un projet – un homme qui ne s’inspire que du bien général – celui-ci qui ne voit rien de plus que le profit – celui-là la poésie.

Tous les phénomènes de l’univers, dans celui physique et dans celui moral, reproduisent constamment l’image de la nécessité de la coopération de principes distincts pour leur production ; tout est mariage et rien n’est isolement.

De l’ordre providentiel des découvertes du monde physique et des acquisitions du monde moral et intellectuel : leur harmonie et leur parallélisme. Philosophie profonde pour pénétrer dans la portée des faits.

Ordre.
Le temps – perte toujours irréparable.

Une force n’agit pas là où elle est, mais là où elle agit.

La nécessité, mère du plaisir et de la douleur.
Mère universelle de l’homme et de la brute.
La raison, leur Dieu – qui domine sur le même qui a créé la Nature.

L’horloger. Le meilleur des compliments pour moi qui court plus après la vertu qu’après la science.
Il n’y a aucun doute : une grande loi de compensation. Ce qui diminue d’un côté augmente de l’autre. Ce que les uns enlèvent, les autres le donnent avec usure. (
Sed non opportet gloriari nisi in cruce divina3.)
L’apothicaire
idem. Et tous idem. Comme s’il s’agissait de s’étayer de sympathies – et dans quelles circonstances !
Ah ! Mon Dieu, mon Dieu, comme je te retrouve, là où je t’attendais le moins ! Que l’on voit bien que tu es partout !
Jusque dans l’œuvre du méchant (et ce n’est pas un blasphème !), je te vois par réflexion en contraste – parce qu’alors je ressens le bien plus vivement.
Des leçons en tout, pour ceux qui sont avides de s’instruire avec une soif inextinguible – comme le cerf dans les sources des eaux.

Quelle leçon et dans la bouche du vénérable octogénaire ! « Chaque fois je me persuade de plus en plus, dit-il, que les fautes sont punies à la longue dans ce monde, et parfois avec une extrême sévérité… Ni la prévoyance ni la prudence ne valent souvent la peine… Ainsi il est nécessaire de se résigner et de se conformer à la volonté de Dieu » – et de pardonner, j’ajoute.
Et quand le vertueux est la cible des coups de la fortune ? Ce fait, bien que moins fréquent qu’on le croit, du monde moral, désespère et démoralise les âmes faibles (qui souvent se considèrent très fortes) alors qu’il est pour moi la preuve la plus irréfutable de l’intervention de la Providence dans ce monde.
En d’autres occasions, j’ai dit que le
juste dans la disgrâce est le plus beau spectacle du monde.
Le malheur, unique couronne digne de la vertu.
Quia manus Domini tetigit me4 (Job).

Le système des compensations est éminemment consolateur ; mais le plus consolateur est le christianisme.
Dans l’ordre politique, cela peut avoir des conséquences désastreuses, inspirant un conformisme qui ne sied pas bien au progrès des peuples.
Il est nécessaire de confesser que ce fut une philosophie qui sortait de l’école de la disgrâce, et en qualité de fille pareille à sa bonne mère.
Cela peut aussi inspirer les bons sentiments, en montrant les douleurs par lesquelles les plaisirs sont compensés, et les peines qui aggravent la passion ou le crime.
Mais ce sont, tout au plus, de bonnes aides ou des auxiliaires du christianisme, qui s’élève jusqu’à la cime, refusant de transiger avec le plaisir et exigeant une pureté angélique.
Disposé à tout, prévenu contre rien. L’esprit du christianisme est celui de la famille universelle.

Bien ! N’enviez jamais les méchants, ils font toujours pire que vous.
L’anathème est inévitable : « Dans le péché ils portent pénitence ».
Toujours et pour toujours il existe une compensation.

Omnia en pondere, numero et mensura.
Ergo est Deus in nobis et extra nos5.
Si tel n’était pas le cas, que deviendraient les affligés aux heures de tribulation ?
À côté du feu qui embrase un cœur, l’eau pour éteindre le feu. Seulement quand les oreilles se découvrent ; mais alors nous sommes déjà capables de cette réflexion – et l’un vaut pour l’autre – et nous découvrons un plan dans la compensation.

L’obscurité entourant la question du destin humain, germe de toute philosophie, et même de beaucoup de religions.
La même chose se produit avec la nuit profonde de l’origine du monde.
Bienheureuse obscurité, qui éclaire notre entendement et tempère notre cœur !
Il y a des données, cependant, dans les deux questions, qui établissent certaines vérités d’une manière si incontestable que l’homme ne peut esquiver son ascension ni fuir sa responsabilité.
Ces données sont : le plan providentiel de l’univers, et la science et la conscience de la raison humaine, comme lois universelles gravées dans tous les entendements et dans tous les cœurs.

La bonne et la mauvaise fortune, les deux sculpteurs de la Nature, pour le polissage de la matière humaine.

La logique est la reine du monde, et cependant le monde ne peut ni ne doit être gouverné par la logique.

Le monde, une véritable mer que seuls savent traverser les navigateurs de profession.
Qui a édifié sur l’eau ? Sur cela n’y a que des sornettes.

L’humanité doit passer par certains degrés (d’écueils et d’épines) pour atteindre certaines hauteurs.

Bibliographie

LUZ Y CABALLERO J. (de la), Obras – Aforismos, La Habana, Ediciones Imagen Contemporánea, 2001.


Traduction et annotations : Patrick Moulin, MardiPhilo.fr, mars 2024.

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Notes

  1. Quid est homo, quia magnificas : “Qu’est-ce donc qu’un mortel pour en faire si grand cas”, Job 7.17. ↩︎
  2. Quid est mundus, quia magnificas eum : Qu’est-ce que le monde, pour que tu le glorifies tant. ↩︎
  3. Sed non opportet gloriari nisi in cruce divina : Mais il ne convient pas de se glorifier sauf dans la croix divine. Référence à Galates 6.14 : “Pour moi, non, jamais d’autre titre de gloire que la croix”. ↩︎
  4. Quia manus Domini tetigit me : Parce que la main du Seigneur m’a touché. Référence à Job 19.21 : “Pitié pour moi, pitié pour moi, vous mes amis, car la main de Dieu m’a touché.” ↩︎
  5. Omnia en pondere, numero et mensura. Ergo est Deus in nobis et extra nos : Tout est sujet au poids, au nombre et à la mesure. Dieu est donc en nous et hors de nous. ↩︎

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