José Agustín Caballero, Philosophia Electiva – Propédeutique philosophique

Philosophie – Fiches de lecture

Fiche de lecture n° 43-00 – Propédeutique philosophique



Appareil ou propédeutique philosophique

Le mot grec Filosofía signifie en castillan [N1] amour de la sagesse. On dit que Pythagore fut l’inventeur de ce mot en se proclamant modestement “philosophe”, c’est-à-dire, amoureux de la sagesse. Je préfère définir cette science ainsi : la connaissance certaine et évidente de toutes les choses par leurs causes finales, obtenue avec la seule lumière naturelle.

[N1] Castillan ; latin : latine, pour traiter de la version dans cette langue.

Cela dit, les causes par lesquelles nous connaissons ces choses peuvent être nombreuses, si celles-là sont les plus élevées et universelles, leur connaissance se nomme sagesse ; si elles sont surnaturelles, cela est la Théologie, la science [N2] de Dieu ; si elles sont, enfin, simplement naturelles, cela s’appelle la Philosophie proprement dite ou science naturelle.

[N2] Science mieux que discours ; latin : sermo, grec : logos.

Nous ne cherchons l’origine de la Philosophie qu’en Dieu notre seigneur parce qu’il est une seule et même source, le principe de l’homme et de celui de la sagesse. En effet, souvenez-vous que notre premier père, Adam, isolé de tout autre homme et sans aucun effort de sa part, a reçu de Dieu omnipotent la Philosophie.

Mais Adam ayant été condamné avec toute sa descendance, entre autres châtiments pour son péché, aux ténèbres de l’ignorance pour avoir violé la loi de Dieu, il fut déchu à un tel degré de la faculté philosophique, qu’il resta à peine un vestige de cet excellent don du ciel.

Mais, le temps passant, quelques hommes éminents, se libérant de la négligence ambiante, animés par l’admiration des belles choses et instruits par l’observation fréquente des phénomènes particuliers [N3], qui est ce qui constitue l’expérience, entreprirent laborieusement et avec ferveur, la tâche d’élever depuis ses fondations la Philosophie. Et de cette manière elle fut peu à peu restaurée par eux au cours des différents siècles.

[N3] Phénomènes particuliers ; latin affectuum singularium. Il peut s’agir d’une erreur pour affectuum : le sens cependant change peu.

Nous ne savons rien de l’état de la Philosophie avant le Déluge. Depuis le Déluge, dans quasiment tous les pays ont brillé des hommes amoureux du savoir et docteurs de la vérité, comme les rabbins chez les Hébreux, les Chaldéens de Babylone et de Syrie ; les mages chez les Perses ; les Hiérophantes chez les Égyptiens, ou comme les druides chez les Gaulois.

Finalement, la Philosophie est passée des Égyptiens aux Phéniciens et aux Grecs. Thalès de Milet l’a apprise en Égypte et l’a introduite en Grèce. On reconnaît aux Grecs la gloire la plus grande en Philosophie car ce sont eux qui l’ont approfondie le plus distinctement dans chacune de ses parties. C’est pour cela qu’il faut aller chercher en Grèce les sectes les plus célèbres de philosophes.

On appelle secte l’ensemble des hommes qui, séparés d’une certaine façon et comme scindés des autres, acceptent un corps déterminé de doctrine sous la direction d’un chef. De là le nom de secte [N4], de section [N5] ou de sectaire [N6]. Les philosophes les plus anciens de Grèce se regroupent en deux écoles [N7] : la Dogmatique et l’Académique.

[N4] Secte ; latin secta. On conserve ici ce mot car il est nécessaire pour la compréhension de la définition suivante.
[N5] Secare ; castillan cortar (couper). À comparer avec “segar” (couper) et avec “sección” (section).
[N6] Sectare ; castillan seguir (suivre).
[N7] Écoles. À partir d’ici nous traduirons le latin secta par le castillan escuela (école).

La Dogmatique comprend ceux des philosophes qui affirment qu’ils ont atteint la vérité, du moins dans la majeure partie des cas. L’école Dogmatique se divise en Ionienne et Italique. Le chef de l’école ionienne fut [Thalès de] Milet, qui eut parmi ses disciples [N8] Démocrite. Le plus important de ceux de l’école Italique fut Pythagore de Samos, qui compta parmi ses disciples Zénon d’Élée.

[N8] Disciples. Latin sectatores.

On dit que ceux de Milet et de Samos furent les créateurs de la Dialectique. Ils se consacrèrent principalement à la Physique jusqu’au commencement de l’antique Académie, époque à laquelle les philosophes, suivant l’exemple de Socrate, s’éloignèrent des études physiques pour se dédier à la science des mœurs.

L’école Académique prit ce nom de l’Académie, lieu ombragé d’un des quartiers d’Athènes consacré, à travers Akademos, illustre héros [N9], aux exercices des philosophes. Ces philosophes n’affirment rien du tout, et se divisent en Académie antique, Moyenne Académie et Nouvelle Académie.

[N9] Noble illustre ; latin heros nobilis.

Les créateurs de l’Académie antique furent Socrate et Platon, c’est pour cela que les académiciens antiques s’appellent platoniciens et aussi sceptiques ou inquisiteurs parce que, même s’ils admettent que la vérité nous est inconnue, ils disent qu’ils ne désespèrent pas de l’atteindre et ils se consacrent constamment à sa recherche. On les appelle aussi pyrrhoniens, du nom de l’académicien Pyrrhon.

Parmi les disciples de Socrate se distingue extraordinairement Platon, qui fut son successeur et eut parmi ses disciples Aristote, célèbre depuis la mort de Platon (survenue à quatre-vingts ans, le même jour anniversaire de sa naissance). Les autres successeurs de Socrate formèrent l’école Péripatéticienne, celle des Stoïciens et l’école Épicurienne.

Le chef des Stoïciens fut Zénon de Citium, qui enseigna à Athènes, sous un stoa ou portique avec une grande renommée, les dogmes d’une Philosophie plus rigoureuse. On dit que Sénèque fut un de ses auditeurs. L’école Épicurienne doit son nom à son propre chef, Épicure, qui exposait les doctrines de Démocrite.

Lucrèce a exprimé en vers latins la Philosophie d’Épicure, et énormément de maîtres l’ont cultivée jusqu’à l’époque d’Auguste. De nos jours, le Cardinal Polignac l’a réfuté vigoureusement dans une œuvre excellente intitulée L’Anti-Lucrèce [T3].

[T3] Michel de Polignac (1661-1741) est un homme d’Église, diplomate et poète. Son Anti-Lucretius [Anti-Lucrèce] est un poème en latin, qui s’oppose à la doctrine matérialiste épicurienne, exposée par Lucrèce dans son poème De Rerum Natura [De la nature de choses]. Une version traduite bilingue latin-français est disponible sur le site Gallica. L’avertissement de l’auteur de la traduction française de l’Anti-Lucrèce est éloquent :

Les savants seuls connaissaient le poète Lucrèce, philosophe romain, contemporain de Cicéron, et auteur d’un poème didactique dans lequel il a exposé d’une manière fort séduisante la Philosophie d’Épicure. Cette Philosophie n’est, comme on sait, qu’un système de matérialisme, d’athéisme, et de volupté.

La première édition de l’Anti-Lucrèce a lieu en 1747, soit cinquante ans avant la Philosophia Electiva de J. A. Caballero, d’où la mention “de nos jours”.

Les Péripatéticiens se glorifient d’avoir pour maître Aristote, et ils ont adopté ce nom parce qu’ils discutaient en se promenant à travers leur Lycée, c’est-à-dire, dans un peripato [Cf. note T2]. Arcésilas a impulsé la Moyenne Académie, en ajoutant à la doctrine de Socrate que, non seulement nous ne savons rien, mais que nous ne pouvons même pas savoir quoi que ce soit. À partir de là les Académiciens s’appelèrent Acataleptiques [T4].

[T4] Texte original Acatalecticos ; Cf. Lalande, Acatalepsie : “Historiquement, état qui résulte du principe sceptique qu’il n’y a pas de critère de la vérité”.

Les successeurs d’Arcésilas furent Lacydès, fondateur de la troisième Académie ou Nouvelle Académie, Evandre et Carnéade, qui a expliqué avec une grande éloquence la doctrine des nouveaux Académiciens à Rome, où il eut parmi ses disciples Clitomaque, Philon et Antiochos, maîtres de Cicéron.

Le plus important des philosophes de l’école Éclectique fut Potamon d’Alexandrie, que suivront Ammonios, Hiéron, Porphyre, Origène, Grégoire le Thaumaturge et surtout Clément d’Alexandrie. Ces philosophes, soutenant que la vérité n’était pas attribuée à une école déterminée, la cherchaient dans toutes les écoles.

La Philosophie aristotélicienne n’a pas réussi à s’imposer durant les premiers siècles de l’Église ; mais vers la fin du VIIIe siècle et au début du IXe, les Arabes d’Espagne commencèrent à la cultiver, ils la ressuscitèrent en l’enrichissant par une grande quantité de commentaires, et ils l’introduisirent dans les écoles publiques. La doctrine de Platon fut la plus généralement suivie depuis la naissance du Christ jusqu’aux alentours du VIIIe siècle. De nombreux Pères de l’Église l’adoptèrent, surtout Augustin, qui l’a utilisée avec succès pour démontrer la vérité de la religion chrétienne et réfuter les erreurs des Ethniques.

De cette façon commença à se répandre la renommée d’Aristote de l’Afrique à l’Europe et de l’Europe au monde entier, jusqu’à ce qu’elle soit acceptée et développée avec tant d’enthousiasme et de persévérance, que c’est à peine si elle s’expliquait plus dans les écoles que par Aristote. De là naquit l’École Scolastique, c’est-à-dire, celle de ceux qui pensent qu’il faut obéir à Aristote dans la recherche de toute vérité.

L’École Scolastique se divise en trois autres : la première, celle des Thomistes ; la seconde celle des Scotistes ; et la troisième celle des Nominalistes. Le maître incontestable des Thomistes est saint Thomas d’Aquin, le Docteur Angélique, appelé Prince des Écoles par antonomase [T5]. Les Scotistes avaient pour maître Jean Duns Scot, le Docteur Subtil. Celui des Nominalistes, enfin, est Guillaume d’Ockham, un anglais, également de l’Ordre des Frères Mineurs [T6] et disciple de Scot. On l’appelait le Docteur Invincible et il vécut jusqu’au milieu du XIVe siècle.

[T5] Antonomase : “Figure qui consiste à remplacer, en vue d’une expression plus spécifiante ou plus suggestive, un nom propre par un nom commun (le Sauveur pour Jésus-Christ) ou un nom commun par un nom propre (un Tartuffe pour un hypocrite)” (source : CNRTL).
.[T6] Autre nom des franciscains, moines de l’ordre fondé au XIIIe siècle par saint François d’Assise

L’École Scolastique a conservé la suprématie sans conteste jusqu’à la mort de Guillaume d’Ockham, époque à laquelle Galilée à Florence, en Étrurie, Francis Bacon, Baron de Verulam, en Angleterre, et le célébrissime médecin Antonio Gómez Pereira, en Espagne, ont établi les fondements de la nouvelle Philosophie.

Ceux-ci furent les premiers qui, rompant avec le joug d’une tradition scolastique invétérée, ouvrirent de nouvelles voies par où de nombreux hommes remarquables par leur culture parvinrent à la restauration de la Philosophie mécanique, déjà cultivée en d’autres temps par Démocrite et Épicure.

Ainsi surgirent, entre autres, deux écoles célèbres, celle des Gassendistes et celle des Cartésiens. Celle-là eut pour chef un homme des plus savants, le prêtre Pierre Gassendi, qui concilia le système philosophique d’Épicure avec la religion. La seconde [école], celle de René Descartes, qui se distingua extraordinairement dans l’étude des Mathématiques.

Ces derniers temps [N15] s’est imposée une autre école : celle d’Isaac Newton, noble anglais et mathématicien insigne [remarquable], qui d’un côté a admis les raisonnements des Scolastiques, et a émis par ailleurs d’autres hypothèses plus récentes, et sans insister sur la recherche de la nature interne des choses, il s’est préoccupé seulement de leurs apparences.

[N15] Caballero écrit en 1797.

La réalité est que la méthode du raisonnement mécanique a été acceptée dans toute l’Europe avec un tel intérêt et une telle adhésion, que personne ne considérait comme dignes d’être tenus pour philosophes ceux qui suivaient un autre chemin dans l’explication des phénomènes physiques.

Les hommes éclairés qui ont adopté une telle méthode sont innombrables et grâce à leurs expériences, la Philosophie s’est énormément enrichie. Au cours de notre explication nous aurons à citer à plusieurs reprises et avec éloge leurs noms, sinon ceux de tous, du moins ceux des plus connus. Mais j’en ai assez dit pour le moment.

Voyons à présent les parties principales de la Philosophie proprement dite : celle qui dirige l’esprit vers la connaissance de la vérité, se nomme Logique ; celle qui étudie les choses insensibles, Métaphysique ; celle qui s’occupe des choses sensibles, se nomme Physique. Et celle qui nous donne les règles des mœurs, Éthique.

Cela va être votre tâche et votre travail.


Patrick Moulin, alias @dsirmtcom, mars 2022.

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