José Agustín Caballero, Philosophia Electiva – Première partie de la Logique – Les idées


Philosophie – Fiches de lecture

Fiche de lecture n° 43-1 – Première partie de la Logique – Les idées



Livre I. Première partie de la Philosophie ou Logique

Le mot grec Logikê, rationnel en latin, signifie la discipline de la raison, qui prépare l’esprit à atteindre la vérité en n’importe quel lieu et en tout temps. On l’appelle aussi Dialectique, c’est-à-dire, discipline de la discussion [N16]. Elle se divise en naturelle, la faculté de discourir née en nous de la propre nature ; et artificielle, ou faculté obtenue au moyen de l’exercice et de l’effort, et qui renferme les préceptes qui nous dirigent dans le raisonnement correct.

[N16] Discipline de la discussion ; latin disputativa.

Elle se divise aussi en Logique formelle et appliquée : la première enseigne les règles pour bien exposer ; la seconde consiste dans l’application de ces mêmes règles. De plus, les Scolastiques divisent la Logique en Majeure et Mineure : celle-ci contient les questions ; celle-là, les préceptes.

On attribue généralement à Zénon d’Élée le rétablissement de la Logique ; mais ce fut Aristote qui l’éleva à la perfection et qui l’a exposée d’une manière si claire et si belle, qu’avec raison il a été considéré par certains comme son créateur.

Nous diviserons la Logique en autant de parties qu’il y a d’opérations de l’esprit.

Première partie de la Logique – Première opération de l’entendement

Chapitre I. Nature de l’entendement et de ses opérations en général

Auparavant nous devons savoir que la puissance en général est cette vertu ou faculté qu’a une chose de faire quelque chose ou de produire un certain effet. L’opération ou acte est au contraire la réalisation même ou la production dudit effet.

La première puissance de notre esprit est l’entendement, c’est-à-dire, la faculté de percevoir, de juger, de raisonner, d’ordonner, etc., et pour cela on l’appelle puissance intellective ou cognitive. Et le fait de comprendre, de percevoir et de connaître est l’opération de l’entendement, appelée aussi intelligence, perception et connaissance.

Communément on assigne à l’entendement trois opérations : la simple appréhension, le jugement et le discours. L’appréhension (appelée par les philosophes forme intellectuelle d’une chose, image spirituelle, reproduction, figure imprimée, mot mental ou idée) est la connaissance d’un objet sans affirmer ni nier rien à propos de lui, comme quand nous pensons au Soleil sans rien lui attribuer expressément.

Le jugement est la connaissance d’un objet affirmant ou niant quelque chose, comme quand nous considérons l’idée d’“homme” et celle de “blancheur” en disant que l’homme est blanc. Le discours est l’opération moyennant laquelle, d’un ou de différents jugements, nous en extrayons un autre, par exemple : L’homme est un animal ; donc il a quelque chose de commun avec le cheval et avec le lion.

L’entendement procède généralement de la première opération à la seconde et de la seconde à la troisième.

Ainsi en premier lieu il appréhende l’objet et il forme intérieurement l’idée de celui-ci ; ensuite il juge à son propos en affirmant ou en niant qu’il est réellement tel qu’il lui apparaît ; et en troisième lieu, à partir d’un ou de plusieurs jugements il en déduit un autre relié à eux.

Chapitre II. Origine diverse et propriétés des idées

Nos idées se divisent en raison de leur origine en adventices, factices et innées [T7]. Sont adventices celles qui s’acquièrent au moyen de l’emploi des sens, comme l’idée de lion ; factices, celles que nous-mêmes formons des adventices en mettant ou en enlevant quelque chose, comme une montagne d’or. Se nomment innées celles qui furent imprimées dans l’esprit de l’homme par Dieu en personne au moment même de la création.

[T7] Cette classification correspond à la typologie des idées exposée par Descartes dans la troisième Méditation, avec ici par ordre les idées innées, adventices et factices :

Or de ces idées les unes me semblent être nées avec moi, les autres être étrangères et venir de dehors, et les autres être faites et inventées par moi-même. Descartes, Méditations métaphysiques III.

On appelle idée simple celle qui ne contient qu’une notion, comme l’idée de l’homme. Celle qui au contraire se compose de plusieurs notions s’appelle complexe, comme l’homme sage. Nous appelons adéquate ou compréhensive celle qui montre à l’esprit tout ce qu’il y a dans l’objet, et inadéquate celle qui ne montre à l’esprit qu’une partie seulement de la chose.

Chapitre III. Extension des idées. Les universaux de Porphyre

Toute idée est ou universelle ou particulière ou singulière. Est universelle celle dans laquelle conviennent plusieurs autres, comme l’idée de l’animal. Particulière est celle qui se réfère à un objet seul numériquement, mais qui le présente de manière vague et indéterminée, comme l’idée de l’homme. Et est singulière celle qui montre à l’esprit un seul objet concret et déterminé, comme l’idée de Pierre.

L’idée universelle se transforme en particulière, si on lui en ajoute une autre qui la limite de sorte qu’elle ne soit plus applicable qu’à un nombre réduit de choses. Ainsi, l’idée d’animal, qui est commune aux hommes et aux bêtes, se limite aux seuls hommes, si nous lui ajoutons l’idée de raisonnable. Et, si on lui ajoute de nouveaux accidents ou circonstances, elle parviendra à former une idée singulière et indivisible. Au contraire, si l’entendement abstrait et sépare dans un ordre inverse ces circonstances superposées, elle se hissera d’une idée singulière à une autre universelle, cela fera que l’idée singulière, qui d’une certaine façon est inséparablement unie à la chose, se transformera en universelle et conviendra à de nombreuses choses. Cette opération s’appelle abstraction.

De là se déduit logiquement que les natures universelles des choses n’existent nulle part que dans celles que forme l’entendement quand il sépare de toutes ses circonstances la nature singulière existant dans un sujet singulier, la laissant ainsi, une fois abstraite ou conçue par l’entendement, indifférente aux différents objets dans l’être.

Les universaux ou prédicables sont cinq : le genre, la différence spécifique, l’espèce, le propre et l’accident.

Le genre est un attribut universel commun à plusieurs objets de différentes espèces, par exemple : l’animal au sujet de l’homme et de la bête. Selon les scolastiques le genre se prédit in quid incomplete : in quid parce qu’il se prédit de l’essence ; incomplete parce que l’essence de la chose n’est pas encore complète en lui.

La différence spécifique est un attribut essentiel, commun à plusieurs objets, qui se regroupent sous un même genre et par laquelle ils se différencient essentiellement des autres contenus également dans le même genre, comme la rationalité. Chez les scolastiques elle se prédit in quale quid ; in quale parce qu’elle qualifie ou dénote quel est le genre ; in quid parce qu’elle appartient à l’essence.

L’espèce est un attribut composé de genre et de différence. Elle est commune à plusieurs objets, différents seulement en nombre, et à propos desquels elle s’énonce comme l’essence intégrale et complète. Ainsi, la nature humaine, qui est composée intrinsèquement de genre et de différence, l’animalité et la rationalité, et constitue la totalité de l’essence de tout ce qui lui est subordonné, est une espèce. Elle se prédit in quid complete, selon les scolastiques.

L’individu, corrélatif de l’espèce, est celui sous lequel on ne trouve rien qui puisse s’énoncer d’autre que lui, soit comme son essence complète, soit comme une partie de son essence. Les individus de la même espèce se différencient entre eux, non selon l’essence, mais parce qu’il y a quelque chose en eux qui les rend différents l’un de l’autre ; les scolastiques nomment ce quelque chose l’individuel ou la différence numérique. Cette différence individuelle se définit comme une réunion telle de propriétés et de circonstances déterminées, qu’il n’est pas possible qu’elles se produisent pareillement dans deux objets.

Voici ce qui détermine la différence individuelle d’un homme : la forme, la figure, le lieu, le temps, la lignée, la patrie, le nom.

Le propre est un attribut commun à plusieurs objets différents en nombre ou en espèce et desquels il s’énonce l’accidentel et nécessairement, ou comme disent les scolastiques, in quale necessario : in quale parce qu’il n’appartient pas à l’essence ; necessario parce qu’on ne peut pas priver les choses d’un attribut qui leur est propre.

Le propre s’applique de quatre façons : premièrement, s’il convient seulement à l’espèce, mais pas à elle en totalité, comme être médecin ; deuxièmement, s’il convient à toute l’espèce, mais pas seulement à elle, comme être bipède ; troisièmement, s’il convient à toute l’espèce et à elle seule, mais pas toujours, comme la parole chez l’homme ; quatrièmement, et à quoi nous n’avons pas encore déjà fait référence, s’il appartient à toute l’espèce et à elle seule, et qui plus est toujours, comme la faculté de parler chez le même homme.

L’accident est l’attribut commun à plusieurs objets à propos desquels se prédit l’accidentel et de façon contingente, dans le sens qu’il soit possible de priver ces mêmes objets d’un tel accident sans que soit altérée leur nature. De cette manière est la blancheur de Pierre, de laquelle on peut le priver sans que s’altère la nature de Pierre.

Nous en avons suffisamment dit au sujet des cinq universels dont parlent avec tant de solennité les scolastiques.

Chapitre IV. Les catégories d’Aristote, appelées vulgairement prédicats

Avant d’expliquer les catégories, j’exposerai la division générale de l’être. On appelle être réel tout ce à quoi l’être ne répugne pas. L’être se divise, d’abord en substance et accident ou, comme on dit aujourd’hui, en chose et en mode. La substance est l’être qui subsiste par soi, comme la pierre, et l’accident ce qui ne peut exister par soi mais dans certains sujets, comme la blancheur.

La substance se divise en spirituelle, qui par sa propre nature est dotée de la faculté de penser, comme l’âme rationnelle ; et en corporelle ou matérielle, celle qui est essentiellement étendue et impénétrable, comme le bois. La substance spirituelle peut être absolument parfaite, Dieu uniquement ; et d’autres peuvent être imparfaites ; les unes de nature complète : l’ange ; les autres incomplètes : l’âme rationnelle. La substance corporelle ou corps peut être simple ou composée. Est simple celle qui n’est pas formée intrinsèquement d’autres substances dissemblables par nature, comme l’eau ; cette substance est appelée aussi homogène. Composée est celle qui en compte d’autres substances de différentes natures, comme le corps humain ; on l’appelle également substance hétérogène.

Le corps composé se divise en vivant et non vivant ou animé et inanimé : animé est celui qui se déplace d’un lieu par un mouvement intérieur et qui lui est propre ; inanimé, celui qui est mû par un mouvement extérieur. Le corps vivant qui en principe est doté de mouvement progressif, s’appelle animal ; celui qui en est dépourvu s’appelle plante, de celles dont il y a d’innombrables espèces.

L’animal peut être doté de raison et on l’appelle l’homme, lequel ne se réduit qu’à des individus ; ou être dépourvu d’elle et on l’appelle bête, de celles dont il y a diverses espèces.

On peut voir tout cela graphiquement dans l’arbre de Pourchot [T8] sur le tableau suivant : (en suspens).

[T8] Edme Pourchot (1651-1734) est professeur de Philosophie à l’Université de Paris. Ses tentatives de concilier la Philosophie de Descartes avec la scolastique traditionnelle, voire de substituer à cette dernière “les principes indiqués par le bon sens et par la raison” (Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, tome XII), lui valent d’être condamné comme “enseignant une méchante doctrine” par le Parlement de Paris. [Wikipédia].

Le graphique de l’arbre de la Logique de Pourchot est absent de l’édition de l’ouvrage de J. A. Caballero, d’où la mention entre parenthèses “(pendiente)”, en attente, que nous traduisons par “en suspens”. Nous disposons cependant de cette description :

ARBRE, se dit figurément en Logique de l’ordre et de la suite naturelle des genres, des espèces et des individus. […] D’autres Philosophes forment cet arbre différemment. Pourchot, par exemple, met d’abord l’être, puis la substance ; ensuite il descend ainsi : la substance est esprit ou corps ; l’esprit est incréé ou créé, l’esprit créé, est destiné au corps, ou ne l’est pas ; le corps est animé ou inanimé, le corps animé a la force de marcher, ou ne l’a pas ; s’il a la force de marcher, il est ou raisonnable ou irraisonnable. Dictionnaire de Trévoux, 1771 [Texte en ligne].

L’accident se divise en spirituel, qui affecte la substance spirituelle ; et corporel, qui affecte le corps. Il se divise également en absolu, celui qui est dans le sujet sans qu’il soit nécessaire que nous mettions ce même sujet en relation avec un autre, comme les couleurs ; et respectif ou relatif, qui ne peut se concevoir dans le sujet sans se référer à un autre, comme la ressemblance.

L’accident absolu se divise en modal et non modal : est modal celui qui ne peut exister ni ne peut se concevoir sans le sujet dont c’est le mode d’être, comme la rondeur ; non modal, celui que nous pouvons concevoir, et qui peut exister par la puissance de Dieu, indépendamment du sujet dans lequel il se rencontre, comme l’odeur, la saveur, etc., dans l’Eucharistie. Cela est la doctrine scolastique.

Les modernes n’admettent plus comme accidents que les modaux, qu’ils divisent en primaires, ceux dont proviennent d’autres, comme la grandeur, la forme, etc. ; et secondaires, qui dérivent des primaires et se divisent à leur tour en autant de sortes qu’il y a de sens externes.

Enfin, les modes sont, les uns positifs, ceux qui signifient une perfection réelle, comme la lumière ; et les autres négatifs, qui signalent la négation d’une certaine perfection, comme les ténèbres.

Mais passons maintenant aux catégories, inventées, selon Boèce, par Archytas de Tarente ou par Aristote, selon l’opinion d’autres.

La catégorie en grec, et praedicamentum en latin, est une certaine distribution de toutes les choses en classes déterminées dans lesquelles les philosophes rangent les objets de notre connaissance. Aristote en énumère dix : la substance, la quantité, la qualité, la relation, l’action, la passion, où [le lieu], quand [le temps], la situation [la position] et l’habit [l’avoir, la possession].

Nous avons déjà défini la substance et figuré sa division dans l’arbre de Pourchot. Ses propriétés sont : ne pas avoir de contraire, être soumis aux contraires, ne pas admettre ni plus ni moins.

La quantité est l’accident qui fait que les choses s’étendent dans des parties : si les parties sont unies, on l’appelle continue ; si au contraire les parties sont séparées, on l’appelle discrète, comme le nombre.

La quantité continue est soit successive, c’est celle dont les parties se succèdent l’une à l’autre, comme le temps, soit permanente, quand les parties existent toutes en même temps, comme le corps. Cette dernière comprend trois sortes : la ligne, la superficie et le corps ou solide. Mais cette division est purement mathématique et ici nous ne traitons pas des Mathématiques.

Les propriétés de la quantité sont : être le fondement de l’égalité et de l’inégalité ; ne pas avoir de contraire ; n’admettre ni plus ni moins, parce que l’un ne peut se dire dans un sens égal à l’autre, sinon plus grand.

La qualité est l’accident qui prépare la chose pour quelque chose, comme la santé prépare l’homme pour vivre bien.

La qualité se divise en habitude et disposition ; en puissance naturelle et en impuissance ; en qualité passible [T9] et en passion ; en forme et en figure. L’habitude est une certaine facilité pour agir, ajoutée à une puissance active et obtenue au moyen de l’usage et de l’exercice. La disposition est au contraire une certaine propension à agir.

[T9] Passible : Capable d’éprouver des sensations de joie ou de souffrance (source : CNRTL).

La puissance naturelle est une force infusée en nous par la nature même, et au moyen de laquelle nous agissons ou nous résistons aux choses contraires, comme la finesse de l’esprit chez l’homme, la dureté dans la pierre. L’impuissance naturelle est la carence de la faculté pour agir ou pour résister aux contraires. La qualité passible est une disposition sensible fermement ancrée dans le sujet, comme la blancheur chez le cygne.

La passion est une affection sensible qui dépasse rapidement le sujet, comme la rougeur sur le visage, provenant de la honte.

La forme est la disposition adéquate et la figure des membres, et elle se trouve chez les êtres naturels.

La figure est la limite à l’intérieur de laquelle le corps est circonscrit de toutes parts, et on la retrouve dans les choses artificielles.

Les propriétés de la qualité sont : être le fondement de la ressemblance et de la dissemblance, avoir un contraire, admettre le plus et le moins, ou être susceptible d’augmentation et de diminution. Mais ces deux dernières propriétés ne sont pas communes à toutes les qualités, puisque la première ne se produit pas dans la lumière et que nous ne retrouvons pas la seconde dans le cercle, néanmoins la lumière et la figure sont deux sortes de qualités.

La relation est l’ordonnancement d’une chose par rapport à une autre, comme celle du père au fils. La relation peut être réelle, ceci est l’ordre inhérent aux choses en elles-mêmes ; dans ce sens deux choses blanches sont semblables sans que personne ne pense à elles ; et la relation peut être de raison, c’est-à-dire celle établie par l’esprit entre certaines choses, comme celle de l’espèce au genre. La relation réelle est de deux sortes : l’une procède de l’intérieur et l’autre vient de l’extérieur.

On dit que procède de l’intérieur celle qui apparaît entre les extrêmes lorsqu’ils sont reliés, tantôt comme ce qui se produit dans la nature, tantôt comme la ressemblance entre deux choses blanches. Procède de l’extérieur celle qui dépend d’une condition externe, comme la relation entre l’agent et le patient, qui dépend d’une certaine approximation.

Selon l’opinion des scolastiques, dans toute relation il faut distinguer quatre causes : le sujet, c’est-à-dire ce qui se réfère à une autre chose ; le terme, ou celui à qui se compare le sujet ; le fondement ou la raison en vertu de laquelle sont mises en relation entre elles les deux choses données ; et la relation même, c’est-à-dire l’ordonnancement en soi et la manière d’être des termes.

Les propriétés de la relation sont : premièrement, les choses mises en relations sont convertibles : c’est-à-dire que si le blanc A est semblable au blanc B, le blanc B sera aussi semblable au blanc A. Deuxièmement, exister simultanément dans le temps et dans la nature : en effet, il ne peut y avoir de père sans qu’il y ait de fils ou vice-versa. Troisièmement, être présent en même temps dans la connaissance : on ne peut pas connaître l’un sans l’autre.

L’action est l’acte de l’agent en tant qu’agent.

La passion est l’action de l’agent reçue par le patient. La qualité se différencie de la passion en ce qu’elle dure plus.

“Où” est la relation de la chose avec le lieu ; comme “Je suis à l’Académie”.

“Quand” est la relation de la chose avec le temps, par exemple : “Quand cela a-t-il été écrit ? Dans l’année 1797 de notre ère.”

La situation est la disposition des parties en un lieu, comme être assis.

L’habit est la disposition des choses en relation avec les vêtements, comme porter une tunique.

Telles sont les catégories d’Aristote que les scolastiques traitent comme si elles constituaient un mystère. Mais les modernes, avec quelques rares exceptions, classent toutes les choses qui existent dans le monde, peut-être plus correctement, selon le distique [T10] suivant :

Esprit, mesure, repos, mouvement, position, figure
Sont, avec la matière, les principes de toutes choses.

[T10] Distique : groupe de deux vers (source : CNRTL).

Chapitre V. Les post-prédicaments

Aristote énumère cinq post-prédicaments : l’opposition, la priorité, la simultanéité, le mouvement, le mode d’être.

L’opposition est la répugnance d’une chose à propos d’une autre. La priorité est ce en quoi une chose est avant une autre. Elle peut être de cinq sortes : de temps, de nature, d’ordre, de dignité et de cause.

Est premier dans le temps ce qui précède une autre chose dans un intervalle déterminé de temps, comme la jeunesse et la vieillesse. Premier en nature, ce qui se déduit d’une autre chose de sorte que cette autre ne peut se déduire de celle-là. En ce sens, le genre est avant l’espèce, puisque, le genre donné, l’espèce se déduit ; mais pas le contraire.

On dit qu’est première dans l’ordre une chose qui en précède une autre dans une certaine série. Ainsi dans les nombres, le second est avant le quatrième.

Premier en dignité est ce qui est avant les autres dans l’honneur, comme l’évêque par rapport aux prêtres, qui lui sont subordonnés. Premier dans la cause est ce qui produit réellement une autre chose : le père est, en ce sens, avant le fils.

En encore autant de manières se dit également qu’une chose est postérieure à une autre, tout comme il y a autant de façons de pouvoir relier plusieurs choses pour qu’elles existent en même temps, étant donné que des choses opposées s’expliquent au moyen de raisonnements opposés.

Le mouvement correspond à la Physique. Et le mode d’être ne présente rien de spécial qui mérite qu’on parle de lui.

Chapitre VI. Signes des idées

Le signe sensible est, selon la définition de saint Augustin, celui qui, en dehors de l’image qu’il transmet aux sens, fait que quelque autre chose vient à la connaissance.

Il peut être naturel, celui qui par sa nature même annonce la chose : en ce sens, la respiration est le signe de la vie ; et arbitraire ou fantasque, celui qui suggère l’objet par la libre volonté des hommes, comme l’olivier symbolise la paix.

Le signe se divise en pratique, qui produit la chose qu’il signifie, comme les sacrements à propos de la grâce ; et spéculatif, celui qui signifie la chose, mais ne la produit pas, comme le tableau suggère le peintre. Il se divise de plus en démonstratif, s’il signifie une chose présente ; en pronostique, s’il signale une chose future ; et remémoratif, lorsqu’il nous suggère une chose passée.

On dit que le signe est vrai, si l’objet est congruent avec le signe proprement dit. Dans le cas contraire, il est considéré comme faux.

Le signe certain est celui qui ne trompe jamais, comme les signes naturels établis par Dieu ; incertain ou douteux est celui qui toujours, et par son essence, trompe. Et le signe probable est celui qui trompe seulement dans de rares occasions : les nuages dans le ciel durant la nuit sont le signe probable d’une matinée sereine.

Chapitre VII. La voix comme signe : le terme [N30]

[N30] Son animal émis par la bouche ou son émis par la bouche des animaux ; latin : sonus animalis ore prolatus.

La voix, le mot pris dans son sens strict, est un son animal émis par la bouche avec l’intention de signifier quelque chose. Elle peut être articulée, celle qui s’exprime au moyen de syllabes et selon des articles ; et inarticulée, celle qu’il n’est pas possible de séparer en syllabes, comme le braillement et le gémissement. Ces dernières voix sont communes aux hommes et aux animaux ; celles-là [les voix articulées] sont propres aux seuls hommes.

La voix articulée ou terme, dans le sens qu’ici nous donnons à ce mot, est le signe d’une chose perçue par la simple appréhension. Le terme se divise en catégorématique, ce qui seul et par soi signifie une certaine idée, comme l’homme, et syncatégorématique [T11], ce qui, isolé, ne signifie rien, mais qui signifie quelque chose, s’il s’unit au catégorématique, comme un tout.

[T11] Catégorématique : “Se dit d’un terme ou d’un symbole qui a par lui-même une signification. (Dans la scolastique, l’expression terme catégorématique est généralement réservée aux noms et aux verbes, qui peuvent constituer à eux seuls une phrase complète, les autres « parties du discours » étant nommées syncatégorématiques.)”. Source : Larousse,

Syncatégorématique : “Qui n’a de signification qu’en rapport avec d’autres mots (ex. aucun, et, ou, etc.), que lorsqu’il n’est pas pris isolément.” Source : CNRTL.

Le terme se divise aussi en concret, s’il signifie un sujet doté d’une forme, comme blanc, et abstrait, qui exprime une forme subsistant sans le sujet, comme la blancheur.

Le terme défini est celui qui signifie une chose concrète et déterminée, comme Pierre ; indéfini ou infinitant [N32], ce qui, au moyen de l’antéposition de la particule non, ne signifie rien concrètement sinon qu’il se limite à exclure quelque chose de déterminé, comme non-homme.

[N32] Infiniment ; latin infinitans : ce latinisme est employé pour une plus grande clarté.

Soit dit en passant, quelques termes sont négatifs dans la voix, mais positifs dans leur signification, comme l’immensité ; d’autres au contraire, sont positifs dans la voix et négatifs dans leur signification, comme mortel, et d’autres, finalement, sont négatifs tant dans la voix que dans la signification, comme impie.

Les termes se divisent, de plus, en transcendants et intranscendants. Ceux-là [les termes transcendants] conviennent à toutes les choses, comme l’être, le vrai, le bon, quelque, un, dont on compose avec les initiales un mot célèbre parmi les scolastiques, bien que barbare : REUBAU [T12] ; ceux-ci [les termes intranscendants] ne conviennent pas à toutes les choses. Le terme de première intention signifie la chose selon qu’elle est en soi, comme Pierre ; celui de seconde intention dénote la chose selon l’état que lui attribue l’entendement, comme le genre.

[T12] Du latin Res, Ens, Verum, Bonum, Aliquid, Unum : “Il n’y a rien en effet dans la nature qui ne soit une chose [Res], un être [Ens], qui ne soit vrai [Verum], bon [Bonum], qui ne soit un individu [Aliquid] et qui ne soit un [Unum].” Thomas d’Aquin, Somme théologique.

On appelle terme univoque le nom dont la signification est exactement la même chez tous les objets auxquels il convient. De cette manière on énonce l’homme en parlant de Pierre et de Paul. Un terme équivoque est le nom commun dont la signification est totalement différente en chacun des objets dont il est le prédicat, comme le mot chien respectivement à un animal domestique, à un animal marin et à une constellation.

Un terme analogue est le nom dont la signification est en partie la même et en partie différente dans les mêmes objets auxquels il se réfère, comme sain, qui se dit de l’aliment et du médicament : de celui-ci parce qu’il produit la santé et de celui-là parce qu’il la conserve. Les termes analogues sont de deux sortes : d’attribution et de proportion.

Un terme d’attribution est celui qui est attribué quand nous considérons de façon distincte l’idée signifiée par un même mot, comme sain. De proportion, celui qui est attribué à différents objets en tant qu’il garde la même relation avec des choses distinctes, comme le nom tête [cabeza] qui s’applique à la partie supérieure du corps humain et à celle d’une montagne.

Les propriétés principales des termes sont les suivantes : la supposition, qui est l’emploi d’un terme à la place de quelque chose représentée par ledit terme. Elle se divise en matérielle, qui est l’emploi du terme en substitution de lui-même comme “Homme est un mot” ; et formelle, qui est l’emploi du terme à la place de sa signification comme “L’homme est un animal qui pense”. Elle peut être collective, ou emploi du terme à la place de différents objets signifiés, pris conjointement, comme “Les Apôtres sont douze” ; distributive, ou emploi du terme pour tous et pour chacun des objets signifiés, comme “L’homme est un animal” ; et disjonctive, ou emploi du terme pour des variations des objets signifiés, pris séparément, comme “L’homme est blanc”.

L’ampliation est l’extension du terme d’une signification plus petite à une autre plus grande, comme “Le Christ est mort pour tous”. La restriction est la réduction du terme d’une signification plus ample à une autre plus petite, comme Orateur pour Cicéron. L’aliénation est le déplacement du terme de sa signification propre vers une autre éloignée de lui, comme “La justice est le sel de la vie”. L’appellation est l’addition d’un terme à un autre.

Mais nous en avons suffisamment dit sur la première opération de l’entendement.


Patrick Moulin, alias @dsirmtcom, mars 2022.

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