Luz y Caballero, Los Filósofos [Les Philosophes] – I

Essais Philosophiques CubainsJosé de la Luz y Caballero, Aforismos

Los Filósofos – Les Philosophes – I

Aux côtés des Grecs et des Allemands, il est nécessaire de placer les Puranas1 indiens.

La doctrine de Pythagore, le maître de Platon, est très profonde.
Les
nombres, l’harmonie ; la base étant le 1 et le 3. Ahrens2 n’a pas pénétré Pythagore.
Pythagore, grand
bâtisseur et par conséquent un grand harmoniste ; éminemment synthétique, sans quoi pas de science3.
La graine d’un grand homme nous féconde de telle manière que nous devinons tout son système ; que nous compénétrons avec lui. Il nous suffit de dire
ex ungue leonem4. Que cela indique seulement le sentiment de sa force comme dans un nuage ou par instinct. Il faudrait dire ex semine arbor5, parce qu’il y a la terre, l’irrigation et la vie : encore mieux : Petrus plantativ, Apollo rigavit, Deus aute incrementum dedit6.

Aristote fut la forme substantielle de la philosophie. D’une autre façon. Qui de plus créateur et surtout organisateur ? Qui a donné plus de forme à la matière ? En dehors de cela, il a beaucoup créé et aggloméré.
Parfois, donner une forme est créer. Ainsi il a créé de deux manières.
Platon a initié, créé beaucoup. Mais il devait beaucoup à Pythagore. Une chose que comme par instinct j’ai ressentie depuis que j’ai salué Platon. Qui tenait plus de Pythagore !
« Dieu est un acte pur » (Aristote).
« Dieu est la pensée de la pensée » (Aristote).

Dans El Faro7 du 24 septembre 1846. Sur la philosophie grecque. Section de San Millán. Il cite un parallèle entre Platon et Aristote par Cousin8, dans lequel ce dernier a le malheur d’attribuer au Stagirite le caractère d’un naturaliste plutôt que d’un mathématicien. Son traducteur Barthélémy Saint-Hilaire9 ne le pensera certainement pas ainsi ; car il ne peut rien y avoir de plus mathématique dans la substance et dans le mode que ses nombreux travaux sur la Logique – une de ses branches préférées – le ton général de ses travaux étant le style éminemment mathématique – Aristote et les formules sont synonymes.
Cependant, qu’il ne le soit pas exclusivement – comme certains mathématiciens ont eu coutume de l’être, abstracteurs de la réalité – mais plutôt un physicien, ou pour mieux dire compréhensif, complet, philosophe par excellence,
s’il en fut jamais10, mais non un simple naturaliste comme Vous essayez de le caractériser – car c’est une autre histoire, ami Cousin !
Cette antithèse provocatrice et délicate vous perd, écrivains de la France moderne !
Ainsi, c’est une inexactitude
criante11 que « Platon fut l’homme de l’abstraction, Aristote celui de la classification ». Car le premier est l’instrument obligé du second. On ne peut même pas dire – ce qui reflète plus la réalité – que l’un représente la synthèse et l’autre l’analyse, puisque Aristote est bien synthétique. Nous dirons alors : le premier le génie de l’idéalisme, le second celui de la réalité. De tout ce qui a été dit, c’est la seule chose qui soit exacte.

Platon a appelé son disciple Aristote le philosophe de la vérité, et il a dit si vrai que le monde l’a proclamé philosophe par excellence.
Aristote, créateur et organisateur par excellence, et si supérieur qu’il exhume même les opinions antérieures les plus ignorées sur toute matière qu’il examine, en citant minutieusement les noms des auteurs et de leurs écoles.
Ainsi, il n’y a jamais eu de charge plus injuste que celle de Bacon sur Aristote, selon laquelle il aurait assassiné ses collègues et ses contemporains pour s’introniser lui-même. Ce qui l’élève est sa supériorité même, et son mérite ne cesserait d’être exalté si la calomnie et le
tolle tolle12 ne le suivaient, comme l’ombre suit le corps.

Aristote, la première étoile qui soit apparue à l’horizon de la science.

El Faro du 25 septembre 1846. San Millán, à propos d’Aristote, dit : « Que ses œuvres n’ont pas été traduites en France jusqu’à ce que Victor Cousin l’ait entrepris. »
Quand ? Comment ? Ce qu’a fait Cousin fut de proposer la traduction et exécuter uniquement celle du livre 12 (un petit carnet) de la Métaphysique, à l’occasion de son rapport sur le concours de 1835. Il dit que c’est en Espagne qu’il y avait la traduction manuscrite intégrale. Et en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Belgique ? Soyez prudent, mon ami, avec les absolus et le nationalisme.

Quel tableau tant achevé que la description du Philosophe par Platon, que l’on trouve dans le Théétète ! Il le décrit aussi dans d’autres endroits.
Grandes étaient les aspirations de Platon pour la pauvre humanité ! C’est pourquoi sa philosophie est par excellence la philosophie de l’idéal : c’est pourquoi elle servit d’aliment à l’âme ardente et élevée du grand Augustin.

Dans les compositions poétiques du concours du Lycée du 1er jour sur « le lien entre science et littérature », tous ont négligé le plus haut luminaire de Platon. Aucun commandement à exécuter ne pourrait faire étalage d’une meilleure preuve [de leur] manque d’érudition et de goût.

1. Combien de superficialité dans l’article sur la prééminence des lettres, etc., publié avant-hier dans El Faro. Ne mentez pas à Platon et Hippocrate, et ne parlez pas non plus de Vitruve, et une fois que vous citez Aristote et Pline, vous le faites en les sous-estimant et en les ignorant. Et Archimède ? était-il un Pygmée dans les sciences ? Est-il parvenu ou non à nos jours ?
2. Qu’il est injuste, parce qu’ignorant, envers ses propres contemporains et compatriotes !
3. Comment changer les freins dans l’appréciation générale !
Tractent fabrilia fabri13.
Bien entendu, je ne le juge qu’en fonction de l’état des connaissances, ou pour mieux dire selon les données popularisées à cette époque (1803) ; car alors déjà on en savait beaucoup plus que le chroniqueur, bien qu’infiniment moins qu’aujourd’hui dans ces matières.
Quelle ne serait donc pas ma douleur de voir qu’aujourd’hui dans ma patrie on donne des diplômes pour un travail notable, ou du moins curieux, d’une telle mesquinerie ?
Nous savons peu, malgré ce qu’ils disent ! Cette publication correspond à la raison qui l’a occasionnée : les compositions et la qualification (le pire des cas) sur le thème proposé par le
Lycée pour un concours littéraire.
Tel quel.
Exempli gratia14.
Le chroniqueur estime que
Lagrange est un homme de second ordre. Lagrange, qui à 21 ans a formulé et démontré ces trois théorèmes fondamentaux en astronomie !

Le premier philosophe de la chrétienté, Saint Paul.
Les P.P.
15, les premiers moralistes du monde — et les derniers.

Il n’y a pas une ligne de saint Augustin qui ne respire la pénitence et la louange. (Même dans les matières les plus éloignées, à ce qu’il semble).
Grande âme, très grande : encore plus grande dans son humiliation que dans sa grandeur mondaine.
Rien n’élève plus que l’humiliation devant Dieu. Comme si cela nous rendait plus forts, contre le monde extérieur et intérieur (les
passions, le leo rugiens16 de Saint Paul).
Il faut considérer saint Augustin non plus comme un écrivain de premier ordre, mais comme l’un des plus grands hommes qui aient existé.
En tant qu’écrivain, il se distingue par la concision et est sans égal dans le
bonheur de l’expression.
Il écrit avec le cœur, comme saint Paul, c’est pourquoi il impressionne si fortement.
L’un des plus grands miracles du christianisme est la conversion de semblables athlètes.

J’ai fini par comprendre le pauvre Origène17 : il lui manquait une philosophie supérieure – une religion plus synthétique – d’autant plus nécessaire à son imagination volcanique.

Personne n’est plus mal compris (de part et d’autre) ni plus facile à comprendre, du moins dans son idée mère, que le grand Verulamio18.

Quand Bossuet19 parle, on entend toujours un homme.

Comme je me souvenais de Montesquieu ! à qui, bien qu’on puisse le taxer d’être injuste pour son absolu, il faut lui concéder qu’il a eu raison en substance.
Il devina, comme le fait le génie.

Au milieu de la superficialité tant reprochée, parfois à juste titre, à Voltaire par Demaistre20, celui-là même, sans le vouloir, met pour le moins en valeur ses observations profondes sur les phénomènes historiques.
Il n’y a pas de doute qu’il y avait de la philosophie chez Voltaire… Comme le monde a changé !…
Cela devient aujourd’hui un effort d’être impartial avec Voltaire. Mais il est nécessaire de l’être même avec le Diable, sous peine de nous condamner ; et même s’il n’y avait pas de peine pour cela (dans le style de sainte Thérèse) :
« Il ne me remue pas,
véritablement, pour t’aimer,
le ciel que tu m’as promis »,
par honnêteté, par pur plaisir de conscience, par devoir essentiel de quiconque aspire à s’appeler
homme.

Même si Rousseau n’avait pas dit plus que « l’inventeur serait plus célèbre que le héros », en ce qui concerne l’histoire et la morale de l’Évangile, il mériterait plus de privilèges comme penseur que ceux qui lui sont réservés aujourd’hui. La mode jusque dans cela, et dans d’autres, la frénésie, la manie. Justice !
Le texte de saint Paul : « argumenter, exhorter, observer
opportune importune in omni patientia et doctrina21 » — pare fatto á posta22.

L’athéisme de Feuerbach23 n’est pas celui des encyclopédistes du XVIIIe siècle.

Bibliographie

LUZ Y CABALLERO J. (de la), Obras – Aforismos, La Habana, Ediciones Imagen Contemporánea, 2001.


Traduction et annotations : Patrick Moulin, MardiPhilo.fr, mars 2024.

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Notes

  1. Un purana est un texte appartenant à un vaste genre de la littérature indienne, traitant d’une grande gamme de sujets. ↩︎
  2. Heinrich Ahrens (1808-1874), est un juriste et un philosophe allemand. ↩︎
  3. En français dans le texte. ↩︎
  4. Ex ungue leonem : Le lion se reconnaît à ses griffes. ↩︎
  5. Ex semine arbor : L’arbre naît de sa graine. ↩︎
  6. Petrus plantativ, Apollo rigavit, Deus aute incrementum dedit : Pierre l’a planté, Apollon l’a arrosé ; mais Dieu l’a fait croître. ↩︎
  7. El Faro est une revue hispanophone, non identifiée précisément. ↩︎
  8. Victor Cousin (1792-1867) est un philosophe et homme politique français. ↩︎
  9. Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1805-1895) est un philosophe, journaliste et homme d’État français. ↩︎
  10. En français dans le texte. ↩︎
  11. En français dans le texte. ↩︎
  12. Tolle tolle : Terme pour la critique insensée [Note de Roberto Agramonte]. ↩︎
  13. Tractent fabrilia fabri : Les forgerons s’occupent de travaux de forgerons. ↩︎
  14. Exempli gratia : pour exemple. ↩︎
  15. P.P. : les Apôtres, sans doute “Primeros Padres”, les Premiers Pères. Une note supra traduit l’acronyme par “Padres de la Iglesia”, les Pères de l’Église. ↩︎
  16. Leo rugiens : Le rugissement du lion. ↩︎
  17. Origène (185-253) est le père de l’exégèse biblique. ↩︎
  18. Francis Bacon, Verulamus ou Verulamius en latin (1561-1626) est un scientifique, un philosophe et un homme d’État anglais. ↩︎
  19. Jacques-Bénigne Bossuet, surnommé l’« Aigle de Meaux » (1627-1704) est un homme d’Église, évêque, prédicateur et écrivain français. ↩︎
  20. “Le grand crime de Voltaire est l’abus du talent et la prostitution réfléchie d’un génie créé pour célébrer Dieu et la vertu.” Joseph De Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg. ↩︎
  21. Opportune importune in omni patientia et doctrina : Il y a ou non une opportunité, toujours avec patience et avec connaissance. ↩︎
  22. Pare fatto á posta : cela semble fait exprès. ↩︎
  23. Ludwig Andreas Feuerbach (1804-1872) est un philosophe bavarois. ↩︎

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