Poésie – José Lezama Lima, Pabellón del vacío [Le Pavillon du vide]

Poésie et Philosophie

Poésie n° 26

“Le “Pavillon du vide” est le dernier poème que José Lezama Lima écrivit avant sa mort. Il était particulièrement cher à María Zambrano.” Laurence Breysse-Chanet, Revue Europe, 2014.

Pabellón del vacío

Voy con el tornillo
preguntando en la pared,
un sonido sin color,
un color tapado con un manto.
Pero vacilo y momentáneamente
ciego, apenas puedo sentirme.
De pronto, recuerdo,
con las uñas voy abriendo
el tokonoma en la pared.
Necesito un pequeño vacío,
allí me voy reduciendo
para reaparecer de nuevo,
palparme y poner la frente en su lugar.
Un pequeño vacío en la pared.

Estoy en un café
multiplicador del hastío,
el insistente daiquirí
vuelve como una cara inservible
para morir, para la primavera.
Recorro con las manos
la solapa que me parece fría.
No espero a nadie
e insisto en que alguien tiene que llegar.
De pronto, con la uña
trazo un pequeño hueco en la mesa.
Ya tengo el tokonoma, el vacío,
la compañía insuperable,
la conversación en una esquina de Alejandría.
Estoy con él en una ronda
de patinadores por el Prado.
Era un niño que respiraba
todo el rocío tenaz del cielo,
ya con el vacío, como un gato
que nos rodea todo el cuerpo,
con un silencio lleno de luces.

Tener cerca de lo que nos rodea
y cerca de nuestro cuerpo,
la idea fija de que nuestra alma
y su envoltura caben
en un pequeño vacío en la pared
o en un papel de seda raspado con la uña.
Me voy reduciendo,
soy un punto que desaparece y vuelve
y quepo entero en el tokonoma.
Me hago invisible
y en el reverso recobro mi cuerpo
nadando en una playa,
rodeado de bachilleres con estandartes de nieve,
de matemáticos y de jugadores de pelota
describiendo un helado de mamey.
El vacío es más pequeño que un naipe
y puede ser grande como el cielo,
pero lo podemos hacer con nuestra uña
en el borde de una taza de café
o en el cielo que cae por nuestro hombro.

El principio se une con el tokonoma,
en el vacío se puede esconder un canguro
sin perder su saltante júbilo.
La aparición de una cueva
es misteriosa y va desenrollando su terrible.
Esconderse allí es temblar,
los cuernos de los cazadores resuenan
en el bosque congelado.
Pero el vacío es calmoso,
lo podemos atraer con un hilo
e inaugurarlo en la insignificancia.
Araño en la pared con la uña,
la cal va cayendo
como si fuese un pedazo de la concha
de la tortuga celeste.
¿La aridez en el vacío
es el primer y último camino?
Me duermo, en el tokonoma
evaporo el otro que sigue caminando.

Le Pavillon du vide

Une vis à la main
je questionne le mur,
pour un son sans couleur,
une couleur revêtue d’un manteau.
Mais je vacille et aveugle
tout à coup, je me sens disparaître.
Je me souviens, soudain,
et j’ouvre de mes ongles
le tokonoma dans le mur.
J’ai besoin d’un petit vide,
je m’y réduis
pour surgir à nouveau,
me palper, remettre mon front à sa place.
Un petit vide dans le mur.

Je suis dans un café
qui multiplie ma lassitude,
l’insistant daïquiri
revient comme un visage sans secours
pour mourir, pour le printemps.
Je parcours de mes mains
le revers de ma veste qui me semble tout froid.
Je n’attends personne
et j’insiste, quelqu’un doit arriver.
De mon ongle, soudain,
je trace un petit creux sur la table.
C’est pour moi le tokonoma, le vide,
la compagnie irremplaçable,
la conversation au coin d’une rue d’Alexandrie.
J’entre avec lui dans une ronde
de patineurs sur le Prado.
Il était un enfant qui respirait
toute la rosée tenace du ciel,
emplie du vide déjà, comme un chat
qui entoure notre corps
d’un silence de lumières.

Tout autour de notre corps,
être tout entouré
de cette idée fixe, que notre âme
et son enveloppe sont contenues
dans un petit vide dans le mur
ou dans un papier de soie que gratte l’ongle.
Je me réduis,
je suis un point qui disparaît et qui revient
et je tiens tout entier dans le tokonoma.
Je deviens invisible
et dans l’envers je retrouve mon corps
qui nage sur une plage,
entouré d’écoliers aux étendards de neige,
de mathématiciens et de joueurs de balle
qui décrivent une glace au mamey.
Le vide est plus petit qu’une carte à jouer
et peut être aussi grand que le ciel,
mais on peut le faire juste avec notre ongle
sur le bord d’une tasse à café
ou sur le ciel qui tombe sur notre épaule.

Le commencement s’unit au tokonoma,
un kangourou peut se cacher dans le vide,
sans perdre sa joie bondissante.
L’apparition d’une grotte
est mystérieuse, elle va dévidant son terrible.
S’y cacher c’est trembler.
Les cors des chasseurs résonnent
dans le bois gelé.
Mais le vide est serein,
on peut l’attirer par un fil
et l’inaugurer dans l’insignifiance.
Je griffe le mur de mon ongle,
la chaux tombe peu à peu
comme un morceau de carapace
de la tortue céleste.
L’aridité dans le vide,
est-ce le premier et le dernier chemin ?
Je m’endors, dans le tokonoma
j’évapore l’autre qui continue à cheminer.

1er avril et 1976.

Traduit de l’espagnol (Cuba) par Laurence Breysse-Chanet.

Bibliographie

EUROPE (revue) :

  • José Lezama Lima, n° 979-980 / Novembre-Décembre 2010.
  • María Zambrano, n° 1027-1028 / Novembre-Décembre 2014.

LEZAMA LIMA J., Poesia completa [texte intégral au format PDF].


Patrick Moulin, MardiPhilo.fr, décembre 2023.

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