L’homme naît dans les affres, Et sa naissance est un risque de mort. Ce qu’il connaît d’abord, C’est la douleur ; à peine est-il en vie Que ses parents déjà doivent le consoler De l’avoir mis au monde. Puis à mesure qu’il grandit L’un et l’autre le soutiennent, Tâchent à lui donner courage Et réconfort de notre humaine condition. Il n’est pour les parents charge plus douce Auprès de leurs enfants Mais pourquoi mettre au jour Et tenir dans la vie L’être qu’il faut consoler d’elle ?
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Poésie – Walt Whitman, Il y avait une fois un enfant qui sortait chaque jour
Il y avait une fois un enfant qui sortait chaque jour, Et au premier objet sur lequel se posaient ses regards, il devenait cet objet, Et cet objet devenait une part de lui-même pour tout le jour ou une partie du jour, Ou pour nombre d’années ou d’immenses cycles d’années.
Poésie – Giacomo Leopardi, Il pensiero dominante [La Pensée dominante]
Cet âge vaniteux Qui se repaît de vides espérances, Aime les contes et hait la vertu ; Cet âge sot qui adore l’utile Et ne voit point la vie Se faire chaque jour plus inutile.
Poésie – José Lezama Lima, Pabellón del vacío [Le Pavillon du vide]
L’aridité dans le vide, est-ce le premier et le dernier chemin ? Je m’endors, dans le tokonoma j’évapore l’autre qui continue à cheminer.
Poésie – Jean de la Croix (Juan de la Cruz), Noche oscura (Canciones del alma) [Nuit obscure (Chansons de l’âme)]
Dans une nuit obscure d’une fièvre d’amour tout embrasée ô joyeuse aventure dehors me suis glissée quand ma maison fut enfin apaisée...
Poésie – Pablo Neruda, No hay olvido (Sonata) [Il n’y a pas d’oubli (Sonate)]
Si vous me demandez où j’étais je dois dire : “Il arrive que”. Je dois parler du sol que les pierres obscurcissent, du fleuve qui en se prolongeant se détruit : je ne connais que les choses perdues par les oiseaux, la mer laissée en arrière, ou ma sœur qui pleure.
Poésie – Pablo Neruda, Trabajo frío [Travail froid]
Dis-moi, du temps, résonnant dans ta sphère partielle et douce, entends-tu, par hasard, le sourd gémissement ?...
Poésie – José Lezama Lima, María Zambrano
Elle a des chats réfrigérants et des chats thermiques, ces fantômes élastiques de Baudelaire la regardent si minutieusement que c’est craintivement que María commence à écrire...
Poésie – Hugo Jamioy Juagibioy, Escarba las cenizas [Fouille les cendres]
Enfant, le fourneau d’où tu as détaché ton nom est à l’abandon tandis que dans le froid tu cherches un abri extérieur à ta propre énergie...
Poésie – Miguelángel López Hernández (Vito Apüshana), Vivir – morir [Vivre – mourir]
Nous croissons, comme des arbres, à l'intérieur de la trace de nos aïeux....
Poésie – José Lezama Lima, Muerte de Narciso [La mort de Narcisse]
Danaé tisse le temps doré au bord du Nil, enveloppant les lèvres qui passaient parmi les lèvres et les vols déliés. La main ou la lèvre ou l'oiseau blanchissaient. C'était le cercle dans la neige qui s'ouvrait...
Poésie – Fredy Chikangana (Wiñay Mallki), Puñado de Tierra [Poignée de terre]
On m’a donné une poignée de terre pour que j’y vive. On m’a dit : “Prends, ver de terre : c’est là que tu cultiveras, que tu élèveras tes enfants, que tu mâcheras ton maïs béni.”...
Poésie – José Lezama Lima, Esperar la ausencia [Attendre l’absence]
Dans la nuit attendre une visite ou ne rien attendre et voir que le fauteuil avance lentement et s’éloigne de la lampe...
Poésie – Lucid Beausonge, Lettre à un rêveur
Lettre à un rêveur qui s'ignore Qui jongle avec les "faudrait" et les "y a qu'à" Retourne coucher dans son décor Quand le réel reprend ses droits Vendez-moi une île déserte...
Poésie – Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, “Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ?”
Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ? Un serment fait d’un peu plus près, une promesse Plus précise, un aveu qui veut se confirmer, Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer...
Poésie – Arthur Rimbaud, Sensation
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue : Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue...
Poésie – Pierre Reverdy, Les vides du printemps
En passant une seule fois devant ce trou j’ai penché mon front Qui est là Quel chemin est venu finir à cet endroit Quelle vie arrêtée Que je ne connais pas...
Poésie – Apollinaire, Automne malade
Automne malade et adoré Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigé Dans les vergers...
Poésie – Esperanza Ortega, En la hora desnuda [À l’heure nue]
À l'heure nue Seulement cela Une seconde de lumière et de paradis...
Poésie – Pierre Reverdy, Droit vers la mort
Le matin allait à peine ouvrir son œil Sur la route où passaient les hommes gigantesques Seul il roulait sa boule parmi les yeux indifférents Toute sa peine est étrangère aux autres et lui ne cherche pas à savoir s'ils en ont...
Poésie – Raúl Zurita, Diálogo con Chile [Dialogue avec le Chili]
Tu verras une mer de pierres Tu verras des marguerites dans la mer Tu verras un Dieu de la faim Tu verras la faim...
Poésie – Giacomo Leopardi, Alla luna [À la lune]
Ah ! qu’il est doux, Au temps de la jeunesse, quand le cours de l’espoir Est encor long, bref celui de la mémoire, De se ressouvenir des choses du passé Quand même elles sont tristes, et que la peine dure.
Poésie – Jorge Manrique, ¡Oh, Mundo! Pues que nos matas… [Ô, monde ! Puisque tu nous tues…]
Ô monde ! Puisque tu nous tues, Hors d'ici la vie que tu as donnée à Toute vie ; Mais comme tu nous traites ici, Le meilleur et le moins triste C’est le départ...
Poésie – Raúl Zurita (Chili), Guárdame en ti [Garde-moi en toi]
Garde-moi toujours en toi Tiens-moi en toi, dans le filet d'air qui demeure encore dans ta voix Forte et lointaine Comme les lits glaciaires dans lesquels le Printemps s’écoule.
Poésie – Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, “Non, merci.”
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît, Et, modeste d’ailleurs, se dire : mon petit, Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles, Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard, Ne pas être obligé d’en rien rendre à César, Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite, Bref, dédaignant d’être le lierre parasite, Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Poésie – Arthur Rimbaud, Le Dormeur du Val
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Poésie – Esperanza Ortega, No os diré nunca adiós [Je ne leur dirai jamais adieu]
Je ne leur dirai jamais adieu, Vieilles paroles gaspillées, Aux amis Aux fêtes Aux projets inachevés...
Poésie – Esperanza Ortega, Piadosamente (Lo que va a ser de ti) [Pieusement (Ce qu’il va en être de toi)]
La vérité est que tu ne sais pas non plus Ce qu’il va en être de toi.
Poésie – Giacomo Leopardi, L’Infinito [L’Infini]
E il naufragar m’è dolce in questo mare. (Et m’abîmer m’est doux en cette mer.)