NC – Tchouang-Tseu, Les Œuvres de Maître Tchouang

Notes contemplatives de lecture – Note contemplative n° 54

Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.

Notes de lecture

Première partie. Les chapitres intérieurs

Une petite intelligence est incapable de saisir les desseins d’un grand esprit ; qui a une vie brève ne peut se faire une idée d’une vie longue. Le champignon du matin ignore l’alternance du jour et de la nuit ; comment la cigale qui ne chante qu’un été connaîtrait-elle le cycle de l’année ? p. 14.

L’homme accompli n’a pas de moi, l’homme inspiré d’œuvre, l’homme saint de renom. p. 15.

Parler n’est pas simplement produire un son. Car il y a des paroles dans la parole. Néanmoins, quand ce dont on parle n’est pas déterminé, peut-on dire qu’on a parlé ou bien alors n’a-t-on rien dit ? p. 21.

Un éleveur de singes dit un jour à ses pensionnaires en leur distribuant des châtaignes : « Désormais vous en aurez trois le matin et quatre le soir. » Fureur chez les singes. « Bon alors, fait l’homme, ce sera quatre le matin et trois le soir. » Et les singes de manifester leur contentement. p. 23.

Comment savoir si ce que j’appelle connaître est en réalité ne pas connaître et ce que j’appelle ne pas connaître est en réalité connaître ? p. 26.

Nul ne sait, au moment où il rêve, que son rêve est un rêve et non pas la réalité. p. 28.

Celui qui sait profiter des circonstances et s’y soumettre ne connaît ni la joie ni la tristesse. p. 33.

La parole est comme le vent qui soulève les vagues ; elle a des répercussions hors de proportion avec les circonstances qui l’ont provoquée ; la vague se soulève aussi facilement sous l’action du vent que la perte du contact avec le réel met irrémédiablement les jours de l’orateur en danger. p. 39-40.

Les hommes connaissent tous l’utilité de l’utile, mais nul ne sait l’utilité de l’inutile. p. 44.

Ce qui me rend douce la vie me rendra douce la mort. p. 59.

Laisse ton esprit vagabonder dans la sérénité. Unis tes souffles au silence. Conforme-toi au cours spontané des êtres, n’accueille en ton sein nulle pensée et le monde connaîtra la paix. p. 66.

Deuxième partie. Les chapitres extérieurs

Un petit égarement fait perdre l’orientation, un grand les sentiments innés. p. 75.

L’humanité trouve toujours quelque chose à quoi se sacrifier. p. 75.

Qui au lieu de regarder en lui-même regarde vers autrui, qui au lieu de se satisfaire lui-même satisfait les autres, celui-là satisfait aux exigences des autres mais non aux siennes ; il répond aux aspirations des autres mais non aux siennes. p. 76.

On ne dirige pas le monde, on le préserve, on l’enclôt. On le préserve de peur que sa nature première ne se corrompe ; on l’enclôt afin qu’il ne se départe de sa vertu originelle. p. 85.

C’est par le non-agir que l’on retrouve sa vraie nature. p. 86.

La plupart des gens aiment ceux qui leur ressemblent et détestent ceux qui sont différents. S’ils sont attirés par ceux qui leur ressemblent et rebutés par ceux qui sont différents, c’est qu’ils espèrent se placer au-dessus de la masse, mais en désirant se placer au-dessus de la masse, ils ne font que s’y conformer. p. 91.

Qui sait reconnaître sa bêtise n’est pas totalement stupide ; qui se rend compte de son égarement ne s’égare qu’à moitié. Car celui qui est totalement égaré ne le sait pas. De même qu’un grand sot n’en prendra jamais conscience. p. 104.

L’écriture n’excédant jamais la parole, c’est donc cette dernière qui est précieuse ; ce qu’il y a de précieux en elle n’est rien d’autre que l’idée exprimée. L’idée s’attache toujours à quelque chose d’ineffable. Pourtant le monde apprécie les mots et les transmet par les livres. p. 113.

Rien ne vaut la barque pour les voyages par voie d’eau, ni la charrette pour ceux par voie de terre. Mais si on se sert d’une barque pour voyager sur la terre ferme, au bout de milliers de générations, on n’aura toujours pas avancé d’un pouce. Le passé n’est-il pas au présent ce que l’eau est à la terre ferme ? p. 119-120.

Seul celui qui se plie à la grande évolution sans chercher à l’arrêter est à même d’en faire usage. C’est pourquoi il est dit : « Gouverner c’est rectifier. » p. 122.

Si déjà une poussière dans l’œil peut vous brouiller la vue et une piqûre de moustique vous empêcher de dormir, on comprend que le bien et le juste puissent provoquer des désastres autrement sérieux ; ils affligent l’âme ; et je ne sais trouble plus grave. p. 122.

De nos jours, on estime ses ambitions satisfaites lorsqu’on roule carrosse et porte bonnet. p. 131.

Si l’on se tourmente de la perte d’un bien provisoire, c’est que la joie provoquée par sa possession était mensongère. p. 131.

Ce que l’homme ignore excède ce qu’il connaît ; la durée de son existence n’est rien comparée au temps où il n’existe pas. p. 134.

La vie passe rapide comme un cheval au galop, il n’est rien qui ne bouge et ne se transforme ; tout change à chaque instant. Alors que faire ou ne pas faire ? Eh bien ! laissez-vous aller aux transformations spontanées. p. 137.

Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà le céleste […]. Passer la bride au cheval, percer les naseaux du buffle, voilà l’humain. p. 138.

Toute vie humaine s’accompagne de soucis, la longévité est un fardeau et l’on finit à la longue par se désoler de ne pas disparaître assez tôt. Mérite-t-elle nos regrets, cette existence, et n’est-ce pas la preuve que nous nous sommes éloignés de notre corps ? p. 144.

La vie se résume à un emprunt ; le Ciel nous confie le souffle à titre provisoire et nous naissons. La vie n’est que poussière. La vie et la mort ne diffèrent pas du jour et de la nuit. p. 146.

Un petit sac n’est pas fait pour contenir de gros objets, une courte corde pour puiser l’eau d’un puits profond. p. 147.

La maladresse vient de ce que le dehors prend le pas sur le dedans. p. 153.

Ce qu’on refuse pour le bien des porcs, nous sommes prêts à l’accepter pour nous-mêmes. Mais en quoi notre vie diffère-t-elle d’un pourceau ? p. 154.

Une chaussure bien adaptée fait oublier le pied, une ceinture les reins, l’esprit le vrai et le faux. Être à l’abri des révolutions intérieures et extérieures, telle est l’adaptation parfaite aux circonstances. Qui se trouve adapté du début à la fin, en toutes circonstances, possède cette adaptation qui fait oublier l’adaptation. p. 158.

Rien n’est pire que la mort de l’esprit. La mort elle-même n’est rien en comparaison. p. 171.

Dire qu’on ne sait pas est profond, prétendre qu’on sait superficiel. Ne pas connaître, c’est aller au fond des choses, connaître rester à la surface. p. 186.

La vie ne fait pas naître la mort, la mort ne fait pas mourir la vie. p. 187.

Troisième partie. Les chapitres divers

L’homme propose, le ciel dispose. p. 197.

L’être ne peut être à partir de l’être. Il tire nécessairement sa substance du non-être. p. 199.

La perte de l’instinct a rendu l’adaptation nécessaire. p. 199.

Seul l’insecte sait être insecte, seul l’insecte sait être parfaitement naturel. L’homme parfait est-il purement naturel, ou bien s’agit-il encore d’un naturel humain ? p. 201.

[Il] n’est pas bon que le bonheur de l’humanité soit laissé à l’appréciation d’un seul homme, c’est croire qu’un coup d’œil suffit à embrasser la totalité du réel. p. 212.

La surface occupée par deux pieds humains est infime ; pourtant c’est grâce à tout l’espace inutilisé qu’il est loisible de circuler. Bien que l’entendement humain soit des plus réduit, c’est en s’aventurant dans ce qu’il ne connaît pas qu’il peut se faire une idée du Ciel. p. 215.

Élimine les jours, et il n’y aura plus d’année, plus de dedans, plus de dehors. p. 218.

Bien que chaque saison ait des caractéristiques propres, le Ciel n’en favorise aucune, en sorte que l’année peut s’accomplir. p. 224.

La raison finit là où le Tao commence. p. 225.

Dire qu’il n’y a ni début ni fin, et donc qu’il y a une double absence, voilà qui marque le début du discours sur l’être et en même temps l’impossibilité de tout discours sur l’être. p. 226.

L’homme parfait n’est pas rigide dans sa conduite. p. 232.

Celui qui parle sans parler pourra parler toute sa vie sans qu’on considère qu’il a parlé ; il pourra se taire toute sa vie sans que l’on puisse décréter qu’il n’a pas parlé. p. 235.

On ne peut confier le gouvernement d’un empire qu’à celui qui n’en a cure. p. 239.

Si tu n’arrives pas à te contrôler, alors lâche-toi. p. 246.

Qui n’oublie pas les richesses qu’il a distribuées ne saurait être une manne céleste. p. 278.

On a détruit la beauté du monde en voulant le comprendre, on a disséqué la raison des choses, on a morcelé la science globale et intuitive des anciens. p. 283.

Choisir c’est manquer l’universel, de même qu’enseigner une doctrine particulière, c’est s’interdire la perfection. Car la vraie Voie, elle, ne laisse rien de côté. p. 287.

Connaître, c’est ne rien savoir. p. 287.

Sois comme l’eau en mouvement, un miroir au repos, l’écho en répondant. p. 288.

Le soleil au zénith est déjà sur le déclin. Tout être qui vient au monde est déjà mort. p. 290.

L’idée n’atteint pas les choses, sinon elle s’identifierait à celles-ci et ne serait plus idée mais chose. p. 291.

Bibliographie

Tchouang-Tseu, Les Œuvres de Maître Tchouang, Paris, Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2010.

Voir aussi

« Nous n’aurons pas le Temps – Consolation de l’Éphémère »

« De Socrate à Descartes », Fiche de lecture n° 4, Arrien, Le “Manuel” d’Épictète.

Carnet de Vocabulaire Philosophique : Éphémère ; Épochè ; Impermanence ; Logos.

Doctrines et Vies des Philosophes Illustres : Aristote ; Bergson ; Descartes ; Épictète ; Kant ; Pyrrhon ; Socrate.

Fiches de lecture : Platon : Cratyle, Phèdre ; Sénèque : De la brièveté de la vie, De la Tranquillité de l’âme, De l’oisiveté, Lettres à Lucilius ; Thich Nhat Hanh, Transformation et guérison.

Notes contemplatives : Agamben, Pinocchio ; Berkeley, Principes de la connaissance humaine ; Boèce, La Consolation de Philosophie ; Carroll, Alice au Pays des merveilles ; Conche, Temps et destin ; Confucius, Entretiens avec ses disciples ; Les Cyniques grecs : Fragments et témoignages ; Dante, La Divine Comédie ; De Martino, Morts et pleurs rituels ; Grenier, L’esprit du Tao ; Hadot, N’oublie pas de vivre ; Héraclite, Fragments ; Hume, Enquête sur l’entendement humain ; Kleist, Sur le théâtre de marionnettes ; Lie-Tseu, Les Fables de Maître Lie ; Marcel, Homo viator ; Nietzsche : Ainsi parlait Zarathoustra, Le Gai-Savoir ; Parménide, Le Poème ; Quignard : Les désarçonnés, les Ombres errantes, Sur le jadis ; Sénèque, Consolations ; Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes ; Tchouang-Tseu, Les Œuvres de Maître Tchouang ; Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus.


Dsirmtcom, avril 2023.

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