Poésie – José Lezama Lima, Muerte de Narciso [La mort de Narcisse]

Poésie et Philosophie

Poésie n° 19

La mort de Narcisse

Danaé tisse le temps doré au bord du Nil,
enveloppant les lèvres qui passaient
parmi les lèvres et les vols déliés.
La main ou la lèvre ou l’oiseau blanchissaient.
C’était le cercle dans la neige qui s’ouvrait.
La main était exsangue, la soie effaçait
la perfection qui meurt à genoux
et dans son zèle se cache et se détourne.

À la verticale du marbre il ne regardait pas
le front qui s’ouvrait dans un lotus humide.
Dans des hurlements sans fin s’est ouverte la frondaison
sous le roulement furieux de la flèche et de la mort.
Peut-être son regard glacé ne se précipite-t-il pas
Sur le héron cendré et le froid si faible
du ponant, un cri qui aide à faire fuir
le sommeil, une flamme froide et une langue acérée ?

Visage absolu, fermeté mensongère du miroir.
Le miroir oublie le son et la nuit
et entrouvre sa porte au pontife versatile.
Masque et fleuve, griffon des songes.
Un froid mortel et la chevelure exilée de l’air
qui la crée, de l’air qui lui ment, sont faits
de la vie arrachée au nuage et à la
bouche ouverte reniée dans le sang qui s’épand.

Montant dans la poitrine juste en douceur,
oubliée pour une âme qui oublie et répand ses entrailles.
Rôle oublié, frais orifice dans le cœur
palpitant qui se précipite et sourit au colimaçon.
La main qui par les airs impulsait les lignes,
asséchée, des sourires cheminant dans la neige.
Maintenant elle tendait l’oreille vers le colimaçon, le colimaçon
enfouissant une oreille ferme dans la soie de l’étang.

Mélisses granitées et fleuves aux voiles gelées,
Ils guettent le signe d’une feuille d’or flétrie,
s’élevant en spirale, durant l’automne aux eaux si bouillonnantes.
Le docile rubis demeure soupirant dans sa fuite déjà ascendante.
Déjà l’automne parcourt les îles délaissées, recouvertes
îles et colombe isolée muette entre deux feuilles enterrées.
Le fleuve dans le fond de ses yeux annonçait
le poids de la lune sur leur dos et le souffle qui en halo se transformait.

Des torches comme des poissons, un flasque garçon travaille de nuit et le ciel,
Un arc et un panier et des couleuvres incandescentes, une stalactite et un lévrier.
Une plume mauve, non mouillée, un poisson qui me regarde, un sépulcre.
Les faisans équestres déjà ne remarquent plus la main sans écho, le pouls dédoublé :
les doigts sur un calendrier immobile et le dégoût sur son trône sourcilleux.
Lentement, une vague se forme dans la cavité marmoréenne qui veille
sur des dos qui jamais ne me questionnent, en un venin
qui jamais ne se dénature et en un bouclier sans poulains ni faisans.

Comme se répand l’absence sur la flèche qui s’isole
et comme la fraise respire en filant son cristal,
ainsi l’automne qui meurt sur ses lèvres, ainsi la grêle
Dans un tendre miroir détruit le regard qui le ceint,
que le mentionne la plume sur les lèvres, le labyrinthe et la flatterie
il le traverse auprès de la fontaine qui humecte le songe.
L’absence, le miroir déjà dans les cheveux quand sur la plage
Il s’étend, les cheveux esseulés questionnent et se détournent.

La frondaison légère déverse l’ascension qu’elle entame.
La courbe corinthienne n’est-elle pas la trahison des mirabelles confites,
que le miroir réunit ou emporte, un exil aveugle ?
Seul tombe l’oiseau, la main mue par la prison,
les dieux engloutis entre la pierre, l’escarboucle et la donzelle.
Si l’absence questionne avec la neige disparue,
une forme dans la plume, pas de cercles que la pulpe submergée abandonne.

Triste parcours – courbe cintrée dans un héron cendré –
l’espace que les mains délogent, un timbre absent
et du safran ardent, tendres roulements de ses extrémités.
Convoqués, les dormeurs s’agitent, les vagues se rident
frappant autour d’un jeu d’échecs endormi, sa tiare sans sépulture.
Son bois exhumé attendrit le bec froid du cygne bouillant.
Reluisant ressort : faux diamants ; plume changeante : lisse atlas.
Des cris vigoureux : les vagues jouent, la mort brandit un éclair dans ses veines.

Les lèvres s’offrent muettes aux alpistes roseaux noyés.
Les corbeilles orientales filtrent l’eau de lune.
Les plus endormis sont ceux qui se hâtent le plus,
Ils s’enfouissent, une plume en un cri, un sifflement masqué, entre frontons et crochets.
Le marbre étendu comme un fleuve se courbe ou emprisonne
les lèvres détruites, mais les aveugles ne cillent pas.
Des spirales de ténors héroïques tombent dans la poitrine d’une colombe
et là s’agitent jusqu’à briller comme des flèches dans leur manteau de nuit.

Une flèche se détache, un dos disparaît.
L’éclair est violet comme une aiguille dans la neige et un visage entêté.
Une terre humide remontant jusqu’au visage, la flèche enfermée.
Poussière de lune et terre humide, le profil brisé dans les nuages est un miroir.
Fraîches les valves de la nuit et frontière furieuse des coquillages
Dans leur prison sans soif les bras se distinguent,
Ils ne questionnent pas les coraux en stries d’abeilles et dans des secrets
confus, ils se réveillent en se souvenant des bras courbés et du front serti.

Depuis hier les questions se détournent ou se ferment
sous l’impulsion des fruits poussiéreux ou des îles où bivouaquent
les trésors que la rage disperse, adule ou blâme.
Les cadets travaillent les noix et le jaillissement qui fait face à leurs bruits
dans la flamme échafaude leurs racines et la demeure de leurs cris souterrains.
Si tu t’éloignes, abeille droite, le miroir disperse le fleuve silencieux.
S’il sombre, une moitié de sirène au feu, les fils effilochés sillonnant l’hiver
tissent le corps blanc dans les énigmes d’une statue poussiéreuse.

Le corps du son les pins silencieux exigent l’essaim,
réveillant la houle en lisses flambées et en vols paisibles,
guidés par la colombe qui sans yeux gémit,
sans œillet la face du miroir est ondulation, non pas souvenir.
Ils vont se réunissant dans des yeux, filant l’œillet pas toujours ardent
l’abîme de neige distillée ou le gémissement dans le ciel appuyé.
Les coursiers sous la neige ou combattant guidés par leurs regards
répandent leur supplique ou plus fixement recourent au mutisme premier désormais sans ciel.

La neige qui ne pénètre pas les sistres, proteste
dans des feuilles, tout droit brise le verre dans l’oreille,
des nids blancs, en leur centre se consument des coraux déjà tièdes,
enfuis les cadets sur leurs cerfs de lassitude, dans leurs forêts roses.
Ils se métamorphosent si le corail et le damoiseau bouclé enlacent leurs voix, il neige sur les chemins
où le corps sonore se balance avec les pins, la tête s’inclinant délicatement.
Le pin plus ardent, bientôt colonne de fumée aussi diaphane
que la pointe du bec du canari et la résurgence par le vent dispersé.

Narcisse, Narcisse. Les cornes du cerf assassiné
sont des poissons, sont des flammes, sont des flûtes, sont des doigts mordillés.
Narcisse, Narcisse. Les cheveux guidant les florentins glissent sur leurs profils,
les lèvres leurs routes, les flammes tristes mordant les hanches des vagues.
Le poisson du froid vigoureux l’air dans le miroir sans stries, une grappe de colombes
cachées dans la gorge morte : fille de la flèche et des cygnes.
Le héron divague, un coquillage dans la vague, les nuages nonchalants,
l’écume s’accrochait aux yeux, la goutte de marbre et le doux socle n’offraient rien.

Un cri fruité dans la neige, le secret métamorphosé dans le géranium.
La blancheur de la soie monte en lèvres renversées,
elle ouvre un oubli dans les îles, l’épée et les bords parviennent
à déposer le rêve, à vaincre le miroir sur la rive de terre et de roche impure.
Des lèvres humides hors du coquillage qui cherche le droit fil,
les esclaves du profil et de la voile asséchée dérobent l’air
au tournesol qui change sa sonorité en un tournesol blond de chaux salée
cherchant dans le blond miroir de la mort, la coquille du son.

S’il traverse le miroir les eaux bouillonnent en ébranlant l’oreille.
S’il s’assied sur son bord ou sur sa face, le centurion appuie sur son côté.
S’il déclame, elles pénètrent son regard et les lettres se froissent dans le songe.
Une vague d’air enveloppe le secret albinos, la peau harponnée,
l’ombre du miroir coloré est le souvenir et la minute de silence.
À présent, une blancheur droite et infinie transperce les flammes sèches et les feuilles pluvieuses.
Un flot d’abeilles incréées darde la stèle, choisissant le côté.
Ainsi le miroir le découvrit silencieux, ainsi Narcisse à la pleine mer s’enfuit sans ailes.

Bibliographie

Lezama Lima J., Muerte de Narciso, poème en espagnol sur le site ciudadseva.com.


Traduction : Patrick Moulin, alias @dsirmtcom, novembre 2023.

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