NC – Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne

Notes contemplatives de lecture – Note contemplative n° 74

Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.

Notes de lecture

Fréquenter les beaux esprits, c’est en somme dîner en ville – et on ne va pas dîner en ville au nez des gens qui meurent de faim. p. 8.

Il faudrait parler de soi avec une rigueur inflexible. Et au premier effort pour se saisir, d’où viennent cette pitié, cette tendresse, ce relâchement de toutes les fibres de l’âme et cette envie de pleurer ? p. 11.

[C’est] du sentiment de sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie. Il s’en rapporte à sa mère, comprends-tu ? Présent, passé, avenir, toute sa vie, la vie entière tient dans un regard, et ce regard est un sourire. p. 20.

La moindre poupée de quatre sous fait les délices d’un gosse toute une saison, tandis qu’un vieux bonhomme bâillera devant un jouet de cinq cents francs. Pourquoi ? Parce qu’il a perdu l’esprit d’enfance. p. 21.

L’extrême pauvreté n’a pas de peine à rester digne. p. 27.

C’est une des plus incompréhensibles disgrâces de l’homme, qu’il doive confier ce qu’il a de plus précieux à quelque chose d’aussi instable, d’aussi plastique, hélas ! que le mot. Il faudrait beaucoup de courage pour vérifier chaque fois l’instrument, l’adapter à sa propre serrure. On aime mieux prendre le premier qui tombe sous la main, forcer un peu, et, si le pêne joue, on n’en demande pas plus. p. 39.

Quand tu rencontres une vérité en passant, regarde-la bien, de façon à pouvoir la reconnaître, mais n’attends pas qu’elle te fasse de l’œil. p. 45.

La vérité, elle délivre d’abord, elle console après. p. 50.

On apprend la vie plus ou moins vite, mais on finit toujours par l’apprendre, selon sa capacité. Chacun n’a que sa part d’expérience, bien entendu. Un flacon de vingt centilitres ne contiendra jamais autant qu’un litre. p. 56.

Mais quoi ! s’ils nous volent, ils nous respectent. p. 65.

C’est l’injuste humiliation du pauvre qui fait les misérables. p. 76.

Comme nous savons peu ce qu’est réellement une vie humaine ! La nôtre. Nous juger sur ce que nous appelons nos actes est peut-être aussi vain que de nous juger sur nos rêves. p. 81.

Il y a certains silences qui vous attirent, vous fascinent, on a envie de jeter n’importe quoi dedans, des paroles… p. 82.

Lorsque je rencontre une injustice qui se promène toute seule, sans gardes, et que je la trouve à ma taille, ni trop faible, ni trop forte, je saute dessus, et je l’étrangle. p. 102.

On ne possède réellement que ce qu’on désire, car il n’est pas pour l’homme de possession totale, absolue. p. 112.

Qu’êtes-vous pour juger la faute d’autrui ? Qui juge la faute ne fait qu’un avec elle, l’épouse. p. 122-123.

L’orgueil n’a pas d’âge. La douleur non plus, après tout. p. 123.

Le risque d’un chef est le risque de tous. p. 125.

Nous ne connaissons réellement rien de ce monde, nous ne sommes pas au monde. p. 126.

Le vide fascine ceux qui n’osent pas le regarder en face, ils s’y jettent par crainte d’y tomber. p. 137.

Il n’est pire désordre en ce monde que l’hypocrisie des puissants. p. 139.

Les haines familiales sont les plus dangereuses de toutes pour la raison qu’elles se satisfont à mesure, par un perpétuel contact, elles ressemblent à ces abcès ouverts qui empoisonnent peu à peu, sans fièvre. p. 141.

Le grand malheur est que la justice des hommes intervienne toujours trop tard : elle réprime ou flétrit des actes, sans pouvoir remonter plus haut ni plus loin que celui qui les a commis. p. 144.

Une espérance bien à moi, rien qu’à moi, qui ne ressemble pas plus à ce que les philosophes nomment ainsi, que le mot amour ne ressemble à l’être aimé. Une espérance qui est comme la chair de ma chair. Cela est inexprimable. Il faudrait des mots de petit enfant. p. 151.

Et puis nous n’en parlerons plus, n’est-ce pas ? plus jamais ! Ce mot est doux. Jamais. p. 152.

Il ne s’agit pas de connaître son pouvoir, […] mais la manière dont on s’en sert, car c’est cela justement qui fait l’homme. p. 159.

Tu calcules trop. Tu es en train de te perdre dans les adverbes. Il faut construire sa vie bien clairement, comme une phrase à la française. p. 173.

Faire face n’est pas toujours résister. p. 178.

Nous avions l’air de nous dire adieu de loin, d’un bord à l’autre d’une route invisible. p. 179.

Les petites choses n’ont l’air de rien, mais elles donnent la paix. C’est comme les fleurs des champs, vois-tu. On les croit sans parfum, et toutes ensemble, elles embaument. p. 180.

On ne va jamais jusqu’au fond de sa solitude. p. 191.

Et la honte, voyez-vous, c’est un sommeil comme un autre, un lourd sommeil, une ivresse sans rêves. p. 192.

Quand on pleure, la tristesse sort de vous, le cœur fond comme du beurre, pouah ! p. 196.

Je n’avais jamais été jeune, parce que je n’avais pas osé. […] Je n’ai jamais été jeune parce que personne n’a voulu l’être avec moi. p. 201.

Le bonheur ! Une sorte de fierté, d’allégresse, une espérance absurde, purement charnelle, la forme charnelle de l’espérance, je crois que c’est ce qu’ils appellent le bonheur. p. 202.

À trente mille pieds au-dessus du sol, n’importe quelle saleté d’ingénieur, bien au chaud dans ses pantoufles, entouré d’ouvriers spécialistes, n’aura qu’à tourner un bouton pour assassiner une ville et reviendra dare-dare, avec la seule crainte de rater son dîner. p. 211.

La cité antique est morte, elle est morte comme ses dieux. Et les dieux protecteurs de la cité moderne, on les connaît, ils dînent en ville, et s’appellent des banquiers. p. 212.

Le doute de soi n’est pas l’humilité, je crois même qu’il est parfois la forme la plus exaltée, presque délirante de l’orgueil, une sorte de férocité jalouse qui fait se retourner un malheureux contre lui-même, pour se dévorer. Le secret de l’enfer doit être là. p. 212-213.

C’était comme un grand murmure de l’âme. Cela me faisait penser à l’immense rumeur des feuillages qui précède le lever du jour. Quel jour va se lever en moi ? p. 214.

Hélas ! on croit ne tenir à rien, et l’on s’aperçoit un jour qu’on s’est pris soi-même à son propre jeu, que le plus pauvre des hommes a son trésor caché. Les moins précieux, en apparence, ne sont pas les moins redoutables, au contraire. p. 214.

Vous avez de la chance d’être malade. Il me semble que la maladie doit donner le temps de rêver. Je ne rêve jamais. p. 215.

Lorsqu’on va droit devant soi, la terre est petite. p. 217.

Garder le silence, quel mot étrange ! C’est le silence qui nous garde. p. 221.

Et quand notre souffrance a passé de pitié en pitié, ainsi que de bouche en bouche, il me semble que nous ne pouvons plus la respecter ni l’aimer… p. 222.

Passe pour l’espérance, personne n’a jamais vu cette divinité-là de très près. Mais l’espoir est une bête, je vous dis, une bête dans l’homme, une puissante bête, et féroce. Mieux vaut la laisser s’éteindre tout doucement. Ou alors, ne la ratez pas ! Si vous la ratez, elle griffe, elle mord. p. 231.

Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. p. 252.

Bibliographie

Bernanos G., Journal d’un curé de campagne, Paris, Le Livre de Poche, 1958.

Voir aussi

Notes contemplatives de lecture : Unamuno, Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança.


Dsirmtcom, septembre 2023.

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